Strasbourg : « Bois toxique » au Port du Rhin, la nouvelle pollution qui interroge
ENVIRONNEMENT•Le stockage de traverses de chemins de fer traitées à la créosote fait débat. L'association Alsace Nature envisage de se porter partie civileThibaut Gagnepain et Gilles Varela
L'essentiel
- L’affaire a été révélée lundi par Rue89 Strasbourg Des traverses de chemins de fer, traitées à la créosote, pourraient être sources de pollution.
- Alertée, la mairie de Strasbourg a réagi et s’adresse au préfet.
- Sur place, les riverains ne sont au courant de rien, ou presque, et l’entreprise mise en cause se défend.
L’affaire a été révélée lundi parRue 89 Strasbourg. Au Port du Rhin, d’importants dépôts d’anciennes traverses de chemins de fer présenteraient des risques de pollution. En cause : le traitement du bois à la créosote. Broyé, le produit se volatilise et pourrait être cancérigène ainsi que toxique pour les milieux aquatiques.
Cette inquiétude a vite trouvé un écho auprès de la mairie de Strasbourg. Son premier adjoint, Alain Fontanel, affirme avoir demandé à Roland Ries de saisir le préfet. Une enquête administrative pourrait être lancée, « afin d’être rassuré sur les enjeux sanitaires. Mais aussi pour voir ce qu’il est possible de faire au niveau de la ville pour s’assurer du fonctionnement et du contrôle de suivi qui relève de l’Etat », précise l’élu.
« A partir du moment où l’enjeu de pollution de l’eau et de l’air est aussi important, nous attendons une réponse de l’Etat. Si ça ne vient pas et que le phénomène perdure, on pourrait se porter partie civile », explique-t-on du côté de l’association Alsace Nature, qui a découvert l’affaire en même temps que le public… et les riverains.
Pas informé, pas d’inquiétude
Aicha, une habitante du Conseil des XV, sous le vent du secteur du Port du Rhin, n’a pas entendu parler « de cette affaire de bois toxiques. » Un peu plus loin, une autre mère de famille reconnaît devoir très souvent fermer les fenêtres. « Ça fait longtemps qu’il y a des odeurs à cause des usines, mais ce n’est pas nouveau et je n’ai pas vu de poussières grises sur mon balcon. Il y a bien autre chose dans le coin pour polluer, ce n’est pas terrible. »
Côté Port du Rhin, les habitants rencontrés par 20 Minutes ne semblent pas plus concernés. Ahmed, se dit sceptique mais « si c’est vrai, ça ne fera que s’ajouter au reste, mais je ne suis pas sûr que l’on nous dise quelque chose et de toute façon, tout le monde s’en fout du quartier. »
Dans les jardins familiaux à l’entrée du quartier de la Robertsau, situés à 200 mètres à peine de l’endroit où sont entreposées les traverses de chemins de fer, Etienne cultive quelques légumes. La pollution de l’air à cause du bois toxique ? S’il en a vaguement entendu parler, il n’a jamais rien remarqué. « Mais ça ne m’étonne pas, le coin est de toute façon pollué, explique cet ancien chimiste. C’est surtout l’eau qui doit être touchée, explique le trentenaire. Ici, la nappe phréatique est à quelques mètres de profondeur seulement. Quelques heures suffisent pour contaminer la nappe, alors après quelques semaines de stockage… »
La société a été mise en demeure
Mise en cause, la société MTS, qui stocke et achemine les traverses vers les filières de valorisation, se défend. Elle confirme avoir été mise en demeure par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) afin d’évacuer les traverses. Et assure qu’il n’y a plus de broyage depuis 2018. Seulement « du tri des broyats », comme certains incinérateurs l’exigeraient.
L’entreprise assure également accélérer l’évacuation des tas de traverses, notamment ceux de la place Henri-Lévy. Un amoncellement expliqué « par le peu de filières de valorisation en France, souvent encombrées », d’après elle. Une surcharge connue également en Allemagne et en Belgique, des pays avec qui l’entreprise travaille. « Tous les apports en traverses ont été stoppés depuis début mai, poursuit MTS, qui espère « pouvoir travailler avec une nouvelle filière de valorisation à Berlin, en expédiant le bois par bateau le plus rapidement possible. »