JUSTICEStrasbourg: Après avoir été tabassé par son patron, un livreur est sans aucune ressource

Strasbourg: Après avoir été tabassé par son patron, un livreur est sans aucune ressource

JUSTICELe livreur frappé par son employeur est aujourd'hui sans aucune ressource et se débat dans une tentaculaire histoire administrative...
Gilles Varela

Gilles Varela

C'est l'histoire ordinaire d'une situation extraordinaire. Les faits remontent au 11 juillet 2014, lorsqu'un livreur est roué de coups dans le quartier de Hautepierre par deux hommes qui s'avèrent être son employeur et le frère de ce dernier, à la tête d'une société livraison, sous traitée par Chronopost.

L'employé qui affirme avoir travaillé 70 heures par semaine pendant cinq mois et dont le salaire n'atteignait pas le Smic, menaçait de ne pas rendre le fourgon de livraison si son dû ne lui était pas rendu. Les deux hommes l'avaient alors roué de coups et utilisé un manche de pioche. Jugés en comparution immédiate, ces derniers avaient été condamnés par la justice respectivement à un an de prison ferme sans mandat de dépôt et huit mois avec sursis.

Pas de numéro de sécurité sociale

Près de sept mois après l'agression, la victime, Nabil El Berni, porte encore les traces de son agression. En arrêt maladie jusqu'au 28 février et détenteur d'une carte d'identité européenne obtenue en Italie, il ne perçoit pourtant aucune indemnité.

Une situation qu'il doit au fait qu'une première société de livraison qui l'employait précédemment (mise aujourd'hui en redressement judiciaire) ainsi que son dernier employeur (l'agresseur), n'a jamais régularisé sa situation malgré ses demandes. Sans numéro de sécurité sociale mais pensant être en règle pour travailler en France, il se heurte aujourd'hui à une situation administrative inextricable, malgré des démarches auprès de la CPAM.

Si celle-ci reconnaît son arrêt de travail, selon Nabil El Berni, le fait de ne pas avoir de numéro sécurité sociale conduit à l'impossibilité de traiter son dossier. Une situation exceptionnelle dont le secrétaire général de la CFDT du Bas-Rhin, Pascal Vaudin ainsi que le délégué syndical central de Chronopost, Bruno Klein s'alarment: «Sur ses fiches de paie, on peut noter que les cotisations Urssaf sont réglées. Mais son numéro de sécurité sociale n'y figure pas. Et puis il y est mentionné qu'il est mis à pied à titre conservatoire depuis juillet, une procédure qui n'existe pas pour une période aussi longue.»

Dans l'impossibilité de payer les soins

Privé d'indemnité, d'allocation-chômage puisqu’«officiellement encore employé», se sentant «trompé et abusé par ses employeurs», le livreur n'arrive pas à payer les soins dont il bénéficie et n'a aucune ressource pour vivre. «J'ai déjà près de 2.000 euros de frais de scanner, de soins et 1500 euros de frais de médicaments. Mes amis m'aident mais ce n'est plus possible», confie Nabil El Berni.

Si une procédure aux Prud'hommes ainsi qu'une plainte pour réclamer des dommages et intérêts sont en cours, la situation administrative de Nabil El Berni s'enlise. La préfecture du Bas-Rhin a pourtant été informée de la situation, «mais rien ne bouge, explique Pascal Vaudin. Nous espérons que le préfet puisse intervenir pour ce cas exceptionnel» et que «Chronopost cesse de faire appel à ce sous-traitant qui ne respecte pas la loi et tabasse son employé», ajoute Bruno Klein.