Des poules mortes de faim

Des poules mortes de faim

Justice Le gérant d'Alsace Œuf a comparu, hier, pour délit d'abandon
Philippe Wendling

Philippe Wendling

Non, l'affaire ne prête pas à rire, même si elle ne concerne que des poules. « Sa gravité pose la question même du principe de l'élevage industriel », lance Raphaël Nisand, l'avocat de Refuge de Noé. Alertés par des riverains gênés par des odeurs et des nuages de mouches, les autorités avaient dû exécuter 140 000 poules pondeuses de la ferme Alsace Œuf à Kingersheim, en novembre 2010. Des milliers étaient mortes les semaines précédentes faute de soins et de nourriture. « Pour survivre, des poules en picoraient d'autres en état de décomposition avancée », déplore Caroline Lanty, conseil des associations L214 et Animalsace. Poursuivi pour délit d'abandon, Zeki Karahancer, le gérant d'Alsace Œuf, a comparu, hier, devant le tribunal correctionnel de Strasbourg.

Un an de prison avec sursis requis
Ouvrier du bâtiment reconverti, Zeki Karahancer s'est lancé dans l'élevage en août 2009, avec peu de connaissances et un capital de 1 000 €, souligne un ex-employé. Un an plus tard, après un problème de salmonelle, son unique client diminue de moitié son prix d'achat des œufs. Conséquence, faute de trésorerie, son seul fournisseur en aliments, à qui il versait 6 500 € par jour, a cessé ses livraisons à la fin septembre 2010. Il n'aurait alors plus trouvé d'entreprise pouvant lui fournir 100 tonnes de nourriture par semaine.
« Les difficultés économiques ne peuvent justifier qu'on laisse des animaux sans aliments, sans soins. On n'abandonne pas des animaux », estime Xavier Bacquet, l'avocat de 30 Millions d'Amis, l'une des huit associations parties civiles dans le dossier. « On a des poules qui meurent par centaines, par milliers, mais pas parce qu'elles sont abandonnées. Monsieur Karahancer était tous les jours sur les lieux et en contact avec les services vétérinaires et la préfecture, plaide son avocat, Dominique Riegel. Il a essayé de trouver une solution, mais aucun abattoir n'était en capacité de recevoir 200 000 poules. Ils étaient tous très occupés avant les fêtes de Noël. »

« Une poule n'est pas une boîte de conserve. Notre société ne peut pas accepter que des animaux soient traités de cette manière », rétorque Lydia Pflug, la représentante du ministère public. Elle a requis contre Zeki Karahancer un an de prison avec sursis, 5 000 € d'amende, une interdiction de gérer une entreprise et de détenir un animal. La cour a mis son jugement en délibéré au 6 mars.