Grève à France 3: La direction, «qui veut cacher le problème», a maintenu le journal national
TELEVISION•Dénonçant le traitement catastrophique de la fusillade à «Charlie Hebdo» le 7 janvier dans l’édition nationale du «12/13», plusieurs syndicats avaient appelé à la grève pour ce lundi midi…Anaëlle Grondin
La grève à France 3, quelle grève? Choqués par la couverture (ou l’absence de) réalisée par l’édition nationale du 12/13 le jour de l’attentat à Charlie Hebdo, plusieurs syndicats avaient appelé tous les salariés de la rédaction nationale de France 3 à faire grève, les invitant à «cesser le travail le lundi 26 janvier à partir de 11h45 pour une durée de 59 minutes». En «bousculant» le 12/13, ils voulaient ainsi exprimer «leur indignation et leur colère face à cet échec éditorial qui a ridiculisé la rédaction», selon un communiqué publié par plusieurs syndicats (le SNJ, la CFDT et la CGT). Mais surprise, il y a bien eu un journal national à la mi-journée sur la chaîne publique.
«La direction a rallongé la sauce avec des plateaux et des directs, et en utilisant des reportages qui étaient déjà prêts. Elle a voulu cacher le problème en diffusant un journal normal», déplore Serge Cimino, journaliste à France 3 et membre du SNJ, contacté par 20 Minutes. «On aurait préféré qu’il n’y ait rien à l’antenne», poursuit-il, tout en assurant que la mobilisation était importante à la rédaction nationale.
Les résultats de l’enquête interne attendus
Les salariés mobilisés ce lundi ont demandé une nouvelle fois à la direction de leur donner «un document déroulant le fil de la journée du 7 janvier» à la rédaction, «la boîte noire du crash éditorial», pour savoir ce qu’il s’était passé durant les deux heures qui ont précédé le journal télévisé. Un document qu'ils n'ont pas obtenu. «Je comprends la déception et la frustration des journalistes. Personne n’est satisfait de cette édition du 7 janvier. Mais je ne suis pas prêt à faire paraître en place publique les responsabilités de telle ou telle personne, a réagi Pascal Golomer, le directeur de la rédaction nationale de France 3, contacté par 20 Minutes. Des leçons sont à tirer et des debriefs ont été faits. Ce n’est pas en affichant des responsabilités sur un document qu'on va améliorer les choses. Il faut prendre des mesures pour que les éditions soient mieux armées dans ce type de situations.»
Lorsque le journaliste Samuel Etienne a pris l’antenne pour l’édition nationale du 12/13 le mercredi 7 janvier 2015, la fusillade avait déjà eu lieu dans les locaux de Charlie Hebdo, mais le JT n’a consacré à cet attentat qu’un sujet d’une minute à peine et un direct par téléphone, passant des reportages comme l’ouverture des soldes ou encore la baignade en hiver. Pendant ce temps, France 2 s’apprêtait à faire une édition spéciale et iTélé était déjà en «breaking news» sur place. Résultat: France Télévisions a remplacé le rédacteur en chef de l'édition nationale du 12/13, Régis Poullain, pour son «manque de réactivité». «Je ne me satisfais pas de la sanction du rédacteur en chef. Qu’il soit le seul à être sanctionné, c’est injuste», réagit Serge Cimino. Soulignant un «vrai problème éditorial», il affirme: «La direction n’a rien compris à la crise profonde que traverse la rédaction nationale.»
Le rapprochement avec France 2 en filigrane
Le délégué syndical insiste notamment sur l’épineuse question du rapprochement entre France 2 et France 3 qui doit se concrétiser cette année. La rivalité entre les deux rédactions a été ravivée ces dernières semaines. France 2 aurait écrasé France 3 lorsqu’il a fallu couvrir Charlie Hebdo. «Les jours qui ont suivi le 7 janvier, tous les moyens se sont retrouvés réquisitionnés par France 2 pour une couverture spéciale. La mutualisation et la fusion, ça va se faire au profit d’une grande chaîne», s’insurge Serge Cimino. Pascal Golomer défend ce projet: «La crainte de voir une antenne privilégiée n'est pas fondée. On veut bâtir une rédaction commune pour produire des contenus différents pour les deux chaînes, qui gardent toutes leurs éditions.» Il reconnaît toutefois que «France 2, qui a assuré 11h de direct avait besoin de plus de moyens que France 3 pour 25 minutes de journal», en se rattrapant: «On est en train d'effectuer service par service un debrief pour voir où la coordination n'a pas été assez efficace.»
Serge Cimino n'en démord pas: «Notre assemblée générale ce lundi a été très fructueuse. Il y avait beaucoup de monde, 70 à 80 personnes. Il y a eu une décision prise à l’unanimité pour appuyer sur un nombre de sujets qui font mal comme la tutelle de France 2». Avant de prévenir: «Ce mouvement-là est en marche. La direction veut cacher les conflits mais il est là et il est profond. Le prochain mouvement ne fera pas 59 minutes et la direction sera obligée de s’y plier.»