Canal+: Yann Barthès, Ali Baddou, Maïtena Biraben... Pourquoi les animateurs quittent le navire?
TELEVISION•Canal+ mais moins Yann Barthès, Ali Baddou, Maïtena Biraben...V. J.
Vincent Bolloré l’avait promis juré à la rentrée dernière, Maïtena Biraben sera à la tête du Grand Journal jusqu’en 2022. Raté. Canal + annonce ce jeudi son départ de l’émission, et selon les informations de l’AFP, l’animatrice quitterait également la chaîne cryptée. Son nom s’ajoute à une liste qui n’en finit plus de s’allonger : Yann Barthès, Grégoire Margotton, Thomas Thouroude, Ophélie Meunier, Bruce Toussaint, auxquels vient de s’ajouter Ali Baddou. Ils quittent tous le navire.
- L’esprit défricheur a disparu
C’est peu dire que l’image du Canal + historique s’est vue écornée cette saison : chute des audiences,fuite des abonnés, absence symbolique de la Croisette, feuilleton médiatique Bolloré… et les Guignols. Ils sont peut-être le meilleur exemple de cette déroute. Alors que la France entière se levait contre son arrêt de l’émission l’été dernier, plus personne ne se préoccupe de son sort aujourd’hui, depuis le changement d’auteurs et le passage en crypté. Le mot d’ordre serait plutôt d’en finir, d’abréger ses souffrances. Il est loin le temps de la chaîne avant-gardiste, défricheuse, Canal + n’est qu'une gloire d’antan, une nostalgie, une « dimension quasi amoureuse avec ses téléspectateurs, de souvenirs, d’habitudes » précise l’expert médias Virginie Spies.
Pour l’impertinence, Yann Barthès a même préféré lâcher son Petit Journal et rejoindre la TNT et TMC. C’est dire. Quant aux rares innovations ou prises de risques, elles sont reléguées au fin fond la grille, à l’instar de L’émission d’Antoine et ses 60.000 curieux. Lui et Monsieur Poulpe font mieux ailleurs, avec leurs Recettes Pompettes et leurs 1,5 million de vues sur YouTube. Virginie Spies confirme : « La télé des grandes chaînes n’existe plus depuis longtemps. Le vent de liberté à la télé, en termes de création, n’existe plus. L’originalité se trouve aujourd’hui sur le web. »
- La peur de l'« Hanounisation »
« "Nos boîtes SMS [sont] saturées par leurs appels, ils veulent tous partir…", raconte, médusé, un patron d’antenne ». L’anecdote est rapportée par TéléObs, qui évoque parmi les causes de cette exode la menace de l’Hanounisation de l’antenne. Il faut dire que Bolloré a sorti 250 millions d’euros sur cinq ans pour s’assurer de garder l’animateur mais aussi le producteur. Déjà omniprésent sur D8, Cyril Hanouna devrait rapidement étendre son emprise sur Canal +. Il a ainsi mis en boîteLa Très Grosse Emission, un prime avec Dominique Farrugia, et des rumeurs évoquent un Zapping 100 % « Baba » et une Enora Malagré à la tête du Tube. Le Canal + version Hanouna ? Le site Slate l’a imaginé pour rire (jaune).
- La stratégie du crypté
« Quand on ouvre une plage en clair, on gagne certes à court terme des recettes publicitaires, mais à long terme, on perd des abonnés », affirmait récemment Vincent Bolloré. Et il a raison : « Il n’y a pas une seule chaîne payante au monde qui ait des tranches en clair. » Cette spécificité, ce mélange de clair et de crypté, a participé à créer le fameaux esprit Canal, mais semble avoir fait son temps, malmené par la publicité et la concurrence.
Si le passage au tout payant et à un modèle HBO n’est pas encore d’actualité (il lui faudrait un Game of Thrones… ou le foot), avec le maintien de Daphné Bürki et sa Nouvelle Edition le midi, les tranches de clair seront fortement réduites la saison prochaine. Or, quel animateur a envie d’avoir moins d’exposition ? Thierry Ardisson, s’il garde son émission Salut les Terriens et son horaire du samedi 19h, déménagerait ainsi sur D8. C’était ça ou connaître le même destin que les Guignols et Antoine De Caunes.
- Le double effet Bolloré
Si le nouveau grand patron de Canal + a coupé des têtes en coulisses à son arrivée, les animateurs semblent quitter l’antenne d’eux-mêmes. Comme s’ils ne voulaient plus rien à voir avec ce Canal-là, le Canal de Bolloré. Il a ainsi fallu quelques semaines de mauvaises audiences du Grand Journal et autant de déclarations de soutien de Bolloré pour que Maïtena Biraben passe de la journaliste sérieuse du Supplément à la chouchou, pour ne pas dire le toutou du boss. Une image qui l’a énervée, dont elle s’est défendue à plusieurs reprises ( « Vincent Bolloré n’est pas dans mon oreillette »), mais qui lui a collé à la peau toute la saison. La solution : partir, rebondir. Mais où ?