En terre ouvrière symbolique de Florange, Jean-Luc Mélenchon a-t-il une réponse pour un électorat déçu?
POLITIQUE•En meeting sur les terres ouvrières très symboliques de Florange (où les hauts fourneaux d'ArcelorMittal ont fermé en 2013), Jean-Luc Mélenchon n'était pas forcément sur un territoire déjà acquis à sa cause, jeudi soir...Bruno Poussard
En attendant Jean-Luc Mélenchon à Florange, le grand stand de merchandising présente un certain nombre d’idées de lecture. Et au milieu, quelques livres semblent trouver un écho tout particulier ici, où le président Hollande n’a pas vraiment tenu sa parole. Les ouvrages Les cinq mensonges du Front National et Populisme, le fantasme des élites sonnent aujourd’hui comme de sérieux messages.
Il ne faut pas s’y tromper, le candidat de La France insoumise n’est pas venu sur des terres ouvrières déjà électoralement acquises en pleine campagne à la présidentielle, jeudi soir. Dans le nord de la Moselle, le Front National s’est petit à petit ancré. Les promesses non-tenues de François Hollande sur les hauts fourneaux d’ArcelorMittal et le 49.3 ont fini de dégoûter de la politique d’autres nombreux habitants de la vallée de Fensch.
Un passage à Florange, en premier, stratégiquement inévitable
Mais il existerait encore ici une troisième voix, d’après Lionel Burriello, délégué syndicat CGT d’ArcelorMittal à Florange, rallié à cause de Jean-Luc Mélenchon : « Il y en a encore qui veulent juger par les actes, et des gens de gauche qui ont besoin de son espoir. » Le passage du candidat de gauche dans la salle de la Passerelle était donc stratégiquement inévitable. D’autant que dans cette campagne, il est le premier à Florange. Avant d’autres…
A travers les évolutions d’Arcelor Mittal, ce territoire est devenu hautement symbolique. Des galères de la sidérurgie, de la désindustrialisation, mais aussi des trahisons et de lassitude politique. A en croire ses militants, le discours de JLM serait d’autant plus à même d’être entendu le long de la Fensch… « Il a une réponse pour les sidérurgistes, mais aussi pour ceux qui disent ‘’tous les mêmes’’, car il fait politique autrement », défend André, futur électeur convaincu de Metz.
Planification écologique, transition industrielle et enseignement professionnel…
Comme une rock star, déambulant d’un lieu à l’autre devant un public acquis à sa cause, Jean-Luc Mélenchon ne s’est pas focalisé sur les enjeux locaux, à un horaire digne de troller le dernier débat de la primaire de la gauche. Il a en revanche multiplié les clins d’œil. « Je ne suis pas venu faire de nostalgie ici, mais on sait tous ce que l’aciérie a représenté et représente encore en Lorraine et en France », a-t-il posé d’emblée.
Devant un large public, JLM a ainsi martelé ses thématiques préférées du moment : planification écologique, transition industrielle et enseignement professionnel. Punchlines à l’appui : « Nous allons changer l’activité productive du pays, les machines et les process de production. » Ou encore : « Si on veut appliquer le plan, […] on a besoin d’une puissante filière de formation pro où nos enfants seront heureux d’apprendre et feront grandir notre pays en même temps. »
… Qui font écho et qu’il pose en solution aux difficultés de Florange
Et en les reliant toujours, par ci, par là, aux inquiétudes florangeoises. De cette manière, par exemple : « Il faut écouter les autres, et j’ai écouté les métallos cet après-midi. Parce que je suis curieux, et j’y ai vu l’intelligence de faire les choses. » Sans y faire référence directement, Jean-Luc Mélenchon n’a pas non plus oublié le symbole des luttes sociales également représenté par Florange, désormais petit épicentre politico-médiatique du monde ouvrier.
Mais ce dernier était-il vraiment représenté dans son public jeudi soir, alors qu’un bus rempli de cinquante soutiens a notamment débarqué de Nancy ? « J’ai quand même croisé une petite vingtaine d’Arcelor », défend le syndicaliste Lionel Burriello. Au café du centre, dans la rue principale de la ville peu avant, des Mittal « qui voient les départs à la retraite non remplacés et l’activité qui diminue » refusaient eux d’écouter un homme politique.
« On sait qu’ils vont tous passer ici, mais on a bien vu l’autre Flamby avec ses promesses… Peu importe leur bord, ils ne changeront rien », posait calmement un trentenaire devant le bar. A l’heure où un de ses voisins de comptoir ne voit plus que le FN « pour foutre le bordel », Jean-Luc Mélenchon a encore un sacré travail à mener pour convaincre. Même en terre ouvrière. A Florange comme ailleurs.