INTERVIEWStrasbourg: «On s'oriente vers les puits de géothermie les plus sécurisés d'Europe»

Strasbourg: «On s'oriente vers les puits de géothermie les plus sécurisés d'Europe»

INTERVIEWJean Philippe Soulé, directeur de Fonroche géothermie, défend cette source d’énergie à la  mauvaise réputation en Alsace…
Gilles Varela

Propos recueillis par Gilles Varela

Les études géophysiques du sous-sol alsacien à la recherche d’eau chaude utilisable pour le chauffage ou l'électricité se poursuivent. L’avis de l’enquête publique sera bientôt connu et la décision du préfet d’accorder ou non les forages est très attendue. Si les feux sont verts, les travaux devraient avoir lieu mi 2016. Actuellement, les groupes industriels comme Fonroche géothermie ou ES ont débuté les campagnes de mesures, afin de repérer les bons réservoirs géothermiques et de les exploiter dans des conditions de sécurité optimales. Jean Philippe Soulé, directeur de Fonroche géothermie, répond aux questions de 20 Minutes à propos de cette technique peu connue.

C’est quoi, la géothermie profonde ?

Nous récupérons l’eau chaude dans le sous-sol. Nous pouvons aller la chercher jusqu’à 4 000 mètres de profondeur où sa température approche en Alsace les 185 degrés. Elle passe par un échangeur thermique à la surface, fournit de l’électricité ou du chauffage pour le réseau urbain, puis est réinjectée à une température à 60 degrés dans un second puits situé au minimum à 1 000 mètres du puits de production.

Pourquoi l’Alsace a-t-elle été choisie pour la géothermie ?

L’Alsace présente des températures importantes à des profondeurs moindres, ce qui fait que c’est une des zones à privilégier en France.

Faut-il avoir peur de la géothermie ?

C’est vrai qu’il a eu de mauvais exemples de géothermie dans la région. Mais il ne faut pas tout mélanger. Là, il s’agit de géothermie profonde. On construit des ouvrages très contrôlés par l’Etat mais aussi par des sociétés indépendantes. Les nappes phréatiques ne peuvent pas être touchées par l’eau salée car nous avons différentes couches de cuvelage, c’est-à-dire que les tubes vissés les uns après les autres sont coffrés dans du ciment, avec des détecteurs de fuite. Quant à l’acide que nous pouvons être amenés à injecter pour permettre de dégager les failles existantes des minéraux les colmatant, il réagit et donc disparaît. Nous procédons par petites doses, et la pression d’injection est très contrôlée. Nous avançons très lentement et nous répondons à toutes les nombreuses contraintes qui nous sont imposées.

Hoenheim, le 9 mai 2015. Campagne de mesures géophysiques de la société Fonroche géothermie. Géothermie

Ce qui fait peur, c’est que nous sommes en zone périurbaine, car nous essayons d’être près des zones d’habitations où l’énergie pour le chauffage ou l’électricité sera conduite. Et c’est une technologie qui est méconnue du grand public. Mais nous avons de nombreuses mesures préventives pour connaître les zones. Nos techniques de forage très profond relèvent des forages pétroliers avec des mesures de sécurité que l’on connaît depuis plus de cinquante ans et qui sont au plus haut niveau de technologie. Le risque zéro n’existe bien sûr jamais, mais on a pris toutes les précautions possibles et on s’oriente pour avoir les puits les plus sécurisés d’Europe.

A quoi servent les ondes vibratoires émises par les camions pour les analyses et sont-elles dangereuses ?

Quatre camions envoient des ondes vibratoires dans le sol. Ces dernières sont mesurées à l’aide de géophones (des capteurs ultrasensibles) disposés le long d’un câble courant sur 100 km. C’est une campagne de mesures géophysiques qui permet de savoir à quel endroit précisément (plus ou moins 50 mètres) se trouve l’eau. Une carte du sous-sol en 3D (20 km de large sur 20 km de long) sera dressée dans les cinq mois à venir.

Hoenheim, le 9 mai 2015. Campagne de mesures géophysiques de la société Fonroche géothermie. Géothermie. Un geophone, écouteur ultrasensible - G. Varela/20 Minutes