TRANSPORTSPourquoi Fanny et dix autres personnes sont mortes dans l’accident de TGV

Accident de TGV en Alsace: Un an après, la famille de Fanny se demande encore «ce qui a causé sa mort»

TRANSPORTSLa famille de Fanny Mary, décédée lors de l’accident de TGV qui a coûté la vie à onze personnes et fait 42 blessés le 14 novembre 2015, soulève de nouvelles questions…
01112016-STR-Sur les lieux de l'accident du TGV à Eckwersheim un an après.
01112016-STR-Sur les lieux de l'accident du TGV à Eckwersheim un an après. - G. Varela / 20 Minutes
Gilles Varela

Propos recueillis par Gilles Varela

Difficile d’imaginer en se promenant aux bords du paisible canal à Eckwersheim (Bas-Rhin) qu’il y a tout juste un an, le 14 novembre à 15 h 04, . Seuls deux petits bouquets et des jardiniers à l’œuvre peuvent rappeler le tragique drame qui s’est joué.

Le TGV qui effectuait un test sur la ligne à grande vitesse (LGV) entre Paris et Strasbourg venait de dérailler à l’entrée du virage de raccordement de la nouvelle ligne avec le réseau classique à Eckwersheim. Une partie du train était alors tombée dans le canal de la Marne au Rhin et sur un terre-plein en contrebas. A bord se trouvaient les équipes de la SNCF et de sa filiale Systra mais aussi de nombreux « invités ».

Ce premier déraillement mortel du TGV a fait onze morts et 42 blessés. Parmi les victimes se trouvait Fanny Mary, elle avait 25 ans et travaillait dans la biologie.

A quelques heures d’une cérémonie d’hommages sur les lieux du drame, la famille de Fanny s’interroge sur deux nouveaux points relevés lors d’un rapport d’étape des experts judiciaires, datant d’octobre. Ses frères, Arthur et Jules Mary témoignent.

Que faisait Fanny à bord de ce TGV effectuant des essais ?

Jules Mary : La date du 14 novembre est pour nous une date très douloureuse. C’est le jour où ma petite sœur, confiante, s’est retrouvée à bord de ce train suite à une invitation. Elle pensait qu’il s’agissait d’un voyage inaugural. C’était en fait un train qui roulait pour la première fois à cette sur-vitesse. A cela, s’est ajouté la tentative d’aller encore plus vite, et ce, à l’abord d’un virage alors que des enfants se trouvaient à bord, sur une ligne non homologuée. A-t-on abusé de la confiance de ma sœur en lui laissant croire qu’on avait beaucoup de recul sur les essais auxquels on l’invitait, quand c’était en réalité la première fois ?

Arthur Mary : Fanny n’avait absolument rien à faire sur cet essai. Elle ne savait pas qu’il n’y avait jamais eu le moindre essai à cet endroit, sur cette voie, dans ce sens, à cette vitesse. Y a-t-il eu duperie ?

Comment vivez-vous cette situation un an après ?

JM : Ma famille et moi portons beaucoup d’espoir sur l’avancée de l’enquête juridique qui selon nous sera la seule pertinente car elle vise à apporter de réelles réflexions sur l’accident ainsi que les différentes responsabilités engagées. C’est cette enquête qui devra dévoiler ce qui a causé la mort de ma sœur et nous comptons sur l’intégrité des experts. A la SNCF, c’est l’omerta. Nous sommes méfiants.

AM : Il y a bien sur la question du deuil, mais par respects pour les morts, on ne peut pas renoncer à comprendre ce qui a causé leur disparition. On le doit aux personnes décédées. Nous voulons savoir quelles sont les erreurs commises, alors nous sommes très attentifs au travail des enquêteurs.

D’autres questions subsistent-elles encore ?

JM : Qu’est-ce qui justifie la présence d’invités sur un train d’essai aussi dangereux ? Des amis, de la famille, des enfants étaient à bord. Cinquante-trois personnes… Quel est l’intérêt technique ?

AM : L’enquête avance. Mais ce qui nous surprend surtout c’est que peu d’attention a été portée à deux points relevés dans l’enquête d’étape des experts judiciaires : le tracé de la ligne est-il oui ou non sans danger ? Ils parlent dans le dossier de la « dangerosité du tracé de la ligne ». Pourtant rien n’a pour l’instant été changé. Autre point important, il est mentionné que « la rame était en position de basculement avant la courbe. » Donc, dans une ligne droite. Cela pourrait déplacer les interrogations sur le train lui-même ou sur la voie.