Les cigognes, « vache sacrée des Alsaciens », sont-elles trop nombreuses dans la région ?
OISEAUX•Une habitante de Seltz près de Colmar se plaint aux autorités des nuisances liées aux cigognes qui campent sur son immeubleAngélique Férat
L'essentiel
- L’Alsace compte 900 couples de cigognes en liberté. La Ligue de protection des cigognes refuse de parler de surpopulation.
- Espèce protégée depuis 1976, la cigogne est le symbole de la région. « C’est la vache sacrée des Alsaciens », déclare le maire de Muttersholtz près de Sélestat. Pourtant, certains se plaignent de ses nuisances comme cette habitante de Seltz (Haut-Rhin).
Pour une habitante de Seltz près de Colmar, il y a en tout cas trop de cigognes sur le toit de son immeuble. Plusieurs oiseaux campent sur le pignon et salissent de leurs déjections son balcon toute l’année, rapportent Les Dernières nouvelles d'Alsace. Cette femme multiplie les courriers furieux à la commune qui avoue son impuissance. « La cigogne est un animal protégé donc nous, commune, nous ne pouvons rien faire », explique Pascal Lengert, directeur général de la commune de Seltz. La solution ne peut être que douce comme l’installation de picots métalliques pour dissuader les oiseaux de se poser. Cet incident n’est pas le premier du genre en Alsace. Neuf cents couples de cigognes sont recensés dans la région, et la population est en croissance constante ces dernières années. A-t-on atteint un seuil de tolérance ?
La réintroduction de l’espèce lancée dans les années 1980 en Alsace – alors qu’il n’y avait plus que 15 couples en 1974 – est un succès. Huit centres de réintroduction ont été créés pour aider à la reproduction en volière. Cette politique a aujourd’hui ses effets pervers. « En gardant les cigognes, dans ces enclos de réintroduction, elles perdent leur instinct de migration et restent toute l’année en Alsace », indique Camille Fahrner de la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Une ancienne volière existait justement près de Seltz.
« C’est la vache sacrée des Alsaciens »
« Les jeunes cigognes migrent même si leurs parents ont perdu cet instinct mais nous avons remarqué que certains restent en Alsace car les hivers sont plus doux. C’est un des effets pervers du réchauffement climatique », ajoute-t-elle. La LPO refuse de parler de surpopulation même si certains villages comptent plus de vingt nids.
A Muttersholtz près de Sélestat, village de 2.000 habitants, on en dénombre 24. « C’est la vache sacrée des Alsaciens », plaisante le maire Patrick Barbier. « J’ai connu l’époque où il n’y en avait presque plus, donc je ne vais pas me plaindre aujourd’hui. » L’élu admet tout de même en fin d’interview qu’il faudrait que le nombre se stabilise.
Un nid peut peser 300 kg
Autre haut lieu des cigognes, Munster, commune haut-rhinoise du massif des Vosges. « Vous ne trouverez pas un habitant furieux. C’est la carte postale de la ville », assure le maire, Pierre Dischinger. La commune dépense tout de même chaque année quelque milliers d’euros pour sécuriser et nettoyer les 25 nids existants avec une nacelle. « Un nid peut atteindre 300 kg à 400 kg. Les cigognes rajoutent des branches chaque année. On doit les sécuriser. On doit aussi nettoyer les gouttières qui sont proches et parfois enlever des nids mal placés. » Mais l’édile refuse de parler de nuisance.
« Notre population augmente parce que ce sont les cigognes qui amènent les bébés », s’amuse Pierre Dischinger, goguenard. Chaque couple qui se marie à Munster reçoit d’ailleurs un petit livret sur les cigognes.