Sciences: Une Strasbourgeoise dissèque Darwin et la théorie de l'évolution
LIVRES•Enseignante en SVT, Annabelle Kremer a signé les textes du livre « Charles Darwin, une révolution » qui accompagne l’exposition de la Cité des sciences et de l’industrie à Paris « Darwin l’original »…Floréal Hernandez
Mardi, s’ouvre l’exposition « Darwin l’original » à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris. Pour accompagner cette expo, deux livres sortent : un catalogue et un autre destiné au jeune public Charles Darwin, une révolution (à partir de 9 ans). Ce dernier mêle dessins de l’illustrateur belge François Olislaeger et textes de la Strasbourgeoise Annabelle Kremer. Grâce à cette professeure de SVT au collège des Sept Arpents à Souffelweyersheim qui travaille également à la Maison pour la science en Alsace, on apprend plein de choses sur l’évolution (lire la page sur la formation des atolls, c’est incroyable) et les fausses idées reçues sur Darwin sont balayées.
En quoi Darwin a-t-il fait avancer la science ?
Il a proposé le mécanisme de variation-sélection : les individus varient au sein d’une espèce, ces variations se transmettent et donnent lieu à une sélection naturelle. Celle-ci explique aussi bien la stabilité des espèces que leur changement, leur évolution. En montrant cela, il a combattu les créationnistes fixistes qui affirmaient que Dieu avait créé les espèces ainsi et qu’elles n’avaient pas évolué. Cent cinquante plus tard, les chercheurs étendent les théories de Darwin des protéines jusqu’aux cultures. C’est la sélection naturelle étendue. Il a jeté les bases d’une théorie qui s’applique à tous les niveaux d’organisation du vivant et pas uniquement à l’échelle des populations au sein des espèces.
Pourquoi avons-nous une fausse, une mauvaise image de Darwin ?
Cela vient du darwinisme social qui lui a causé du tort. En 1859, Charles Darwin publie L’Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle. C’est un choc car le livre combat le créationnisme, le fixisme. En 1871, paraissent La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe. Là, Darwin dit que l’homme est un animal et qu’il n’est pas, lui non plus, une création de la main de Dieu, à son image et qui serait au somment d’une échelle des espèces. C’est un choc chez les religieux conservateurs. Puis certains ont parlé à sa place et appliqué directement ses théories aux sociétés humaines. Ils ont alors développé des théories d’eugénisme, de sélection de race, de restriction démographique au détriment des plus fragiles. Ce n’était absolument pas le message de Darwin qui a toujours combattu le racisme, qui était contre l’esclavage. Sa parole a été dévoyée, transformée.
Comment fait-on pour expliquer simplement les théories de Darwin ?
Il faut partir des faits et les mettre en relation pour arriver à une interprétation. Il faut partir de la variation des individus au sein d’une espèce pour arriver la sélection naturelle. On n’est pas obligé de sacrifier la rigueur scientifique.
Qui sont les Darwin d’aujourd’hui ?
On les retrouve chez les biologistes moléculaires, les anthropologues, les systématiciens (chercheurs qui étudient les liens d’apparenté entre les espèces). Jean-Jacques Kupiec a appliqué la sélection naturelle à l’échelle de la cellule. Chomin Cunchillos est lui allé jusqu’à l’échelle de la protéine. Evelyne Heyer a montré que la sélection naturelle s’applique jusqu’aux cultures, il y a une évolution bio culturelle chez l’homme. Guillaume Lecointre, conseiller scientifique de l’expo « Darwin l’original », systématicien et professeur au Musée national d’Histoire naturelle a beaucoup fait pour qu’on renoue avec les vraies idées de Darwin, qu’elles soient mieux enseignées.
Que reste-t-il à découvrir aujourd’hui sur terre sur le modèle des études de Darwin ?
On connaît 1,5 million d’espèces or il en existe au moins 10 millions. Il y a beaucoup à découvrir dans les océans. On connaît très peu la diversité génétique. Comme la sélection naturelle est étendue à toutes les échelles du vivant et notamment au niveau cellulaire, cela ouvre des perspectives dans le traitement des cancers. Ça permet de mieux comprendre le comportement des cellules cancéreuses par exemple. La biologie Darwinienne d’aujourd’hui ouvre tout simplement de nouvelles pistes de recherches car on ne se focalise plus sur les régularités dans le vivant mais sur les irrégularités.