Football: Comment continuer d'encourager son équipe malgré une grosse taule, comme Strasbourg à Troyes (4-0)
SPORT•Malgré la branlée du Racing à Troyes mardi (4-0), les supporters strasbourgeois n’ont jamais baissé la voix dans leurs chants… Mais les grosses branlées se vivent-elles toujours bien en tribunes ?Bruno Poussard avec Alexia Ighirri
Au stade de l’Aube, on n’a entendu qu’eux, mardi soir. Derrière le Racing sur une bonne lancée, une grosse centaine de supporters strasbourgeois en déplacement à Troyes ont pourtant assisté au naufrage de leur équipe en deuxième mi-temps. Malgré quatre buts encaissés, les fans alsaciens n’ont donc jamais arrêté de chanter en Champagne.
Plutôt utilisé lors d’une grosse victoire, Quatre buts au fond des caisses, hymne du club dans les nineties a même été joliment détourné. Second degré d’ultra ! « Le Racing, ce n’est pas l’aventure d’un soir, ce sont des décennies, défend Grégory. Pourtant promu, le Racing était sur le podium mardi, l’équipe le mérite même si elle loupe une mi-temps. »
Du second degré pour ironiser sur la lourdeur du score
Egalement en tribunes à Troyes, Matthieu confirme : «Le kop fait souvent ça ! A Orléans aussi, on avait étonné un chant débile, sur Dominique Strauss-Kahn, pour répondre à l’absurdité du score (3-1). » Ce soir-là, l’absence du capo, le lanceur de chants, avait néanmoins entraîné une petite baisse d’intensité. Chose rare, même en cas de branlée.
Etonnant, vous trouvez ? « Un ultra encourage son équipe quoi qu’il en soit, recadre Guillaume, abonné de l’OGC Nice. Même en National ou en CFA2. Et il s’en tape de prendre une branlée. » Plus que pour le jeu, c’est pour la ferveur que l’Azuréen a pris goût au stade du Ray, ancêtre de l’Allianz Riviera au kop aussi passionné qu' à Strasbourg.
Des branlées plus dures à vivre dans les matchs décisifs
Ce week-end, Guillaume était à Louis-II où, malgré les 3-0 encaissés contre Monaco dans ce qui ressemblait « au match de l’année » des Aiglons, les Niçois n’ont surtout pas baissé le volume ni chanté de ton ou de rythme en tribunes. Eux non plus. Tout dépendrait, à en croire les différents supporters interrogés, du contexte et l’atmosphère du moment autour de leur équipe.
Dans un match pour monter en Ligue 1, Saint-Symphorien ne s’est plus amusé à chanter, par exemple, lorsque Metz a cédé sa place à Arles-Avignon en 2010. « Pis en 2012, contre Guingamp, on perd 5-2 avec des mercenaires sur le terrain qui nous font descendre en National à la 34e journée, se souvient Julien. Tout le monde sifflait ou partait du stade… »
Un contexte également moins drôle dans un derby
« Si l’équipe en face brûle, que tu en prends six en le voyant venir, ce n’est pas pareil que si tu te tires la bourre avec le club voisin où là, ça peut couper l’envie de chanter », résume à son tour Diego, supporter canari. Récemment, la Beaujoire s’est aussi presque tue lorsque le FC Nantes en a pris six par Lyon, du jamais vu. Ces mêmes Lyonnais accueillis par des sifflets après la défaite contre Saint-Etienne…
Une lourde défaite dans un match décisif ou un derby a forcément plus tendance à couper la voix. Guillaume le Niçois replonge dans ses souvenirs récents : « On s’en fout de perdre Lorient ou le PSG, mais Bastia ça fout vraiment les boules. Lorsqu’on perd à l’Allianz en 2015, on ne chantait plus, mais on gueulait sans arrêt, on insultait… »
Quitte à perdre 4-0, pourquoi ne pas simuler les buts en tribunes ?
Le stade Saint-Symphorien, lui, continue de foutre l’ambiance lorsque les siens prennent très cher contre Monaco (0-7), mais jugerait « impardonnable » - dixit le Messin Julien - un tel résultat dans le derby lorrain face à Nancy. Par contre, dans une ambiance favorable, les ultras utilisent avec plaisir le second degré dans les matchs compliqués.
A 3-0 ou 4-0, les Nantais de la Brigade Loire ont par exemple parfois dû se rabattre sur des simulations de buts, à défaut de voir leurs attaquants planter. Histoire d’en jouer un peu et de se marrer d’une soirée footballistiquement ratée, certains ne manquent pas non plus l’occasion de chambrer gentiment leur camp. Comme si le jeu n’était pas le plus important…
La belle fête en tribunes presque plus importante que le résultat
Une météo dégueulasse favoriserait enfin l’envie de chanter. « Un soir de Coupe de la Ligue contre Metz, on perd 2-0 et il flotte, on a froid, on se demande ce qu’on fout en tribunes, illustre Diego, jaune et vert. A 20 minutes de la fin, le capo lance une simulation de but, et on marque sur corner en même temps, avant égalisation et victoire ! »
Comme quoi la capacité de déconnecter complètement du match des supporters peut même avoir des vertus sur les acteurs. Et si ça n’a pas payé à Troyes mardi pour le Racing, la belle fête des Strasbourgeois leur a probablement facilité le chemin du retour. Aux joueurs peut-être un peu aussi même si, au moment de saluer leur kop, ils avaient la mine bien déconfite…