David Pujadas: «Bachar Al-Assad n’a pas essayé de connaître les questions de mon interview»
INTERVIEW•Le journaliste a réalisé un entretien filmé avec le président syrien diffusé ce lundi soir dans son JT sur France 2. Il raconte à «20 Minutes» les coulisses de cette interview inédite…Anaëlle Grondin
Quatre ans après le début de la guerre en Syrie, Bachar Al-Assad a accepté pour la première fois une interview filmée avec un média français. David Pujadas s’est ainsi rendu à Damas la semaine dernière pour rencontrer le président syrien très contesté. L’entretien exceptionnel sera diffusé dans le 20h de France 2 ce lundi soir. Le journaliste a répondu aux questions de 20 Minutes sur ses coulisses et son contexte.
C’est un très joli coup pour vous et France 2. Comment avez-vous convaincu Bachar Al-Assad d’accepter cette interview filmée?
Cela fait un an et demi qu’on a déposé cette demande pour la première fois. On a insisté à plusieurs reprises. Ce qui a plaidé en notre faveur, c’est que nous avons une large couverture du conflit sur France 2. Nos envoyés spéciaux sont allés là-bas six fois. On est porté sur l’international et notre public s’y intéresse. Nous avons eu une réponse définitive pour l’interview une semaine auparavant.
Où et quand a été réalisée cette interview?
Ça s’est passé à Damas [en Syrie]. Nous avons pris l’avion vendredi pour aller à Beyrouth car l’aéroport de Damas est fermé. Là-bas, on a pris une voiture jusqu’à la frontière et nous avons poursuivi la route (assez sûre, avec des checkpoints) jusqu’à Damas. On est arrivés à Beyrouth vendredi dans la soirée. L’interview a eu lieu hier [dimanche] à 11h. On a repris la route hier soir tard, l’avion partait de Beyrouth à 2h. Je suis arrivé à Paris à 7h ce lundi.
Vous a-t-on imposé des contraintes côté syrien?
Il n’y a pas eu de contraintes sur les questions. Nous étions totalement libres. Les questions n’ont pas été communiquées. Bachar Al-Assad et son entourage connaissent les médias occidentaux. Ils n’ont pas essayé de connaître les questions. En revanche, il y a eu des négociations sur la durée de l’entretien et sur la sécurité. Les conditions de sécurité étaient drastiques. On ne connaissait pas le lieu de l’interview dix minutes avant. Et en arrivant, on n’avait pas le droit d’ouvrir le coffre de la voiture. Il y avait mes lentilles de contacts et ma trousse à maquillage dedans. Après dix minutes de négociations on a pu l’ouvrir.
Combien de temps a duré l’entretien finalement?
L’intégralité de l’interview, qui dure 25 minutes, sera mise en ligne sur francetvinfo. Au journal télévisé ce soir, il y aura quinze minutes d’entretien à l’antenne.
A votre avis, qu’est-ce qui a poussé Bachar al-Assad à accepter votre interview maintenant précisément?
Le contexte a un peu changé pour lui. Il est passé du statut de paria absolu à un autre registre où certains, comme John Kerry [secrétaire d’Etat américain], s’interrogent sur le fait de refaire de lui un partenaire. Cela dit dans l’interview, il ne se montre pas du tout conciliant ni ne cherche à améliorer son image. Il n’était pas non plus aux abois. Il est plutôt droit sur ses positions.
Etiez-vous totalement à l’aise face à ce président très contesté?
Je ne vous donnerai pas mes sentiments personnels. C’est une partie prenante très importante dans ce conflit. Dans ce cadre-là, l’intérêt journalistique est indéniable. Bien sûr, il est au ban de la communauté internationale. Mais il doit être questionné, confronté aux faits, aux éléments sur sa répression.