CYCLISMEFroome, Gasquet, Dugarry... Pascal Kintz défend les accusés de dopage

Tour de France 2018: Après Gasquet ou Dugarry, Pascal Kintz a défendu Froome accusé de dopage

CYCLISMEComme le judoka Djamel Bouras, les footballeurs Christophe Dugarry et Mamadou Sakho, le tennisman Richard Gasquet, le cycliste Christopher Froome a bénéficié de l’expertise de Pascal Kintz…
Bruno Poussard

Bruno Poussard

L'essentiel

  • S’il a participé à la défense d’un certain nombre de sportifs accusés de dopage, c’est que Pascal Kintz a développé une technologie d’analyse des cheveux.
  • Raconter son histoire, c’est notamment replonger dans une partie de l’histoire du dopage dans le sport français depuis une vingtaine d’années.

Blanchi par l'Union cycliste internationale à quatre jours du départ du Tour de France 2018, le coureur Christopher Froome a pu compter sur une armée d’avocats et d’experts scientifiques pour fournir ses explications. Parmi ces spécialistes, un éminent docteur strasbourgeois, directeur du laboratoire de toxicologie de l'institut médico-légal de la ville.

Cette semaine, Pascal Kintz n’a pas souhaité préciser à 20 Minutes son rôle dans la défense du cycliste britannique, mais ce professeur s’était longuement livré sur son travail quatre mois plus tôt. Raconter son histoire, c’est notamment replonger dans une partie de l’histoire du dopage dans le sport français depuis une vingtaine d’années.

Un spécialiste des analyses plus précises des cheveux

Dès les années 1990, Pascal Kintz a développé dans l’hexagone une technologie venue d’Allemagne : l'analyse des cheveux. « Le sang garde des traces trois ou quatre jours, alors que pour les cheveux, un centimètre représente un mois », justifie le docteur en pharmacie. A Strasbourg, depuis, la méthode est utilisée pour des gens hospitalisés et des cas médico-légaux.

Le docteur en pharmacie Pascal Kintz, dans son bureau du laboratoire de toxicologie de l'institut médico-légal de Strasbourg.
Le docteur en pharmacie Pascal Kintz, dans son bureau du laboratoire de toxicologie de l'institut médico-légal de Strasbourg. - B. Poussard / 20 Minutes.

Les premières questions liées au dopage dans le sport se sont pointées un peu plus tard. Positif à la nandrolone, le judoka Djamel Bouras a été un des premiers à frapper à la porte du laboratoire de toxicologie de Strasbourg en 1998 pour tenter de démontrer que son contrôle était un accident. Christophe Dugarry a fait de même peu après.

Une solution de défense pour les sportifs au fil des ans

La nouvelle technologie a alors commencé à rentrer dans les mœurs. « Lors de l'affaire Festina, les juges ont demandé des analyses de sang, d’urine et de cheveux, explique Pascal Kintz. Les cheveux offrent un aspect rétrospectif intéressant. L’intérêt, c’est de dire si ça a eu lieu une fois ou plusieurs fois. Avec ça, on a une image plus claire. »

Le spécialiste alsacien est devenu, aux yeux d’athlètes contrôlés positifs, une solution de défense. Et même certains des plus chargés l’ont sollicité : « Un jour, le pire toxicomane est arrivé en disant qu’il n’avait jamais rien pris. Avec ses résultats, j’ai vite vu qu’il en prenait depuis six mois, et il a changé d’attitude. » Bon courage pour se défendre après…

L’affaire Richard Gasquet, ses analyses reconnues par le Tas

Parmi les grands noms, Pascal Kintz a aussi aidé Richard Gasquet, arrivé en détresse et avec sa maman au lendemain d’un contrôle positif à la cocaïne en 2009. Les conclusions scientifiques du Strasbourgeois ont alors validé la fameuse théorie de la contamination par un bisou. Et le Tribunal arbitral du sport (Tas) l'a blanchi. Une décision majeure :

« Avec les analyses de cheveux, je suis arrivé aux mêmes conclusions qu’un spécialiste américain de la coke sur la quantité mesurée. La théorie “Pamela”, comme on l’a appelée, a été établie entre le tennisman et ses avocats. Et le Tas a accepté l’excuse. Pour la première fois, le Tas a donc inscrit l’analyse de cheveux dans un jugement ! » »

D’autres ont repris cette théorie depuis, comme l'athlète américain Gil Roberts, aussi contaminé « à l’insu de son plein gré ». Sollicité une fois par mois par un sportif, une fois par semaine par un cabinet d’avocats, le cabinet d'expertise privé (visant à ne pas engager l’université) de Pascal Kintz sert à vérifier la probabilité d’une ligne de défense.

Mais toutes les excuses ne tiennent pas la route. « Une fois, une sportive m’a dit qu’elle avait été contaminée par une substance lors d’une fellation, livre le docteur. Devant les résultats, je vois vite s’ils tentent de m’enfumer ou si leurs excuses sont bordelines. De toute façon, le sportif a son résultat anormal et il s’en explique avec ses avocats. »

Dans la bibliothèque du docteur en pharmacie Pascal Kintz, dans son bureau du laboratoire de toxicologie de l'institut médico-légal de Strasbourg.
Dans la bibliothèque du docteur en pharmacie Pascal Kintz, dans son bureau du laboratoire de toxicologie de l'institut médico-légal de Strasbourg. - B. Poussard / 20 Minutes.

D’autres excuses totalement bidons et aussi des animaux

Mais ses analyses ne servent pas qu’à la défense de cas de dopage humain, mais aussi… animal, avec des poils de chevaux, lévriers ou dromadaires (de course) contrôlés positifs. Sollicité fréquemment par de gros cabinets américains ou anglo-saxons, le professeur strasbourgeois fait même parfois l’aller-retour à New York pour la journée.

Si son analyse (au coût de 600 à 5.000 euros) n’est pas forcément réservée aux plus gros sportifs contrôlés, les équipes d’avocats (jusqu’à 200.000 euros pour une procédure), si. « Pour moi, cette activité est excitante, elle permet d’avancer, estime Pascal Kintz. Et ce que j’utilise en dopage, je peux aussi l’utiliser ensuite pour mes malades. »

Les recherches encore menées par son laboratoire sur les cheveux profitent ainsi à des patients de l’hôpital et à la justice (après des autopsies). Quand il n’intervient pas au Tribunal arbitral du sport, le docteur alsacien parle aussi devant des cours d’assises. « Pour cela, je n’ai aucun intérêt à perdre en crédibilité avec le dopage », précise-t-il.

Le docteur en pharmacie Pascal Kintz, ici dans son bureau du laboratoire de toxicologie de l'institut médico-légal de Strasbourg, a notamment défendu Christopher Froome grâce à ses analyses de cheveux.
Le docteur en pharmacie Pascal Kintz, ici dans son bureau du laboratoire de toxicologie de l'institut médico-légal de Strasbourg, a notamment défendu Christopher Froome grâce à ses analyses de cheveux. - B. Poussard / 20 Minutes.

Mais pourquoi ne pas aider la lutte anti-dopage ?

Considéré comme une pointure mondiale, pourquoi n’est-il donc pas impliqué dans la lutte anti-dopage ? Il faut dire qu’avec ce monde, les relations se sont compliquées au fil des cas défendus. Mais il a été nommé directeur du laboratoire de Châtenay-Malabry en 2015 par l'Agence française de lutte anti-dopage. Pour finalement démissionner

Choisi après avoir entendu qu’on ne voulait pas de lui, Pascal Kintz a renoncé dans un contexte compliqué. Son projet prévoyait d’intégrer les analyses de cheveux, des travaux de recherches en collaboration avec une université ainsi qu’une synergie avec la médecine légale. Trois ans après, le laboratoire anti-dopage est suspendu après des échantillons contaminés. Et Christopher Froome, lui, va prendre le départ du Tour.