Alsace : Rififi autour de la fermeture d’une ferme qui accueille des personnes handicapées
SOCIAL•Une pétition sur change.org dénonce la décision de la direction de fermer la ferme de la Fondation Sonnenhof, à Bischwiller dans le Bas-Rhin. Elle a recueilli plus de 12.000 signaturesThibaut Gagnepain
L'essentiel
- La direction de la Fondation protestante Sonnenhof, à Bischwiller dans le Bas-Rhin, a pour projet de fermer la ferme. Un lieu où œuvrent des travailleurs handicapés.
- Cette éventuelle fermeture crée des remous. Une pétition en ligne a été signée par plus de 12.000 personnes.
- La directrice générale Anne-Caroline Bindou évoque « une campagne de nuisance ». Elle répète le bien-fondé du projet. Avec des arguments tous contredits par ses opposants, des salariés d’hier et d’aujourd’hui.
Le lieu est bien connu en Alsace. La Fondation protestante Sonnenhof, à Bischwiller (Bas-Rhin), accueille depuis plus de 150 ans des personnes en situation de handicap. Environ 1.000 actuellement, dont 320 travaillent au sein de l’énorme domaine. Dans divers ateliers : la cuisine, la jardinerie ou la ferme.
C’est de ce lieu dont il est précisément question dans une pétition lancée sur change.org en fin de semaine dernière. En quelques jours, plus de 12.000 signataires se sont mobilisés pour réclamer sa sauvegarde, soit le projet inverse de la direction. « Je ne m’attendais vraiment pas à ça », avoue son créateur, Sofiane El Hamlili, client de la boutique de la ferme. « En tant qu’habitant du coin [Haguenau], ça m’a touché d’apprendre cette possible fermeture. C’est une institution ici et je voulais agir », complète cet étudiant en droit à Strasbourg, qui dit avoir été encouragé par « d’anciens et d’actuels salariés et des agriculteurs du coin ».
« Campagne de nuisance »
Aurait-il été manipulé ? C’est ce que dénonce la directrice générale Anne-Caroline Bindou qui évoque « une campagne de nuisance ». Elle répète le bien-fondé du projet, qui sera porté au vote lors du conseil d’administration du 13 février. « Le plus important pour nous, c’est que les activités proposées ici offrent un parcours épanouissant et favorisant l’inclusion pour les personnes handicapées. Or, on n’y est plus pour la ferme. Parmi les dix-huit qui y travaillent, onze se sont prononcés pour un métier moins contraignant, quatre hésitent, un prend sa retraite et deux, enfin surtout un, voudraient continuer. En plus, on ne trouve pas de relève pour les remplacer. »
Ces arguments ne seraient pas valables à en croire une déléguée syndicale du lieu. « Les salariés qui encadrent les travailleurs handicapés ne nous disent pas du tout la même chose. En plus, ces derniers ont été reçus par les deux directeurs. En temps normal, il y a de quoi être intimidé alors qu’on est encore plus faible », assure-t-elle en préférant garder l’anonymat à cause d’un « très mauvais climat social actuel ». « Quand la directrice dit que les jeunes ne veulent plus y aller, c’est aussi normal puisqu’on ne leur propose aucun stage ! Enfin, en 2019, dans un reportage sur France 3, la ferme était présentée comme épanouissante et ce ne serait plus le cas aujourd’hui ? Faudrait savoir ! »
A l’en croire, l’intérêt de cette possible fermeture serait aussi financier pour une structure financée en grande partie par l’Agence régionale de santé (ARS) et le département. Anne-Caroline Bindou ne le cache d’ailleurs pas : l’activité est déficitaire, « de 200.000 euros par an ». Malgré la vente de 450.000 hectolitres de lait, la production céréalière et l’activité maraîchère sur 120 hectares. « Mais je le répète, ce n’est pas ça qui a motivé notre décision. On souhaite d’abord le bien-être de nos usagers. »
L’ancien secrétaire général Marc Urban, signataire de la pétition, balaie l’argument. « Quand ils ont annoncé cette décision aux résidents le 21 décembre, tous sont partis en pleurant… Et l’aspect financier ne peut pas être entendu non plus car fin 2019, la fondation possédait une trésorerie de 16 millions d’euros. C’est totalement incompréhensible et indécent de vouloir fermer cette ferme, qui est une vitrine et l’ADN du Sonnenhof. »
Peu importe pour la directrice, qui ne compte pas se laisser influencer. « J’ai eu des appels d’un député, des mails… Des gens ne comprennent pas ce qu’il se passe avec cette pétition qui prend en otage les travailleurs actuels. En plus, tous seront redéployés ailleurs selon leurs souhaits et aucun collaborateur ne perdra son job. On nous enjoint à renoncer à ce projet alors qu’il est bon pour tout le monde », conclut-elle.