JUSTICEUn policier prend 18 mois de prison pour avoir frappé une « gilet jaune »

Strasbourg : Un policier condamné à dix-huit mois de prison pour avoir matraqué une « gilet jaune »

JUSTICEIl aura aussi interdiction de porter une arme pendant cinq ans
Thibaut Gagnepain

Thibaut Gagnepain

L'essentiel

  • Un gardien de la paix de 47 ans a été condamné à dix-huit mois de prison avec sursis ce mardi par le tribunal correctionnel de Strasbourg. Il a été reconnu coupable d’avoir frappé, à l’aide d’une matraque, une « gilet jaune » lors d’une manifestation de janvier 2019.
  • Le tribunal est allé plus loin que les réquisitions du procureur, qui avait demandé douze mois de prison avec sursis.
  • Le gardien de la paix, qui n’a pas indiqué s’il ferait appel de cette condamnation, risque maintenant la radiation de la police.

Un gardien de la paix de Strasbourg a été condamné ce mardi à dix-huit mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de la capitale alsacienne. Il a été reconnu coupable d’avoir blessé, avec une matraque, une « gilet jaune » lors de la manifestation du 12 janvier.

Ce jour-là, le policier lui avait assené au moins un coup derrière la tête. La victime, une retraitée de 62 ans qui marchait à l’aide d’une béquille, avait reçu 11 points de suture. Les faits ont été confirmés par les images des caméras de vidéosurveillance, projetées à l’audience.

On y voit le prévenu arriver à toute vitesse au volant du fourgon de tête d’une colonne. Il en descend très rapidement, sans même prendre le temps de mettre son casque, avant donc d’aller frapper Marlène Lutz. Combien de fois ? Le procureur, Alexandre Chevrier, a indiqué avoir distingué deux coups de matraque et « un voire deux coups de pied ».

« Une volonté absurde d’en découdre à ce moment-là »

« Cette violence n’était absolument pas nécessaire et disproportionnée, Madame Lutz ne représentait aucune menace », a-t-il souligné, avant d’indiquer qu’Eric W. avait « manqué à son devoir, son serment, avait rabaissé l’institution qu’il est censé représenter ». Le ministère public avait requis douze mois d’emprisonnement avec sursis.

Le tribunal est allé plus loin au moment de prononcer la peine de ce gardien de la paix de 47 ans, dont 23 au sein de la police. « Vous avez eu une volonté absurde d’en découdre à ce moment-là », a justifié son président, Jérôme Lizet, lors du rendu du verdict.

« Tout être humain peut faillir »

Face à lui, l’homme s’était un peu plus tôt défendu, sans nier les faits. ll avait reconnu « une erreur, une faute professionnelle ». Mais avait réfuté l’idée selon laquelle il aurait voulu se venger après une journée de tensions. « Je suis père de famille, j’ai tout sauf envie d’en découdre avec n’importe qui, n’importe quand. »

Son avocat, Me Christine Meyer, avait, elle, insisté sur le stress de son client au moment des faits. « Il a certes dérapé, ça n’a jamais été nié, mais c’était dans un contexte très particulier […] Tout être humain peut faillir quand il se fait insulter et qu’il reçoit des projectiles pendant des heures », avait-elle plaidé. De son côté, l’avocat de la « gilet jaune », Me Renaud Bettcher, avait parlé de « faits dégueulasses ». Avant de lancer au prévenu : « Vous ne méritez pas d’être policier. »

Pour le moment, il le reste. Aucune sanction disciplinaire n’a jusque-là été annoncée à son encontre. Selon Me Bettcher, la peine de dix-huit mois de prison avec sursis fait risquer au gardien de la paix la radiation de la police. Il sera en tout cas privé d’arme pendant cinq ans, autre condamnation prononcée ce matin. Eric W. n’a pas souhaité réagir à la sortie du palais de justice. Son avocate n’a pas dit non plus s’il souhaitait faire appel.

« J’espère que ça montrera l’exemple pour les autres violences policières »

De son côté, Marlène Lutz, la « gilet jaune », s’est dite « soulagée ». « J’espère que ça montrera l’exemple pour les autres violences policières », a-t-elle lancé en annonçant qu’elle participerait à d’autres manifestations. Elle comparaîtra également bientôt pour des outrages aux forces de l’ordre.