Une expérience strasbourgeoise dans l'espace pour tester les conditions de vie sur Mars
SCIENCES•Le 14 février, une navette décollera pour l’espace avec, à son bord, une expérience strasbourgeoise pour aider à comprendre l’origine des traces de méthane découvertes sur Mars par le robot Curiosity…Bruno Poussard
Si tout se passe comme prévu, le Français Thomas Pesquet réceptionnera peut-être même le paquet sur la station spatiale internationale, le 14 février. Parti de la base de Cap Canaveral en Floride, ce petit colis d’une dizaine de centimètres de côté monté à Strasbourg a de quoi aider à prouver la possibilité d’une forme de vie de Mars.
Le fameux débat a été relancé par les traces de méthane découvertes par le robot Curiosity en 2014. Mais depuis, deux thèses s’affrontent sur leur origine. Selon les scientifiques, il s’agirait soit d’une réaction chimique rocheuse classique, soit de micro-organismes situés dans le sous-sol martien (puisqu’à la surface, la présence d’eau oxygénée rend impossible la vie).
Dans l’espace, des conditions proches du sous-sol martien
Pour tenter d’avancer, l’expérience Micro organism methane associated research Strasbourg (MMARS1) va observer le développement de souches qui produisent du méthane dans des conditions proches du sous-sol martien. « Dans l’espace, l’irradiation cosmique, les cycles thermiques et la gravité seront similaires », illustre Jean-Jacques Favier.
Directeur de la recherche de l’International space university (ISU) basée dans le parc d’innovation strasbourgeois, celui qui fut aussi le sixième Français dans l’espace (en 1996) porte le projet avec un de ses étudiants en thèse. Depuis l’idée, quinze mois seulement ont été nécessaires avant l’envol, grâce aux avancées technologiques et à la baisse des coûts.
Une petite boîte remplie de souches méthanogènes fixée à l’ISS
Pour construire cette petite boîte fixée par les astronautes à la station un mois durant, les scientifiques de l’ISU ont fait appel à Airbus, avant de se tourner vers l’unité de Génétique moléculaire génomique microbiologie de l’université de Strasbourg (avec le soutien financier de l’Eurométropole de Strasbourg) pour le choix des micro-organismes prêts à pousser.
Afin d’observer la production de méthane (ou pas), des souches nourries d’acétate (également présent sur la Planète rouge) seront placées dans différentes conditions. « Douze expériences de croissance différentes seront en fait menées, précise le micro-biologiste Stéphane Vuilleumier. Et nous en mènerons d’autres en labo en parallèle. »
Trois à six mois d’analyse
Si quelques capteurs réaliseront des enregistrements sur carte SD au sein de la boîte dans l’espace, il faudra attendre que l’expérience redescende sur terre, quatre semaines plus tard, afin de recueillir les résultats. Même plus encore, avec le rapatriement sur Strasbourg prévu dans des conditions drastiques avec un réfrigérateur à 4°.
Derrière, l’analyse prendra, elle, de trois à six mois. « Les résultats tomberont d’ici la fin de l’année, clarifie Jean-Jacques Favier. Ils permettront d’affiner MMARS2, deuxième étape de quatre mois, plus sophistiquée. Au final, ce ne sera jamais une démonstration finale de la vie sur Mars, mais ça pourrait conforter la seconde hypothèse. »
Un envol initialement en septembre 2016, mais repoussé
Initialement prévue à la fin de l’été 2016, l’expérience a dû être repoussée de quelques mois, la faute à l’explosion en septembre d’un lanceur Falcon 9 (de Space X), dont les vols ont repris, après investigation, mi-janvier.
Après deux essais concluants, la Nasa a donc finalement donné son accord pour un envol le 14 février, sous-réserve d’une météo clémente. A Strasbourg, certains auront donc ce mardi-là les yeux rivés vers la Floride.
Avec Thomas Pesquet, les souvenirs de Jean-Jacques Favier remontent. Depuis son départ, le sixième français dans l’espace n’a plus de nouvelles directes du neuvième. Mais il suit avec beaucoup d’attention Thomas Pesquet… « Le jour de sa sortie dans l’espace, depuis le Centre national d’études spatiales [à Toulouse], je m’y croyais un peu, confiait en janvier Jean-Jacques Favier. Ça rappelle des souvenirs. » De là à le vivre par procuration ? Un peu, forcément : « Depuis qu’il est parti, j’aime beaucoup la manière dont il procède, en partageant beaucoup avec les technologies nouvelles. »
De la maternelle à Polytechnique, le Strasbourgeois partage depuis des années sur son séjour dans l’espace et ses expériences. Le 14 février justement, Jean-Jacques Favier aimerait bien que Thomas Pesquet s’occupe lui-même de réceptionner et fixer le petit cube avec le logo de l’expérience strasbourgeoise. « Ce serait un beau symbole », termine-t-il.