JO 2024: Ecoute bien Paris, voilà comment Tokyo a gagné les JO de 2020
JEUX OLYMPIQUES•Seul français au sein du comité de candidature (et désormais d’organisation) des Jeux de Tokyo 2020, le communicant Tristan Lavier raconte comment la capitale nipponne a obtenu l’organisation des JO…Bruno Poussard
Il est le seul francophone au sein du comité d’organisation des Jeux olympiques de Tokyo 2020. Débarqué au Japon en tant que journaliste, Tristan Lavier s’est retrouvé, presque par hasard, à bosser pour une agence en charge de la communication internationale de la candidature de la capitale nippone début 2012. Et à participer à sa victoire face à Istanbul, en septembre 2013 !
A désormais 29 ans, le Français fait même aujourd’hui partie des managers de la com' internationale de l’organisation. Interdit de commenter les candidatures actuelles par le CIO, dont le deuxième grand oral a eu lieu mardi, son parcours au sein de celle de Tokyo 2020 permet néanmoins de tirer cinq enseignements pour Paris 2024, à six mois du vote décisif et si tant est que le mode d'attribution ne soit modifié. Il nous a répondu lors d’un bref passage en France pour un festival alsacien.
Sur le soutien populaire
Ce que Tokyo a fait : Au fur et à mesure des derniers mois de candidature, les Nippons se sont attachés à obtenir une grosse adhésion nationale. « Ce sont les membres du CIO qui votent, ils restent la principale cible de la stratégie de communication, mais il faut montrer un engouement pour les atteindre, précise Tristan Lavier. Ils ne vont pas aller où on ne veut pas d’eux. »
Pour y parvenir, les défenseurs de la candidature ont progressivement fourni de plus en plus d’explications aux citoyens japonais et surtout tokyoïtes. Jusque dans les réunions de quartier. « Il s’agissait de prendre en compte les différents tissus de la communauté locale, parce qu’une candidature touche une ville dans toutes ses couches », prolonge-t-il. Avec des arguments adaptés destinés à convaincre chaque frange de la population de l’intérêt de l’investissement nécessaire.
Où Paris en est : La candidature hexagonale joue aussi sur l’explication de son projet, dévoilé début février. Et ce avec proximité, à la rencontre de nombreux sportifs et citoyens français, malgré de nombreux déplacements à l’étranger avant le vote. Allant même dans des écoles, Tony Estanguet insistait début mars dans L’Equipe vouloir « continuer à inciter […] à soutenir la candidature » afin de dégager une image enthousiaste. En attendant un gros événement prévu pour la journée olympique mondiale, le 23 juin.
Sur l’héritage des Jeux olympiques
Ce que Tokyo a fait : « Les JO, c’est quand même un catalyseur rare de projets qui n’auraient jamais existé sans cet événement », clame le communicant. Dans leur argumentation devant les membres du CIO, les Nippons ont notamment mis en avant la célébration large d’une victoire éventuelle avec, entre autres exemples concrets, des projets d’ olympiade culturelle et d’éducation sportive sur une durée bien plus longue. A en croire Tristan Lavier, les zones touchées par le tsunami en 2011 ont également été particulièrement ciblées par ces programmes.
Où Paris en est : Afin de montrer qu’ils souhaitent rester à l’écoute de la population française sur ses attentes de l’héritage des JO, les responsables de la candidature ont lancé, en mars, un dispositif de concertation, autour d’un site web en attendant une tournée en France. Au cœur de 43 mesures, la mairie de Paris insiste pour sa part notamment sur l’aboutissement de son idée de rendre la Seine et ses canaux baignables. Alors que le gouvernement vient, lui, de dévoiler un « plan héritage » de 24 autres idées pour encourager la pratique sportive. Avec, entre autres, un appel à projets de 500 nouveaux équipements sportifs financés dès 2017.
Sur la place des sportifs
Ce que Tokyo a fait : Lors de la toute dernière présentation de la candidature à Buenos Aires, c’est une sportive japonaise qui a pris la parole la première. « Originaire d’un territoire touché par le tsunami, Mami Sato est une athlète paralympique qui a continué le sport malgré une grave maladie diagnostiquée quand elle était petite, décrit Tristan Lavier. C’est une athlète, une femme, et son histoire est une énorme source d’inspiration, son discours naturel a beaucoup surpris. »
Un exemple, parmi d’autres, de la place accordée aux sportifs nippons au sein de la candidature. Ou plutôt au centre. « Ce sont eux qui sont les plus motivés et qui ont la plus grande portée niveau communication », justifie encore le Français. Les Japonais ne s’y sont pas trompés en plaçant ainsi des sportifs et ambassadeurs en bonne place dans les présentations officielles ou dans le comité, comme Kofi Murofushi, entre autres.
Où Paris en est : Il s’agissait clairement d’un des points faibles des candidatures de Paris 2008 et 2012. Depuis, la barre a été largement redressée. Triple champion olympique en canoë, Tony Estanguet est bien plus qu’un porte-parole. Co-président du comité, il peut également compter, à ses côtés, sur de nombreux ambassadeurs, comme Teddy Riner. Derrière les lumières, plusieurs sportifs dont des handisports, sont également intégrés dans chacune des commissions de la candidature.
Sur l’unité derrière la candidature
Ce que Tokyo a fait : De son maigre vécu, Tristan Lavier a néanmoins assez d’expérience pour l’affirmer : « Ce sont les candidatures unies qui gagnent. » Nommée « All Japan » pour défendre cette idée, celle de Tokyo n’a donc pas manqué de rassembler derrière elle mairie, comité d’organisation et de nombreuses entreprises sponsors décidées à profiter de l’énorme coup de projecteur, côté tourisme ou gastronomie et innovation, par exemple…
Pour parler au monde entier, Tokyo 2020 a également organisé la remise du livre de candidature à Londres, afin de marquer une nouvelle étape. Outre son nom anglophone et une place faite au français ainsi qu’en atteste le rôle du Tristan Lavier, la candidature nippone s’est affairée, au fil des derniers mois, à créer dynamique et une image allant dans ce sens d’ouverture également linguistique.
Où Paris en est : Avec un certain nombre de marques et groupes français, Paris 2024 n’a pas oublié non plus un club des partenaires derrière le comité, la mairie de Paris et le gouvernement. En revanche, le slogan en anglais « Made for sharing » n’a pas manqué de faire grincer quelques dents ces dernières semaines, notamment du côté de l’Académie française. Pas le meilleur argument…