Strasbourg: Ils travaillent sur des bactéries qui mangent l’amiante, une solution bio
SCIENCES•L’équipe scientifique métaux et micro-organismes de l’Unistra travaille sur une solution bio pour neutraliser l’amiante…Gilles Varela
L'essentiel
- Des chercheurs de l’Université et du CNRS de Strasbourg se rapprochent d’une solution bio pour neutraliser l’amiante.
- Ils ont déjà déposé un brevet et leurs recherches entrent dans la phase de développement.
L’amiante, ils lui font la peau, par le bio. Une bonne nouvelle quand on sait que chaque année, des tonnes d’amiante mélangées aux gravats sont retirées d’anciens bâtiments avant d’être simplement enfouies, tout en gardant leur toxicité, dans une station de traitement…
Mais quand il n’y aura plus de place, que faudra-t-il en faire ? C’est en substance ce qui a conduit l’équipe scientifique métaux et micro-organismes de l’Unistra à travailler sur une solution bio pour la neutraliser. Ils ont déjà déposé un brevet en 2016 et attaquent la deuxième phase de cette recherche, celle du développement.
L’amiante est encore très utilisé en Russie et au Canada
Une recherche prometteuse financée par l'ADEME et attendue, d’autant plus d’actualité que l’amiante est encore très utilisé dans des pays comme la Russie, le Canada. « Nous travaillons sur une méthode pour essayer de transformer un déchet toxique vers un autre matériau, qui ne serait d’une part plus toxique, voire être réutilisable et valorisé », explique la directrice de recherche à l’Unistra Valérie Geoffroy.
Le principe ? Des micro-organismes, de type bactérie, qui peuvent puiser, récupérer, des éléments toxiques de l’amiante, comme le fer - dangereux lorsqu’il est en en contact avec les cellules humaines - et le magnésium.
« L’idée est de "débobiner" la structure de l’amiante, avec des bactéries, puis de les traiter comme dans une station d’épuration. Cela devient un déchet non toxique car il n’est pas question de générer à partir d’un déchet un autre déchet que l’on ne saurait pas gérer ! », rassure Valérie Geoffroy. Un procédé bio, qui pourrait bien intéresser rapidement les collectivités, les industriels, même si la recherche sur un procédé chimique est par ailleurs bien avancée.
Plusieurs types d’amiante
Pour manger l’amiante, c’est directement la bactérie naturelle qui ferait le gros du boulot, mais aussi une molécule produite par cette même bactérie et qui fait office de « pince à fer ». Le principe est d’isoler la bactérie qui intervient pour la faire agir beaucoup plus vite et optimiser le procédé. Optimiser pour que ça soit plus efficace et réduire le temps d’action, pour enlever tout le fer et tout le magnésium. Problème, il y a plusieurs types d’amiante et donc des procédés de traitement qui sont différents, ce qui complique un peu plus encore les recherches.
Après avoir longuement travaillé sur l’un des deux types de déchets d’amiante, le flocage (sorte de laine de verre), l’équipe de l’Unistra oriente ses recherches sur les fibro ciment (sorte de tôle ondulée très utilisée dans la construction). « Nous testons les échantillons, nous combinons les bactéries, détaille Sébastien David, doctorant en biotechnologie et signalisation cellulaire et qui planche sur cette deuxième phase. « Les orientations des recherches sont multiples. La bactérie que nous utilisons -type pseudo monas-, est très étudiée car elle est très présente dans le sol, utilisée pour la dépollution des sols, les hydrocarbures, rappelle Valérie Geoffroy… Des bactéries qui s’adaptent à la pollution. »
« Pour l’instant, on travaille à l’échelle laboratoire, du tube, (20 ml) et on veut passer à l’échelle du fermenteur, (5 litres), explique Sébastien David. On a démontré que ça peut marcher, on a trouvé la recette. Maintenant, il faut que l’on puisse montrer que notre procédé va être possible, autonome et efficace pour altérer toute la fibre d’amiante, à 100 %, avant de relier le monde la recherche au monde industriel. »