Alsace : Pour alerter sur la sécheresse, une commune installe des sapins morts comme décoration de Noël
PLANETE•De nombreuses forêts sont touchées par la sécheresse et une épidémie de scolytes, de petits insectesThibaut Gagnepain
L'essentiel
- Une commune alsacienne, Lutzelhouse, a innové dans sa décoration de Noël. Elle a placé des sapins roussis en face de la mairie.
- Pourquoi ? « Le but, c’est de sensibiliser nos concitoyens à la sécheresse », explique le maire Alain Batt. Les forêts de sa commune souffrent de la sécheresse et d’une de ses conséquences, les infections de scolytes.
- Que sont les scolytes ? Des petits insectes qui ravagent les épicéas. Il n’existe pas de traitement.
Des petits rennes en bois, un traîneau rouge, un chalet et des sapins… morts. La commune de Lutzelhouse, dans le Bas-Rhin, a innové cette année dans sa décoration de Noël. « On avait cette idée depuis deux, trois mois », explique Jean-Louis Batt, le maire de ce village situé à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Strasbourg.
« Le but, c’est de sensibiliser nos concitoyens à la sécheresse, poursuit-il. On voulait leur montrer ce qu’il se passe en forêt. » Pas besoin de se promener longtemps pour s’en rendre compte. Ici et là, des épicéas ou des sapins ont viré du vert au roussi. Asséchés par deux facteurs : le changement climatique et une de ses conséquences indirectes, les attaques de petits insectes, les scolytes.
« Les arbres ont été affaiblis par la sécheresse »
« Ce n’est pas à cause de la sécheresse qu’ils sont apparus », précise Frédéric Guérin, de l’Office national des forêts (ONF) du Grand Est. « Les scolytes sont présents naturellement dans l’écosystème. Dans une année normale, une génération va infecter les épicéas, généralement à partir d’avril. En 2019, il y a eu trois générations. Les arbres ont été affaiblis par la sécheresse et n’ont pas pu se défendre. »
Des « millions de m3 » de bois auraient ainsi été touchés selon le spécialiste qui précise qu’aucun traitement n’est possible. « Avant, on écorçait les arbres car le parasite va se loger entre l’écorce et le bois et creuse des galeries pour pondre, mais ça ne se pratique plus. » Désormais, les bûcherons abattent les arbres dès que les premiers signes d’infection apparaissent, afin d’éviter les risques de propagation. Ce qui conduit parfois à surexploiter certaines forêts. Comme à Lutzelhouse.
« Aucun sapin vert ne sera abattu chez nous »
« D’habitude, les coupes normales représentent 2600 m3 par an. En 2019, on va extraire 4800 m3, soit près du double », mesure Jean-Louis Batt en estimant que « 15 % des arbres des 586 hectares de la forêt communale » sont touchés. « Cette année, aucun sapin vert ne sera abattu chez nous, on n’a pris que les malades. »
Un seul en réalité a été extrait : il trône sur la petite placette en face de la mairie, au milieu de ses voisins touchés. « On voulait reproduire ce qu’il se passe dans nos forêts, pour le symbole », insiste le maire, qui n’a pas eu de mauvais retours de la part de ses administrés. « Si, quelqu’un m’a dit que ça faisait commune pauvre », s’amuse-t-il, déjà prêt à renouveler l’expérience l’an prochain. « Peut-être même qu’on ne mettra plus que des feuilles car on n’aura plus d’arbre », exagère-t-il. « La situation est catastrophique. »