Avec «Kim Kong», «I Love Dick», «Feud:Bette and Joan», les séries font leur cinéma à Séries Mania
série•Deux séries en compétition et la série présentée en clôture du festival Séries Mania abordent la question de la création dans le 7e art…Anne Demoulin
L'essentiel
- Trois nouvelles séries traitent du monde du cinéma
- Certaines sont humoristiques, d'autres plus sérieuses
Le monde des séries et celui du cinéma ne finissent pas de s’entremêler. Alors que les cinéastes David Lynch et Jane Campion présenteront respectivement la saison 3 de Twin Peaks et la saison 2 de Top of the Lake au Festival de Cannes, le festival Series Mania présente trois séries qui parlent de cinéma. En compétition, Kim Kong, série française diffusée sur Arte cet automne, I Love Dick, série américaine disponible le 12 mai sur Amazon Prime Video, et enfin, en clôture de Series Mania ce samedi et sur Canal + Séries à partir du 23 avril à 22h15, Feud : Bette and Joan.
Comment ces trois shows télévisés abordent, chacune à leur façon, la question de la création sur le grand écran ?
« Kim Kong » s’interroge sur la création sous contrainte
A première vue, le pitch de Kim Kong, mini-série en trois épisodes créée par Simon Jablonka (Engrenages, Flics) et Alexis Le Sec ( Cannabis, Caïn), évoque celui de The Interview, la comédie de Seth Rogen et Evan Golberg.
Mathieu Stannis (Jonathan Lambert), réalisateur de blockbusters français, se fait kidnapper par un dictateur asiatique complètement barré (Christophe Tek). Caricature à peine déguisée de Kim Jong-un, ce tyran exige qu’il tourne un film à sa gloire, un remake improbable de King Kong dont il a écrit le scénario.
Kim Kong est, comme attendu, une comédie jubilatoire vilipendant les débordements absurdes d’un tyran totalement fou dans un régime totalitaire, mais elle est, bien plus encore, une merveilleuse ode à la création cinématographique.
A force d’enchaîner les blockbusters d’action à la Luc Besson, Mathieu Stannis est devenu un cinéaste désabusé. Il va paradoxalement retrouver l’inspiration et le goût de créer, sous le joug du tyran, parce que le vrai cinéma est une question de « vie ou de mort ». Comment créer sous la contrainte ? Qu’est-ce que le cinéma ? Tels sont les questions ontologiques de ce conte sur le 7e art où François Truffaut figure dans le rôle de la bonne fée. Une véritable leçon de cinéma !
« I Love Dick » se demande quel est le rôle du désir dans la création
I Love Dick, nouvelle pépite de Jill Soloway (Transparent), est l’adaptation du roman épistolaire et manifeste féministe éponyme de Chris Kraus. L’histoire suit les aventures de Chris (Kathryn Hahn), réalisatrice indépendante new-yorkaise qui suit son mari, Silvere (Griffin Dunne), à Marfa, à la fois coin perdu et « pourri » au beau milieu du désert texan et épicentre « branché » de la contre-culture américaine.
Sylvère, écrivain, y entame une résidence pour « penser l’holocauste », sous le mentorat de Dick, l’homme qui va fasciner Chris. Dès le premier regard posé sur ce cow-boy viril, arrogant, ténébreux et charismatique campé par Kevin Bacon, Dick (qui désigne en anglais le diminutif de Richard et le terme argotique « bite ») devient l’objet de tous les fantasmes de la réalisatrice.
Le vrai Dick, non fantasmé, (« real dick » veut dire « connard » en anglais) s’avère être misogyne : « La plupart des films faits par des femmes ne sont pas si bons », lance-t-il à la cinéaste lors d’une conversation. Sally Potter, Jane Campion et Chantal Akerman, lui rétorque-t-elle.
Méprisée par l’objet de son désir, la réalisatrice va, afin de canaliser son « obsession », faire de Dick, l’objet de son nouveau projet artistique, une autofiction. I Love Dick érige ainsi le désir sexuel comme vecteur sine qua non de la création.
« Feud : Bette and Joan » questionne le poids du statut de star
aLa nouvelle série d’anthologie de Ryan Murphy (Nip/Tuck, Glee, American Horror Story) s’intitule « Feud », « querelle » en anglais et met en scène met en scène les rivalités légendaires qui ont défrayé la chronique.
La première saison s’intéresse au tournage, au début des années 1960, du film Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? de Robert Aldrich, qui a réuni deux immenses stars de l’âge d’or d’Hollywood, Joan Crawford et Bette Davis, incarnée ici par Jessica Lange et Susan Sarandon.
Les deux actrices se connaissent, s’admirent, mais ne s’entendent guère. Dans l’impitoyable star-system hollywoodien, il est difficile pour une actrice d’un certain âge, même talentueuse, de trouver un rôle sa mesure.
Conscientes que le film peut raviver leur gloire passée et leur donner l’occasion de faire leur retour sur un plateau de tournage, Joan Crawford et Bette Davis se lancent dans le projet dans lequel elles campent précisément deux sœurs rivales. La mise en abyme commence. Jessica Lange et Susan Sarandon, les héroïnes de cette nouvelle série, sont elles-mêmes des actrices d’un certain âge, issues du star-system hollywoodien. En convoquant le 7e art, les showrunners ne posent-ils pas finalement aussi un regard réflexif sur l’âge d’or des séries ?