Qui sont ces jeunes Français instrumentalisés par les intégristes musulmans?
TELEVISION•Pour un documentaire diffusé ce mardi à 20h35 sur France 5, la réalisatrice Clarisse Féletin a rencontré plusieurs mineurs qui ont été endoctrinés par des islamistes au point de se rendre en Syrie…Anaëlle Grondin
Samy, 15 ans, est parti rejoindre l’Etat islamique en Syrie, avant de s’enfuir et de revenir en France, traumatisé. Nora, 15 ans elle aussi, est partie de chez elle comme elle allait au lycée quand des terroristes lui ont fait miroiter un travail dans un orphelinat en Syrie. Chaque jour en France, des mineurs comme eux se laissent endoctriner par des intégristes musulmans.
Quels processus poussent ces jeunes à tout quitter en quelques mois seulement? C’est la question que s’est posée la réalisatrice Clarisse Féletin il y a un an. Entre-temps, elle est parvenue à rencontrer plusieurs adolescents comme Samy qui sont revenus en France. Grâce à eux et grâce à plusieurs parents de mineurs partis en Syrie, elle a pu décrypter les étapes de la radicalisation dans un documentaire diffusé ce mardi à 20h35 sur France 5, intitulé Engrenage: Les jeunes face à l’islam radical.
Des jeunes intelligents, qui veulent donner du sens à leur existence
«C’était très difficile d’avoir ces témoignages, mais [les adolescents] m’ont fait confiance, a indiqué Clarisse Féletin à 20 Minutes. Je leur ai dit que c’était un film pédagogique, que leur parole était précieuse pour qu’on ait une meilleure compréhension du phénomène.» Les mineurs qu’elle a rencontrés, tous prêts à rejoindre un pays et une religion dont ils ne savaient rien, ont des profils très différents et sont issus de familles musulmanes, juives, chrétiennes ou athées.
«Ce sont des jeunes très intelligents, brillants, qui veulent être utiles à la société. Ils se posent des questions sur le sens de l’existence», explique la réalisatrice. Samy, par exemple, a toujours été intégré et était même délégué de sa classe, nous apprend le documentaire. Ces adolescents «perdent leur esprit critique et agissent par mimétisme» une fois que leur cerveau a été lavé par les fanatiques. Ils finissent alors par basculer dans la haine. Kathie, une autre mineure explique ainsi dans le film: «Le sentiment qui m’animait c’était la haine du pays où je vivais. J’avais confiance en personne, je méprisais tout le monde.»
Les jeunes que Clarisse Féletin a rencontrés ont tous été approchés par des intégristes par Internet. Rachel, 15 ans, a par exemple été contactée par une cinquantaine de personnes et a dû s’acheter un téléphone à carte pour discuter avec son «gourou» sans être repérée. Les étonnantes conversations qu’elle a tenues avec lui, diffusées dans le documentaire, rappellent les méthodes utilisées par les sectes.
«Il faut donner une place et de l’espoir à la jeunesse»
Un Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam existe en France. Dounia Bouzar, sa fondatrice, travaille sur l’endoctrinement des jeunes depuis plus de dix ans. Mais il y a encore du boulot, même si «le numéro vert mis en place en avril par le ministère de l’Intérieur pour que les parents puissent donner l’alerte a permis de rattraper 50 jeunes», selon Clarisse Féletin.
La réalisatrice, qui se méfie énormément d’Internet, s’interroge sur les dispositifs à mettre en place en France pour prévenir ces dérives, soulignant qu’actuellement 28 filles et 26 garçons mineurs étaient aux mains des terroristes. Elle remet surtout en question la société française actuelle: «Il faut donner une place et de l’espoir à la jeunesse. Quel monde on leur offre s’ils se disent qu’ils ont plus d’avenir en Syrie, le pays le plus dangereux du monde?»