Alsace : Touchée par la listeria, comment La ferme Durr tente de se relever
AGRICULTURE•Vente de lait, recherche de nouveaux locaux, d'un partenaire... La ferme Durr pourrait bientôt voir ses produits revenir sur les étalsThibaut Gagnepain
L'essentiel
- Les produits de la ferme Durr ne sont plus commercialisés depuis septembre. Depuis qu’une partie de la production a été infectée par la bactérie listeria.
- Comment la célèbre marque bio alsacienne tente de se relever ? Avec l’appui de la justice, en cherchant de nouveaux partenaires… Solène Durr espère voir les produits de sa ferme retrouver bientôt les étals.
- Cette crise a déjà eu des conséquences pour les salariés. 34 d'entre eux sur 36 ont été licenciés.
Un stand vide. Ce samedi au marché de Neudorf, un des quartiers de Strasbourg, seul un grand panneau rappelle l’existence de la ferme Durr. Depuis septembre, la célèbre marque bio alsacienne, a disparu des étals. Stoppée net par une contamination à la listeria.
« On a dû fermer notre atelier de transformation, tous nos produits ont été rappelés… C’était très dur à vivre », se souvient Solène Durr. La fille de Raymond, le fondateur de l’exploitation décédé en 2014, tente aujourd’hui de relancer l’affaire, avec l’aide de sa mère.
34 salariés sur 36 licenciés
Comment tourner la page ? D’abord grâce à l’appui de la justice, qui a placé la société Biolacte en procédure de sauvegarde pendant un an. « Ça nous a permis de geler nos dettes, donc de garder de la trésorerie pour essayer de trouver une solution de redémarrage », éclaire l’entrepreneuse, qui a dû se séparer de 34 salariés le mois dernier, après des semaines de chômage technique. « Ça nous a coûté près de 200.000 euros. »
Aujourd’hui, il ne reste plus que deux employés sur le site de Boofzheim, dans le Bas-Rhin. Ils s’occupent de la ferme et de ses 50 vaches laitières. Leur production est collectée par la coopérative Biolait. En attendant d’autres solutions…
Négociations en cours avec un partenaire
Comme la mise aux normes de l’atelier actuel pour une reprise, comme avant ? Impossible, répond Solène Durr : « Il faudrait plusieurs millions d’euros d’investissements. On avait pensé le faire avant la contamination mais on avait été pris par le flux. Là, on a d’abord cherché un sous-traitant pour transformer notre lait, sans trouver. Ensuite, on a voulu louer des locaux vides mais il n’y en avait pas de disponibles en Centre-Alsace, ou seulement à vendre. »
La ferme Durr s’est donc engagée dans une troisième voie. « On est en train de voir pour s’associer avec un partenaire, un entrepreneur alsacien déjà actif dans l’agroalimentaire », révèle la trentenaire, sans vouloir en dire davantage. « J’ai un accord de confidentialité et on est encore en pourparlers. Il y a certaines valeurs auxquelles je tiens, comme le bien-être animal. Le bio business n’aurait pas de sens. Je ne veux pas vendre mon âme. »
« Je ne redémarrerai pas sous un autre nom »
Quid du nom des éventuels futurs produits ? « Je ne redémarrerai pas sous un autre nom. On a encore des gens qui nous appellent, nous soutiennent et sont attachés à la ferme Durr », assène la fille du pionnier du bio en Alsace. Elle espère revoir dans les étals les fameux « Probiotic’k », ces laitages sucrés qui avaient fait la renommée de la marque.
« Peut-être qu’on réduira le nombre de parfums, qu’on passera à un système de consigne, qu’on réduira le plastique… Il y a plein de choses à réfléchir », lance Solène Durr, combative. Un état d’esprit pas toujours facile à garder. « Des fois, oui, j’en ai marre mais je n’ai pas encore eu de moment de découragement. Et quand je vais dans les magasins, je me dis qu’il y a encore de la place pour nous. » Comme sur les marchés, en dessous des pancartes encore présentes.