Strasbourg: Prière de visiter la cathédrale en silence pour les groupes de touristes et leurs guides
PATRIMOINE•Depuis le 1er mars, l'archevêché de Strasbourg a décidé d'obliger les groupes de visiteurs accompagnés d'un guide de porter des audiophones pour diminuer le «brouhaha continu» à l'intérieur de la cathédrale...Bruno Poussard
Depuis le 1er mars, les groupes de visiteurs sont priés de garder le silence dans la cathédrale de Strasbourg. Prise à l’automne 2016, la décision a été annoncée par l’archiprêtre en ce début d’année. « C’est une question de bruit et de recueillement dans la cathédrale, justifie la coopératrice de la pastorale, Marie-Pierre Siffert. C’est un lieu patrimonial, culturel mais aussi cultuel. »
Devant un volume des visiteurs jugé trop élevé, les groupes doivent désormais être munis d’audiophones, et leurs guides d’un petit micro. Depuis le presbytère, Marie-Pierre Siffert prolonge : « Il arrive parfois qu’il y ait une quinzaine de groupes de 30 à 45 personnes en même temps. C’est un brouhaha continu. Quand il n’y a pas de visites de groupes, c’est plus calme. »
Trop de bruit, mais à cause de qui ?
Alors, y a-t-il vraiment trop de bruit dans l’édifice religieux ces derniers temps ? « On remarque aussi des comportements irrespectueux de visiteurs individuels qui répondent au téléphone ou boivent du coca », reconnaît Valérie Ebener, guide à Strasbourg depuis 27 ans. Mais pour les accompagnateurs, la justification de la mesure inspirée (entre autres) de Chartres n’est pas forcément la bonne.
« Les individuels sont hors contrôle, le bruit vient plus souvent d’eux », embraye celle qui est également présidente de l’association des guides interprètes de la région Alsace. Déjà dans l’interdiction de s’arrêter au fil de leur visite en circuit à l’intérieur de la cathédrale (en plein état d’urgence), les groupes sont à leurs yeux de moins en moins acceptés.
Un investissement de plus de 4.000 euros pour 40 audiophones
La situation n’est pas sans conséquence possible. « Sur la fréquentation des groupes sur la cathédrale et peut-être même sur Strasbourg, connue en tant que ville-cathédrale, cela pourrait en avoir », assume Patrice Geny, le directeur de l’Office du tourisme. Pas forcément au courant, quelques groupes venus de loin ont ainsi été pris de surprise sur le parvis de la cathédrale ces derniers jours.
Si les gros organismes de croisière ou de voyages fournissent à leurs clients ces audiophones, de nombreux autres n’ont pas le matériel nécessaire. Indépendants (en libéral ou en auto-entrepreneur), les guides n’ont pas forcément les moyens d’investir plus de 4.000 euros pour un micro et 40 audiophones. Sur une centaine, un seul l’a d’ailleurs fait.
L’achat et la gestion des audiophones à la charge de qui ?
Inquiets d’une immense perte de temps dans leur travail avec la gestion de cet équipement, les accompagnateurs interprètes alsaciens ont décidé de faire bloc. Ils demandent à la ville de Strasbourg de financer les audiophones, qu’elle pourrait louer à partir d’un local à proximité de la cathédrale. Reste à le trouver, et déterminer à qui confier la maintenance, après l’investissement.
Entre la municipalité, l’archevêché, l’office du tourisme et les guides, les discussions sont en cours. Mais rien de tel ne sera mis en place dès cette année. La mesure pourrait donc modifier dès lors le nombre de visiteurs sous la nef. Du côté de l’office du tourisme voisin, le parcours des accompagnateurs strasbourgeois a déjà quelque peu évolué depuis un moment.
Des visites déjà minutées et les arrêts interdits dans la cathédrale
« A cause des queues immenses et des visites minutées dans le cadre de l’état d’urgence, beaucoup de touristes de passage chez nous ont déjà basculé sur une visite centre-ville et extérieur de la cathédrale seulement », illustre Patrice Geny qui n’a néanmoins pas vu d’effet sur la fréquentation. La miniature de l’édifice millénaire devient progressivement un lieu de succinctes explications.
Au regret des guides, souvent passionnés par l’histoire de la cathédrale. Valérie Ebener termine : « Tout invite à l’éblouissement et nous, on doit faire des visites au pas de charge à la queue leu leu. C’est pourtant intéressant de prendre aussi le temps d’expliquer la religion chrétienne. » Un changement de plus pour les guides.