Ces vrais médecins qui ont inspiré «The Knick», le bijou de Steven Soderbergh
SERIE•Première diffusion sur une chaîne gratuite : France Ô programme ce vendredi la série médicale historique de Steven Soderbergh qui raconte la naissance de la chirurgie moderne à New York...Anne Demoulin
La naissance aux forceps de la médecine moderne. New York, circa 1900, John Thackery ( Clive Owen), docteur brillant mais cocaïnomane, prend la tête du service de chirurgie de l’hôpital Knickerbocker après le suicide de son ami et mentor le docteur Christiansen. Il est contraint par les actionnaires d’accueillir dans son équipe, Algernon Edwards, praticien surdoué, diplômé de Harvard et formé par les meilleurs chirurgiens européens… mais noir.
La série The Knick, qui bat au rythme de la musique électronique de Cliff Martinez, à qui l’on doit la BO de Drive, fait écho aux battements de cœur des chirurgiens durant des opérations, souvent au stade expérimental. Le cinéaste Steven Soderbergh qui cumule sur ce projet les casquettes de producteur délégué, de réalisateur et de directeur de la photographie nous immerge dans un New York sombre, violent et corrompu, miséreux, menacé par des épidémies, où les immigrants sont accusés de tous les maux, mais aussi dans les balbutiements d’un savoir-faire médical qui tient parfois plus de la boucherie que du stade expérimental.
Qui sont ces véritables pionniers qui ont inspiré la série diffusée ce vendredi à 22h45 pour la première fois sur une chaîne gratuite, France Ô ?
Ces chirurgiens d’Harlem, qui refusaient de traiter les Afro-américains
L’hôpital Knickerbocker a réellement existé. Fondé en 1962 en tant que dispensaire de Manhattan à Harlem, il a tout d’abord accueilli de nombreux soldats pendant la guerre de Sécession, puis a principalement servi aux pauvres et aux immigrants. Semblable à sa représentation télévisuelle, l’équipe du Knickerbocker a souvent refusé de traiter des patients afro-américains malgré sa mission d’accueillir ceux qui ne pouvaient pas se permettre de payer pour des soins médicaux. L’hôpital a été cependant précurseur dans les traitements contre la polio, la gynécologie et l’alcoolisme, il a fermé ses portes en 1979.
Ce toxicomane, qui a introduit la chirurgie moderne aux Etats-Unis
William Halsted a servi de modèle au docteur Thackery. Ce brillant chirurgien a réussi en 1882 l’une des premières opérations de la vésicule biliaire aux Etats-Unis, pratiquée sur sa mère, sur une table de cuisine à deux heures du matin. Il est aussi l’un des premiers à pratiquer aux Etats-Unis la transfusion sanguine, sur sa sœur, qu’il retrouve en état d’hémorragie mortelle, alors qu’elle vient d’accoucher.
En 1884, il s’intéresse à l’action anesthésiante de la cocaïne instillée et expérimente la drogue sur lui-même. Devenu cocaïnomane, il fait une cure pour se désintoxiquer où l’on lui administre de la morphine. Il devient dépendant aux deux drogues, mais continue d’exercer avec succès.
Chef du service de chirurgie de Johns-Hopkins en 1890, il formule les « principes de Halsted », principes chirurgicaux concernant le contrôle du saignement – appelée homostase, la dissection anatomique, la stérilisation, la suture des plaies et la manipulation des tissus. Il introduit l’usage des anesthésiques locaux et des gants en latex, qu’il a inventé par amour pour sa femme, l’infirmière Caroline Hampton Halsted, qui avait un eczéma aux mains dû à l’usage du phénol.
William Halsted invente un grand nombre de procédés opératoires importants comme la première suture sous-cutanée, la mastectomie radicale pour le cancer du sein. D’autres de ses apports concernent aussi bien la chirurgie de la thyroïde, des hernies que les anévrismes intestinaux et artériels. Il est surnommé « le père de la chirurgie moderne ».
Cet Afro-américain, qui a réussi la première opération à cœur ouvert aux Etats-Unis
Algernon Edwards est inspiré quant à lui de deux docteurs, Daniel Hale Williams et Louis T. Wright. Le premier fut le premier chirurgien cardiaque Afro-américain, lequel réussit la première opération à cœur ouvert aux États-Unis en 1893. Daniel Hale Williams a également fondé l’hôpital Provident de Chicago, le premier établissement hospitalier à ne pas pratiquer la ségrégation aux États-Unis.
Louis T. Wright fut quant à lui le premier chirurgien afro-américain de New York, diplômé tout comme Algernon d’Harward en 1915. Quatre chirurgiens démissionnent en protestation lors de son embauche au Harlem Hospital en 1920. Membre du National Association for the Advancement of Colored People, il s’est battu contre les préjugés racistes jusqu’à la fin de sa vie.
Cet ophtalmologue, qui collectionne les vieilles photos médicales
Pour garantir l’exactitude des procédures médicales, Steven Soderbergh s’est adjoint les services d’un expert hors pair, Stanley Burns. Cet ophtalmologue possède la plus grande collection mondiale de photographies médicales et historiques, avec plus d’un million de clichés en sa possession. Burns Archive, une adresse bien connue des étudiants en médecine new-yorkais sur East 38th Street à Manhattan, abrite cette incroyable collection, constituée également d’innombrables revues médicales et autres instruments d’époque.
Consultant sur la série, Burns a enseigné aux acteurs les gestes de ce savoir-faire médical encore archaïque. Outre le fast checking médical, le docteur Burns a également fourni bon nombre d’anecdotes qui ont nourri l’écriture de la série. Un gigantesque réservoir d’histoires, qui ont d’ores et déjà alimenté la seconde saison de The Knick.