Affaire Fillon: Pourquoi les figures de la droite du Grand-Est sont plus nombreux à avoir lâché le candidat
PRESIDENTIELLE•Probablement encore plus qu’ailleurs, les élus du Grand-Est sont nombreux à avoir lâché François Fillon à l’annonce de sa future mise en examen. Mais comment l’expliquer ? Voici plusieurs éléments…Bruno Poussard avec Alexia Ighirri
L’annonce du maintien de François Fillon malgré sa future mise en examen a été la sortie de trop. Pour la porte-parole de Les Républicains Valérie Debord, la déclaration du candidat mercredi 1er mars a marqué la fin de son soutien personnel. « Mon problème a été de me retrouver face à un manquement à la parole donnée », justifie-t-elle.
Et la quatrième vice-présidente de la région Grand-Est de préciser : « En janvier, il avait exprimé de manière forte qu’une mise en examen l’arrêterait, au 20 Heures de TF1 en plus. (…) A un moment où la parole politique est déjà entachée, mentir, c’est tomber dans l’abîme. Et l’abîme, c’est le FN. » La défection implique de nombreuses figures de la droite de l’est, comme elle.
Une tribune, un appel et de nombreuses défections
Signataire d’une tribune aux côtés de 29 autres élus régionaux, Valérie Debord a donc décidé de clamer publiquement sa prise de recul, comme le président de la région Grand-Est Philippe Richert, les maires de Mulhouse, Nancy et Reims – premiers signataires d’un même appel – ou l’ancienne députée de Lorraine Nadine Morano.
Mais pourquoi d’aussi nombreux élus de droite d’Alsace, de Champagne-Ardenne ou de Lorraine ont-ils lâché le candidat du parti Les Républicains à la présidentielle après, parfois, de longues discussions entre eux et avec leurs militants ? Faut-il chercher une réponse culturelle ou historique ? Voici quelques éléments…
Le risque du FN et la proximité de pays frontaliers
Comme d’autres, Valérie Debord met en avant les retours de sympathisants en préalable à ce qu’elle estime avec François Fillon comme un souci « d’incarnation » du projet de la droite et donc une ouverture pour l’extrême droite. « Tous les élus se rendent compte de ce que nos concitoyens disent, embraie-t-elle. Et il y a ici clairement le risque du FN. »
«A la région, ils sont plus de 40 élus. On voit bien la violence verbale que ça représente. Notre proximité et nos échanges avec les élus de plusieurs pays frontaliers nous permettent aussi de mesurer le risque que représenterait l’arrivée dramatique de Marine Le Pen au pouvoir, parce que ce serait la fin de la construction européenne. »
« Il y a peu de corruption en Alsace », insiste un politologue
La présence de plusieurs frontières directes encouragerait ainsi les élus de droite de la région Grand-Est à prendre conscience de manière concrète du danger représenté, à leurs yeux, par le Front national. En conséquence, seraient-ils donc encore plus qu’ailleurs demandeurs d’exemplarité politique ? Rien n’est moins sûr…
Interrogé, le politologue Philippe Breton donne néanmoins l’Alsace en exemple : « Il y a peu de corruption dans notre région. L’image de la mise en examen est en contradiction avec les valeurs de la région. » Mais cette petite goutte qui a fait déborder le verre de certains politiciens ne peut pas être généralisée, encore moins à tout le Grand-Est.
Un soutien pour François Fillon pas des plus marqués à la primaire
Enseignant au Centre universitaire d’enseignement du journalisme à l’université de Strasbourg, le chercheur remonte ensuite à la primaire. « Il faut voir ici dans quelles circonstances François Fillon l’a gagnée, dit-il. Il n’était pas le favori. Il y a eu un vote pas défaut, d’abord de rejet de Nicolas Sarkozy, et pas très enthousiaste de nos élus. »
Après avoir suivi François Fillon un peu à reculons, certains politiques de droite d’Alsace, de Lorraine ou de Champagne-Ardenne auraient également pu ainsi profiter de cette affaire pour tenter de remettre d’autres noms sur la table. Dans le Grand-Est comme dans d’autres régions, la situation est en tout cas encore partie pour faire parler, à droite.