Strasbourg: Bientôt un élevage de truites sur un ancien terrain industriel du port autonome?
ENERGIE•L'Eurométropole de Strasbourg, qui mise sur cette activité pour verdir son image, assure que le terrain qui devrait accueillir la ferme aquaponique a atteint un « niveau de pollution acceptable »Nils Wilcke
L'essentiel
- La ferme hydroponique retenue par l’Eurométropole de Strasbourg dans le port autonome abritera une surface totale de production d’environ 9.000 m².
- Des serres et des hangars abriteront des cultures de fruits et de légumes hors sol ainsi qu’un élevage de truites.
- Situé sur un ancien terrain industriel pollué, le site ne présenterait pourtant pas de danger pour les consommateurs, selon l’Eurométropole et le Port autonome de Strasbourg.
Des truites, des fraises et des plantes aromatiques issues d’un élevage local hors-sol à Strasbourg, ça vous dit ? Ce projet bien gourmand en apparence deviendra peut-être réalité grâce au projet de ferme aquaponique retenu par l’Eurométropole de Strasbourg. Aqua-quoi ? A-qua-ponique, un terme hybride qui unit la culture de plante et l’élevage de poissons.
Le projet était dans les cartons de l’Eurométropole, qui avait lancé un appel à manifestation d'intérêt (AMI) l'été dernier. Une candidature est sortie du lot. Il s’agit des frères Weinstein, une grande famille d’exploitants agricoles, originaire de l’Alsace bossue. Pendant que l’un, Jean-Philippe fait prospérer l'affaire familiale dans la région, l’autre, Pierre, travaille pour une société d’investissements à New-York.
Une ancienne activité industrielle navale
La ferme hydroponique retenue par l’Eurométropole abritera une surface totale de production d’environ 9.000 m² avec des serres et des hangars. Pour se développer, la truite a besoin d’une eau fraîche, entre 15 et 18 °C. Pour maintenir cette température, l’idée est de faire appel à l’énergie de la centrale biomasse de Strasbourg. Cette énergie est produite lors du processus industriel (dont le but n’est pas de produire cette énergie) et perdue si elle n’est pas récupérée ou valorisée, sur le modèle de ce qui devrait se faire à l'aciérie BSW de Kehl avec Strasbourg. Le même procédé s’applique aux fruits et légumes – fraises, poivrons, légumes d’hiver – qui devraient être cultivés hors sol dans les serres de la société.
Le terrain de 1,3 hectare sur lequel doit se développer la ferme aquaponique, propriété du Port autonome de Strasbourg, abritait historiquement une activité industrielle navale, et plus précisément une entreprise de stockage de bateaux. N’est-ce pas risqué de développer une activité agro-alimentaire, fut-elle hors sol, sur un ancien terrain industriel pollué ?
Le Port autonome assure qu'« un premier nettoyage a été conduit » et que le « niveau de pollution est acceptable », selon son directeur général, Frédéric Doisy. « Un suivi a été mis en place pour contrôler les niveaux de pollution des nappes phréatiques dans le sol et les eaux du port », affirme de son côté Robert Herrmann, président de l’Eurométropole de Strasbourg.
Des financements à trouver
Depuis quelques années, le port autonome veut verdir son image, remisant les industries pétrolières qu’elle accueille en son sein. La société, co-gérée par la ville de Strasbourg, préfère mettre en avant le concept d'« écologie industrielle » à travers des programmes de développement de l’agriculture périurbaine ou la signature d’accords de coopération pour le fret français, comme celui signé l'année dernière avec les ports de Paris Seine Normandie. Le président Robert Herrmann évoque aussi des algues « mangeuses de pollution », ces micro-algues et spiruline fabriquées en récupérant l'eau de la malterie.
Reste deux écueils à surmonter pour que le projet aboutisse. Trouver les financements : 1,4 à 2,2 millions d’euros seront nécessaires suivant la gamme de produits qui sera retenue. Ce à quoi va s’employer Pierre Weinstein, l’un des deux frères qui conduit les affaires. « Il faut trouver les banques et les investisseurs », explique-t-il. Autrement dit, présenter des débouchés suffisants pour les convaincre de mettre la main à la poche. Et que la société Électricité de Strasbourg, qui contrôle la centrale biomasse, fixe un prix de l’énergie qui permette à l’entreprise de générer des bénéfices.