VIDEO. Jason Bateman: «On me dit beaucoup que "Ozark" ressemble à "Breaking Bad"»
SÉRIE TV•Avec «Ozark», une nouvelle série Netflix qu’il interprète, produit et réalise, l’acteur Jason Bateman casse son image d’amuseur et se la joue bad bad bad…Propos recueillis par Vincent Jule
Parmi les nombreuses séries estivales à venir, rien que sur Netflix, Ozark est une bonne pioche. Moins par son sujet, que par son acteur, son réalisateur et son producteur. Vous avez deviné, il s’agit de la même personne : Jason Bateman.
Il interprète Marty, conseiller financier à Chicago, qui blanchit un peu d’argent pour un baron de la drogue mexicain. Mais après que son partenaire les a doublés, il doit déménager aux monts Ozarks. Au vert ? Pas vraiment, puisqu’on lui demande bientôt de blanchir huit millions de dollars, et son business ne fait pas les affaires du dealer du coin, d’une caïd de 19 ans et d’un agent du FBI.
Après Bryan Cranston, passé de Malcom à Breaking Bad, Jason Bateman lâche le rire pour le drame, lui que la France a découvert avec la série Arrested Developpement et des comédies interchangeables : Comment tuer son boss ?, Thérapie de couples, Une famille très moderne, etc. Mais aux Etats-Unis, Jason Bateman est un enfant star depuis les années 80 et les séries comme La petite maison dans la prairie, Ricky ou la belle vie et The Hogan Family. Pour 20 Minutes, Jason Bateman revient sur ce virage d’autant plus symbolique pour lui, qu’il a supervisé la série et réalisé quatre des 10 épisodes disponibles vendredi sur Netflix.
Êtes-vous à l’origine d’Ozark, car vous y êtes à la fois acteur, producteur et réalisateur ?
Non, les deux premiers scripts étaient déjà écrits. En fait, après avoir réalisé deux films (Bad Words, The Family Fang), et adoré ça, je cherchais un nouveau projet, plus ambitieux. Mon agent m’a alors dit de lire Ozark, mais c’était une série, donc inimaginable pour moi de la réaliser : c’est cinq films d’un coup, 10 heures en tout. Je l’ai tout de même lu, et eu un coup de coeur. Après discussions, Netflix a accepté, mais il s’est avéré impossible pour moi de trouver le temps de faire la préproduction de tous les épisodes, l’équivalent d’une bonne grosse année. J’ai donc dégagé du temps pour réaliser les deux premiers et deux derniers de la saison, embauché des réalisateurs pour les six du milieu, et enfilé la casquette de producteur exécutif, une position de superviseur équivalente à celle d’un metteur en scène sur un film. Développement, tournage, postproduction et même marketing, j’ai été de toutes les étapes, un sacré challenge.
Qu’est-ce vous a attiré dans cette histoire ?
En tant que réalisateur, je voulais que le public ressente la crise et la gravité que traverse cette famille. Ils ne devaient jamais paraître en sécurité, je voulais créer une tension et la maintenir tout au long des 10 épisodes. C’était un exercice inédit pour moi, plus habitué à la comédie. En tant qu’acteur, j’aime les personnages ordinaires, lambda, « nous » tout simplement, confrontés à l’extraordinaire, à la vie. En étant des deux côtés de la caméra, je pensais avoir plus de chance d’atteindre le ton que je cherchais.
Les Ozarks, c’est aussi une région du Missouri.
Le créateur Bill Dubuque (Le juge, Mr. Wolff) vivait à Saint-Louis, et s’y rendait souvent enfant. C’est une destination très prisée par les Etats intérieurs, comme la Floride l’est pour les New-Yorkais sur la côte est et Mexico pour les habitants de Los Angeles sur la côte ouest. Les Ozarks sont une région de monts, de lacs, et on y trouve beaucoup de maisons de vacances, de bars, de bateaux et de sacrés personnages. Les locaux ont leurs propres valeurs, ils sont conservateurs, inflexibles, difficiles à manipuler, à berner. C’est le problème que va rencontrer le héros, il les réduit à des rednecks, et il a tort.
Ozark est-il le nouveau Boodline ou le nouveau Breaking Bad ?
Il y a en effet des similitudes avec Bloodline : une famille, de l’eau… et voilà. (rires) En revanche, la comparaison avecBreaking Bad revient souvent. Un homme normal forcé de sentir de sa zone de confort et de faire affaire avec les mauvaises personnes, impossible de ne pas y penser. Mais vous pourriez trouver des liens avec d’autres séries. J’espère juste que les gens seront happés par cette histoire unique, une histoire sans explosions, effets spéciaux ou blagues.
Est-ce facile de se diriger soi-même alors que vous êtes de tous les plans ?
Ça aurait pu être une erreur, certains le diront peut-être. Avec l’expérience, j’apprécie le fait d’être à l’aise devant la caméra, je sais garder les yeux ouverts sur ce qu’il se passe autour de moi et j’aide à mon niveau, par exemple en suivant les mouvements de caméra, pour que le plan soit mis en boîte. Car l’équipe a passé 45 minutes à tout mettre en place pendant que moi, j’étais tranquillement dans ma loge. Le minimum que tu puisses faire, c’est de connaître ta réplique, garder des marques et faciliter le travail du cadreur, du réalisateur. Etre des deux côtés m’a permis de fluidifier le processus créatif, je pouvais demander à rejouer une scène sans tout arrêter.
Pas trop difficile le passage de la comédie au drame ?
Ce n’est pas très différent, mes personnages comiques et dramatiques ne sont pas si éloignés, car ils restent toujours humains. Pour simplifier, en comédie, je dois rendre le personnage un peu débile, afin qu’il prenne les mauvaises décisions, soit dépassé par les événements et les autres personnages. Dans un drame, il est plus malin, mais pas trop non plus, sinon il ne fait pas d’erreurs et il n’y a pas de film ou série.
Quel souvenir gardez-vous de vos débuts, il y a plus de 30 ans ?
J’ai commencé très jeune, et je me souviens de l’instinct de jouer. De « jouer », sous-entendu en faire des tonnes. Aujourd’hui, c’est plutôt l’inverse, on cherche le réalisme, quelque chose de plus naturaliste, de moins spectaculaire. Mon effort va dans ce sens, donner l’impression de ne pas jouer, de disparaître derrière le personnage. Dans 10 ans, j’espère être encore meilleur à ce petit jeu.