TELEVISION«Envoyé Spécial» raconte l'enfer du «Goulag moderne»

«Envoyé Spécial» raconte l'enfer du «Goulag moderne»

TELEVISION«Envoyé Spécial» diffuse ce jeudi soir «Russie: au cœur du Goulag moderne», un reportage choc sur les conditions de détention des prisons russes, redevenues des armes de répression politique...
Annabelle Laurent

Annabelle Laurent

Que sait-on des prisons russes? Fin septembre, la Pussy Riot Nadia dénonçait dans une lettre les conditions de détention «inhumaines» du camp de Mordovie où elle a été envoyée pour deux ans pour «hooliganisme motivé par la haine religieuse». Depuis trois semaines, ses proches sont sans nouvelles. Elle aurait été transférée en Sibérie. «Une punition pour le retentissement de la lettre», estime sur Twitter Piotr, son mari. Humiliations, racket, tabassages en règle, viols… D’une rare violence, les images existent, et ne laissent aucun doute. Via des défenseurs des droits de l’homme locaux, les deux auteurs du reportage Elise Ménand et Madeleine Leroyer ont réussi à s’en procurer, pour appuyer les témoignages recueillis. «Les vidéos sont filmées par les surveillants, et sortent grâce aux prisonniers ou aux gardiens eux-mêmes, parce qu’ils sont écœurés, ou pour se venger d’un licenciement ou autre», explique à 20 Minutes Elise Ménand.

Nous suivons Piotr, qui milite pour Nadia à l’extérieur, puis, sur «la route des prisons» de Mordovie, «ce coin oublié de Dieu», Nadjeda, une ancienne détenue qui raconte sept années où le choix se faisait «entre la matraque et le blâme». Face aux vidéos de violences que lui montrent les journalistes, elle n’est «pas choquée». Elle «l’a vu de ses yeux». Le reportage nous emmène ensuite dans l’Oural, lieu de la colonie 6 où plus de 200 prisonniers se sont rebellés en novembre dernier pour dénoncer tortures et extorsions. Des parents témoigne du racket généralisé, qui force les familles à envoyer de l’argent à la colonie sans quoi, pour leur proche, «ce sera pire». Le discours officiel? «Aucune demande d’interview à l’administration pénitentiaire n’a abouti. Motif: «Sujet trop sensible». Ça a le mérite d’être clair», note Elise Ménand. Seul un ancien directeur de prison a accepté de s’exprimer. Il admet: le système est «concentrationnaire». Un autre, qui refuse d’être filmé, se défend: «Est-ce que j’ai une tête à torturer?».

Selon plusieurs ONG, près de 200 prisonniers politiques seraient aujourd’hui derrière les barreaux en Russie. Le reportage l’affirme: «Vingt ans après la chute de l’URSS, le goulag a changé de nom, mais ses usages perdurent». Les journalistes ont travaillé sous surveillance. Elles enquêtent depuis trois ans mais «au moment du tournage, les choses ont beaucoup changé», explique Elise Ménand. «Dès le premier jour de tournage dans l’Oural, on a été suivies. Puis à plusieurs moments, et de manière complètement ostentatoire. L’un de nos témoins s’est fait arrêter le jour où on était ensemble, avant d’être relâché au bout de quelques heures. De la pure intimidation». En Mordovie, c’était en arrivant à l’hôtel. Devant elles, le réceptionniste reçoit un coup de fil. «Les deux Françaises? Oui, elles sont bien chez nous.»