EPIDEMIEEn Alsace, les hôpitaux tentent d'encaisser le choc du coronavirus

Coronavirus en Alsace : « En 40 ans de médecine, je n’avais jamais vu ça », témoigne un chef du service de réanimation à Colmar

EPIDEMIEFace à l'épidémie de coronavirus, la situation est déjà jugée « très préoccupante » dans les hopitaux du Haut-Rhin, Strasbourg se prépare...
Nils Wilcke

Nils Wilcke

L'essentiel

  • En Alsace, touchée de plein fouet par l’épidémie de coronavirus, les hôpitaux du Haut-Rhin sont déjà au maximum de leurs capacités, selon Jean-François Cerfon, chef de la réanimation médicale de Colmar.
  • Strasbourg se prépare, les soignants se mobilisent pour accueillir au mieux les patients, indique Christian Prudhomme, infirmier anesthésiste et délégué syndical FO.
  • Avec un seul objectif, tenter d’enrayer le choc à venir, et un seul mot d’ordre à la population, le confinement.

L’épidémie de coronavirus continue de frapper de plein fouet le Grand Est, et en particulier l' Alsace. La région fait partie de l’un des deux foyers épidémiques avec l’Oise. Partie d'un cas dans le Bas-Rhin, l'épidémie s'est probablement accélérée à cause d'un rassemblement évangélique dans le Haut-Rhin.



Dimanche, plus de 400 personnes ont été hospitalisées dans un état grave dans le Grand Est, soit 100 de plus que la veille, lors de l'annonce du passage au stade 3, par le premier ministre Edouard Philippe.

La récupération des patients atteints plus longue que prévu

La situation déjà jugée « très préoccupante » dans le Haut-Rhin, durement touché par la pénurie de médecins, ne semble pas s’améliorer. Au centre des inquiétudes des praticiens que nous avons interrogé, la durée de récupération des patients atteints par le coronavirus, bien plus longue que prévue. « Les gens qui sont en détresse respiratoire aiguë ont besoin d’une ventilation artificielle pendant une douzaine de jours, c’est énorme », explique à 20 Minutes Jean-François Cerfon, chef de la réanimation médicale de Colmar.

A titre de comparaison, « pour une grippe saisonnière, on est sur quelques jours maximum », précise le praticien. L’un de ses homologues, chef de la réanimation chirurgicale de l’hôpital [il y a trois services de réanimation à l’hôpital de Colmar] a été hospitalisé après avoir été testé positif au virus. « Il est dans un état très grave mais il n’est pas décédé contrairement aux rumeurs que l’on a pu lire sur les réseaux sociaux », précise-t-il. « Le problème, c’est qu’il faut près de deux semaines pour sortir un patient d’affaire avec la ventilation, c’est un respirateur qui ne peut pas être utilisé pour d’autres patients », indique Jean-François Cerfon. Selon lui, le site de Colmar est déjà au maximum de ses capacités. « On s’attend à une hausse sensible des malades dans les prochains jours, que ce soit à Colmar ou à Mulhouse… Comment allons-nous faire ? », s’interroge le spécialiste.

« Tous les jours, les malades arrivent mais ne sortent pas, c’est tendu »

« Je suis médecin depuis 40 ans et je n’avais jamais vu ça », poursuit Jean-François Cerfon. A Strasbourg, la situation n’en est pas encore au stade du Haut-Rhin, mais le personnel hospitalier se prépare au pire. « Tous les jours, les malades arrivent mais ne sortent pas, c’est tendu », affirme Christian Prudhomme, infirmier anesthésiste et délégué syndical FO. « Cela fait sept ans que je n’avais pas exercé à cause de mes fonctions syndicales, je me suis mis à disposition pour venir en aide à mes collègues », raconte-t-il.

« L’onde de choc, on la ressent déjà car on voit le nombre de cas se multiplier depuis une semaine, témoigne anonymement un infirmier de l’hôpital civil de Strasbourg. Mais c’est vrai qu’on n’a pas encore atteint le pic de l’épidémie ». « Dans le Haut-Rhin, nous sommes en avance par rapport au Bas-Rhin, ils sont en décalage, le pic va arriver dans les prochains jours », prévient le docteur François Cerfon.

Face à l’ampleur de l’épidémie, il rappelle la nécessité de se confiner. « Il faut répéter aux gens de rester chez eux, pas seulement les personnes âgées ». « Ce n’est pas juste une maladie de vieux, nous avons 15 % de cas très graves qui concernent la tranche des 30-60 ans », abonde Christian Prudhomme. En attendant, l’hôpital de Strasbourg s’organise pour accueillir au mieux les patients. « Les soignants sont déjà très fatigués mais proposent au personnel d’apprendre des gestes de réanimation, il y a une grande cohésion au sein des équipes », observe Christian Prudhomme. Avec un seul objectif, tenter d’enrayer le choc à venir, et un seul mot d’ordre à la population, le confinement.