«True Blood»: Tourbillon de sexe et de sang, pourquoi la série de vampires est subversive
SERIE•Actuellement diffusée le vendredi soir sur NT1, la série américaine a été analysée par un agrégé de philosophie...Joel Metreau
Les dents pointues déchirent la normalité en lambeaux. La série créée par Alan Ball, déjà à l’origine de Six Feet Under, s’est achevée l’an dernier aux Etats-Unis sur HBO. En France, alors que NT1 poursuit la diffusion de la saison 6 le vendredi soir (avant la 7 plus tard), un agrégé de philo, Frédéric Bisson, l’a sérieusement analysé dans True Blood, politique de la différence (PUF, 13 euros). La mode des vampires et de la «bit-lit» commence à s’effacer, mais le pouvoir subversif de True Blood va demeurer à jamais. Pourquoi?
Lafayette dans True Blood. - HBO
C'est une parodie des genres
A côté de la célébre saga cinématographique Twilight, où le vampirisme est une métaphore de la difficulté d’assouvir le désir adolescent, la série True Blood paraît bien dévergondée, à la limite du grotesque. «La mort d’un vampire y est représentée comme une scène de grand-guignol car il se transforme en amas gélatineux de chair, remarque Frédéric Bisson. On est proche du cinéma de genre comme Une nuit en enfer de Robert Rodriguez.» Aussi lubrique que ludique, la série entraîne «une parodie des genres sexuels», comme en témoigne la féminité exacerbée de Lafayette (Nelsan Ellis) ou la masculinité survirilisée du loup-garou Alcide (Joe Manganiello).
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Le loup-garou Alcide dans True Blood. - HBO
Ce sont de nouvelles pratiques sexuelles
Une série HBO sans sexe n’est pas une série HBO. Et dans True Blood, le plaisir sexuel est partout. On couche beaucoup, dans tous les sens. «La sexualité est le thème explicite de la série», pointe Frédéric Bisson. L’acte vampirique lui-même, la morsure du vampire sur un humain, est «un signifiant sexuel». Mais à la différence d’autres fictions, cette prédation n’est pas forcément agression pour les humains. Au contraire. «Consentie, la morsure devient comme l’invention d’une nouvelle pratique sexuelle», observe le philosophe.
Au centre, l'héroïne de True Blood, Sookie Stackhouse. - HBO
C'est une réflexion sur le coming-out
La série reflète les propres interrogations d’Alan Ball sur son homosexualité. Chez Bram Stoker, le vampire était un aristo chassé par le bourgeois Van Helsing. «Dans True Blood, il est un citoyen comme les autres, il devient la minorité invisible, métaphore de la minorité homo, suggère Frédéric Bisson. Doit-il revendiquer son statut social ou demeurer dans la clandestinité?» Dilemme. En tout cas, les vampires sortent de leurs cercueils comme d’autres sortent du placard.
La saison 5 de True Blood. - HBO
Elle illustre le mouvement des droits civiques
L’influence d’Ann Rice (Entretien avec un vampire) se fait sentir dans True Blood. Ne serait-ce que par le décor de la Lousiane et la proximité de la Nouvelle-Orléans. «Cette dernière est à la fois une ville multiculturelle, mais synonyme des tensions entre Noirs et Blancs. En arrière-fond de la série, se tissent les thèmes de la guerre de Sécession et de l’esclavage. Le vampire devient le signifiant de ces minorités dominées par le pouvoir majoritaire des Yankees.»
La religion y est malmenée
Blasphématoire sur les bords, True Blood représente l’ingestion du sang de vampire comme un rituel, presque un décalque de l’eucharistie. «Dans la saison 5, une faction de vampires voue un culte religieux à une Bible vampire, une Bible originelle dont la Bible chrétienne serait la falsification», remarque Frédéric Bisson. Entre magie et religion, les frontières s'effacent.