Strasbourg : Avec -60% de passagers en 2020, faut-il s'inquiéter pour l'aéroport ?
TRANSPORT•Il a souffert de la pandémie mais aussi, comme depuis longtemps, de la concurrence de ceux de Bâle-Mulhouse et Baden-BadenThibaut Gagnepain
L'essentiel
- L’aéroport de Strasbourg-Entzheim a, comme tous ses concurrents, souffert de la crise du Covid-19 en 2020. Son trafic passager s’est écroulé de 60 %.
- Faut-il s’inquiéter pour un lieu qui a toujours souffert de la concurrence de ceux de Bâle-Mulhouse et Baden-Baden ? Le président du directoire ne semble pas inquiet, pas plus que l’un des principaux actionnaires.
- Des investissements pourraient être repoussés, mais pas la réfection de la piste. Un chantier estimé à huit millions d’euros.
Ce n’est pas un scoop. Avec le Covid-19, le trafic aérien a souffert en 2020. L' aéroport de Strasbourg-Entzheim n’a pas fait exception. « Mais avec -60,6 % de trafic passagers, on s’en sort mieux que la plupart des autres puisque la moyenne nationale est à près de -70 % », relativise le président du directoire de la structure, Renaud Paubelle.
Cette petite résistance s’explique en partie par l’ADN du lieu. Le site alsacien est spécialisé dans les vols intérieurs ou ceux pour les pays proches. Avec également des liaisons pour le Maghreb, la Grèce et la Turquie. « On est bien reparti cet été car les destinations domestiques au soleil ont été renforcées voire ajoutées, comme pour Biarritz. Les gens ont été convaincus par les mesures prises et ont repris l’avion, ce n’était pas gagné d’avance », ajoute le responsable, qui a longtemps vu sous ses yeux des transferts de personnels soignants, des évacuations ou des rapatriements.
Il n’empêche, avec 513.579 passagers accueillis, l’aéroport situé à quelques kilomètres au sud-ouest de Strasbourg est un déficit en 2020. De combien ? « Les comptes ne sont pas encore arrêtés mais la situation est compliquée, oui », élude Renaud Paubelle, sans se dire inquiet pour la suite. « Les compagnies aériennes nous font confiance et les actionnaires sont conscients de la situation. Je suis très optimiste sur le fait qu’ils seront au rendez-vous. »
« On ne peut pas imaginer une capitale européenne sans aéroport »
Un discours justement partagé par le président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) d’Alsace, qui possède « autour de 23-24 % » de la structure publique. Le reste est détenu en majorité par l’Etat (60 %), la région (5 %), l’Eurométropole de Strasbourg (5 %) et la nouvelle collectivité européenne d’Alsace (5 %). « On ne peut pas imaginer une capitale européenne sans aéroport. Un territoire qui n’en a pas se meurt », lance Jean-Luc Heimburger.
Le dirigeant de la CCI indique néanmoins que les « abondements pour rester concurrentiel » ne pourront pas être éternels. Dans son viseur, la fiscalité française, bien plus coûteuse que celles pratiquées en Allemagne et en Suisse. Soit pour les aéroports les plus proches de celui de Strasbourg-Entzheim, Bâle-Mulhouse et Baden-Baden. « Ça fait des années que ça dure, on est trop lourdement pénalisé », insiste-t-il en espérant un geste prochain de l’Etat.
Des investissements maintenus
En attendant, des investissements se profilent. Certains urgents, comme la réfection de l’unique piste. « Les services ont réussi à l’entretenir mais elle n’a plus été changée depuis 2000. Alors que ça dure douze voire quinze ans normalement », explique le président du directoire qui parle d’un coût de huit millions d’euros. D’autres travaux de mises aux normes sont aussi nécessaires, sans même évoquer la réfection d’une aérogare des années 1970 vieillissant.
« Le pavillon d’honneur doit être revu car le contexte d’accueil pour les VIP est médiocre. C’est un des projets qu’on a depuis longtemps mais il est évident qu’on va reporter les moins urgents », assure Jean-Luc Heimburger, qui dit pouvoir compter sur le soutien de l’exécutif strasbourgeois. Des élus écologistes pourtant peu pro-avions… « La maire Jeanne Barseghian est consciente qu’on ne peut pas diminuer l’attractivité de la ville, mais on peut être plus vertueux. Ça pourrait par exemple passer par une meilleure isolation, l’installation de panneaux solaires… »
« On aura de belles destinations, en France et ailleurs »
Le président de la CCI-Alsace espère aussi que de nouvelles compagnies aériennes s’engageront avec l’aéroport alsacien. Il dépend pour le moment beaucoup de Volotea et pourrait encore davantage souffrir du désengagement progressif d’Air France. Ryanair et Easyjet pourraient-elles s’installer à Strasbourg-Entzheim ? « Elles ont leurs habitudes à Baden-Baden et Bâle-Mulhouse, ça me paraît compliqué », répond le chef d’entreprise. Mais une autre s’est déjà ajoutée aux flottes existantes : Nouvelair, qui opère des liaisons vers Tunis.
De nombreux autres vols sont déjà accessibles à la réservation, pour le printemps et l’été prochain. « Le programme de vols est ajusté toutes les semaines, en fonction des évolutions de l’épidémie. Je pense qu’à partir de mars, on aura plus de visibilité pour les mois de juillet et août. Mais je suis sûr qu’on aura de belles destinations, en France et ailleurs », conclut Renaud Paubelle.