Strasbourg: Une station de la peur sur la ligne B du tram?
TRANSPORTS•L’arrêt de tram Martin Schongauer à l’Elsau sur la ligne B est devenu la bête noire de la CTS, depuis que les incivilités, les dégradations et même des agressions envers les conducteurs du tram se multiplient…Gilles Varela
C’est une station de tram comme beaucoup d’autres, perdue à travers les barres d’immeubles d’un quartier populaire. Et pourtant. Les « grilles » qui remplacent les vitres des abris de la station et le matériel spécifique mis en place par la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) laissent entrevoir une réalité tout autre.
Depuis des mois, et tout particulièrement depuis cet été, les conducteurs ont été victimes de plusieurs agressions, à tel point qu’un droit de retrait des pourrait être exercé prochainement si le contexte sécuritaire ne s’améliore pas significativement.
Excédé, Michel Wernert, délégué syndical pour la CFDT à la CTS prévient : « Cela ne peut pas continuer. Si rien n’est fait, nous allons débrayer à partir de la station de l’Elsau [la station précédente], et nous n’irons plus au-delà pendant plusieurs jours. »
Tirer le signal d’alarme
Caillassages, objets métalliques posés dans les rainures du rail, mousse d’un extincteur qui asperge le pare-brise, insultes, scooters qui roulent sur les voies ou sur les quais, des bandes qui se baladent avec des barres de fer… Autant de faits marquants qui témoignent jour après jour d’une situation qui n’est pas loin d’être hors contrôle.
Pire encore, les conducteurs sont régulièrement pointés par des lasers et les conséquences sont graves : « Un conducteur a perdu une partie de sa vision et il ne peut plus exercer son métier », explique Michel Wernert. Et c’est une nouvelle agression, dimanche dernier, par deux jeunes hommes qui ont braqué une arme (factice) sur le conducteur à l’arrêt, qui a poussé le représentant CFDT du personnel à tirer le signal d’alarme.
« Nous avons envoyé dès mercredi un courrier aux services de la préfecture, à la police, au maire Roland Ries, mais pour l’instant, je n’ai eu qu’un coup de fil de la police pour m’indiquer que avaient été contactés pour discuter avec les jeunes. Ce n’est pas assez, c’est très léger. »
Un quartier qui a beaucoup changé
Si la station n’a pas bonne réputation dans les quartiers avoisinants, les habitants oscillent entre regrets et fatalisme. Entre deux grosses cylindrées aux vitres teintées vrombissant à proximité, Rachel, 21 ans, confie : « Je n’ai pas peur, je fais juste attention le soir, c’est vrai que c’est un quartier spécial. Ça a beaucoup changé, et on ne peut rien y faire ».
« Il y a beaucoup de deals, même devant la station. Ils sont installés sur des chaises, aux yeux de tous. Ceux qui cassent ou agressent sont des jeunes qui devraient être à l’école, mais ils traînent. Il y a un vrai problème d’éducation », s’indigne Muriel, 40 ans.
Le point noir du réseau de la CTS
« On est à un niveau de difficulté qui est sans commune mesure à ce que peut connaître la CTS à d’autres endroits. Il y a une montée en puissance des difficultés et qui atteignent aujourd’hui, pour les agents un seuil insupportable, je peux le comprendre, reconnaît Jean-Philippe Lally, directeur général de la CTS. Nous sommes comme d’habitude en contact avec les autorités et nous avons envoyé un courrier avant l’été à la préfecture pour dire que la situation continuait à déraper et qu’elle devenait vraiment difficile. L’inquiétude du personnel est compréhensible, quand on fait ce métier-là, dans ce n’est pas pour se faire taper sur la figure ou se faire agresser d’une manière ou d’une autre. »
Une réputation de la station qui va au-delà de la cité et qui alimente les conversations des passagers au passage de la « zone Schongauer » comme l’appelle Marie-Pierre. « Il y a souvent les jeunes qui tapent sur la vitre avec des bouteilles. On voit bien qu’ils cherchent la provocation, que quelqu’un réagisse pour faire envenimer la situation. Ou alors ils font la course, le long de la voie, en scooter et sans casque et je ne compte pas les . »