Tour de France 2018: Cette année c’est la bonne, pourquoi une victoire de Romain Bardet est vraiment possible
CYCLISME•Toutes les conditions sont réunies pour que l’Auvergnat remporte le Tour de France…B.V.
Le blaireau. Plus de 30 ans que Bernard Hinault a remporté pour la dernière fois le Tour de France et que plus aucun Français ne l’a imité. Vous commencez à trouver le temps longtemps ? Nous aussi. De Richard à Thibaut Pinot, en passant par Laurent Jalabert, Christophe Moreau ou Jean-Christophe Péraud, on a espéré voir un Français triompher sur les Champs, sans jamais vraiment trop y croire non plus. Cette année, on a comme un pressentiment. En cannes, sûr de lui et de ses forces, Romain Bardet est l’un des favoris du Tour. Mieux, même, il est presque LE favori.
Vous nous croyez pas ? On a listé tout un tas de raisons pour croire en la victoire de l’Auvergnat et on les a soumises à Steve Chainel, proche du grimpeur français et consultant Eurosport sur la Grand Boucle pour approbation.
Parce qu’il a passé un cap cette année
Notre idée : Romain Bardet a gagné ou terminé placé chaque course qu’il a démarrée cette saison, u’elle soient d’un jour (3e à Liège-Bastogne-Liège) ou d’une semaine (3e au Dauphiné). En termes de régularité, seul Alejandro Valverde a fait mieux. Romain Bardet est dans les temps : il n’est jamais arrivé aussi bien préparé et confiant au Tour.
L’avis de Steve Chainel : « Oui et non »
« Est-ce qu’il s’est passé quelque chose ? Oui ou non. Romain assume entièrement son statut de leader et quand il annonce la couleur, il ne passe pas au travers. Avant on le protégeait : "il est jeune, il a le temps". Maintenant, c’est une valeur sûre. Personne ne doute de ses capacités à réaliser de très très grandes choses. Je pense que son équipe lui faisait déjà confiance mais lui a désormais totalement confiance en sa préparation.
Sur la question physique, en revanche, rien n’a changé. Il est toujours aussi pro mais il a toujours aussi ce manque de grosse giclette de par sa cadence de pédalage et des lacunes en contre-la-montre. Pour moi, le jour où un cap est changé, c’est s’il arrive par exemple à devenir champion de France de chrono. Là, ce serait un gros changement. »
Parce que le parcours lui convient bien
Notre idée : Bah il est très Romain Bardet compatible ce Tour. Pas trop de chrono (dont un par équipe, ce qui l’arrange bien), de la haute et très haute montagne avec des étapes courtes comme il les aime.
L’avis de Steve Chainel : « Ce Tour lui tend les bras ».
« Le parcours est bien tracé. Il n’y a rien où l’on pourrait dire "il va perdre du temps". On a aussi des descentes propices à des attaques de Romain. Même le dernier chrono est un contre-la-montre difficile, encore plus que Marseille l’an dernier où il avait perdu du temps. Ce Tour lui tend les bras ».
Parce que son équipe est tout-terrain
Notre idée : Cela fait bien longtemps qu’une équipe française n’avait pas eu ce niveau d’ensemble. AG2R n’est peut-être pas l’armada Sky, mais cette équipe a vraiment de la gueule. De Naesen pour les pavés à Vuillermoz pour la montagne en passant par Latour ou Gallopin pour le tout-terrain, AG2R pourra accompagner son leader partout.
L’avis de Steve Chainel : « C’est certain »
« Effectivement, il est certain que la formation AG2R a vraiment de quoi donner envie à d’autres équipes, ils peuvent joueur sur tous les tableaux mais ils ne vont jouer que le classement général. Je pense par exemple à Olivier Naesen qui pourrait jouer l’étape des pavés pour sa pomme mais qui va se mettre au service de Bardet. Pareil pour Matthias Frank en montagne. Mais non, tout pour Romain Bardet. L’équipe AG2R n’a jamais été aussi forte et aussi expérimentée. Et puis, point important, c’est la seule équipe qui a le courage de tenter de déstabiliser la Sky. Elle n’a pas de complexe d’infériorité. Elle joue la victoire et pas le podium. »
Parce qu’il ne perdra pas 3 minutes sur le contre-la-montre par équipe
Notre idée : C’est le piège n°1 du parcours du Tour de France cette année, le contre-la-montre par équipe de Cholet, lundi. Un exercice dans lequel les équipes françaises sont en général à la peine et qui aurait habituellement pu coûter le Tour à Bardet. Mais pas ce coup-ci (a priori), AG2R devrait limiter la casse sur la Sky, par exemple.
L’avis de Steve Chainel : « Très optimiste »
« Romain ne perdra pas trois minutes et je suis même plus optimiste. Aux championnats de France de chrono, AG2R a pris les deux premières places (Latour et Gallopin), et d’autres bons rouleurs comme Matthias Frank n’étaient pas là. De plus, il y a eu un gros travail de fait par le fournisseur pour avoir des vélos ultra-compétitifs sur ce contre-la-montre par équipe. AG2R devrait perdre un peu de temps sur la Sky mais par exemple un Nibali sera derrière. »
Parce qu’il ne perdra pas 3 minutes sur les pavés
Notre idée : C’est le piège n°2. Cette étape du 15 juillet, jour de la finale de la Coupe du monde, sur les pavés de Roubaix. Pas vraiment un cadeau pour un spécialiste de la montagne. Mais Romain Bardet est venu bosser les routes poussiéreuses sur les Strade Bianche et lors d’A travers la Flandre, sans y être ridicule. Pas de raison qu’il le soit le 15 juillet.
L’avis de Steve Chainel : « Une étape positive pour lui »
« Romain est quelqu’un de très technique, il pratique beaucoup de VTT en préparation et aime jouer sur le placement et comment tenir son vélo. On a tendance à l’oublier, parce qu’on le voit un peu grand sur sa machine comme s’il avait débuté le vélo il y a pas longtemps mais il est très agile. Il aime la descente, il aime le pavé. Je pense même que c’est une étape positive pour lui, surtout avec Naesen pour l’aider. »
Parce que Froome ne sera pas imbattable
Notre idée : Entre l’extra-sportif et l’énergie laissée sur le Tour d’Italie il y a un mois, Chris Froome ne sera pas à 100 % au Tour, c’est une certitude.
L’avis de Steve Chainel : « Pour Froome, c’est quasi mission impossible »
« Chris Froome n’est pas imbattable, on le sait depuis longtemps, mais surtout cette année. Même avec une équipe à 100% derrière lui, le coureur est touché. Au Giro il est passé très près de la défaite, même s’il avait "prévu" cette fin de Giro au-dessus du lot physiquement. Ça fait 15 ans que le doublé Giro-Tour n’a pas été fait, pour moi c’est quasi mission impossible physiquement, et psychologiquement. Maintenant Froome ça reste un grand champion… Mais sur ce qu’il a montré au Giro, je pense que Romain Bardet est meilleur que lui sur les étapes de montagne. »
Parce que le reste de la concurrence n’impressionne pas non plus
Notre idée : Et si pas Froome, qui ? Les clients pour tenir trois semaines au niveau des Froome et Bardet ne sont pas nombreux. Nibali ? Pas d’équipe. Quintana ? On ne l’a pas vu de la saison. Porte ? Jamais tenu trois semaines.
L’avis de Steve Chainel : « Nibali est l’épouvantail du Tour »
« Attention à Nibali. Tout le monde se dit qu’il n’a pas d’équipe, mais en fait la Bahrein avec les frères Izagirre en pleine forme, c’est solide. Et puis sur les pavés, c’est peut-être lui qui va profiter de la guéguerre. Il est tellement peu attendu qu’il sait exactement comment jouer sa carte. Et puis il sait se mettre des alliés de côté… Pour moi, il est l’épouvantail du Tour. Pour les autres… Quintana c’est l’année ou jamais. Il a essayé toutes les préparations possibles et inimaginables. Il a été discret toute la saison, pourquoi pas… Porte, c’est un peu comme Quintana. Et les autres (Mollema, Uran, Yates), c’est un cran en dessous ».
Parce que la pression médiatique sera sur les Bleus du foot
Notre idée : Démarrer le Tour sans être noyé dans l’enthousiasme médiatique et les espoirs, ça peut libérer d’un poids. Thibaut Pinot a souvent payé d’être le centre d’attention. Romain Bardet, lui, devrait être tranquille au moins jusqu’au début du Tour… Voire plus si les Bleus vont au bout de la Coupe du monde.
L’avis de Steve Chainel : « Ça ne change rien pour lui »
« Il est tellement pro dans sa com’… Les Français s’y sont mis, à l’instar des Anglais. Il est très bien guidé et est tellement intelligent qu’il contrôle tout. Romain est vraiment extérieur à la pression médiatique. Par exemple : sur Eurosport on ne peut pas avoir Romain sur le plateau des Rois de la Pédale pendant le Tour, alors que je le connais bien. Il a besoin d’être concentré les 21 jours. Coupe du monde ou pas, pour lui ça ne change rien. Pour Thibaut, effectivement, le discours aurait été contraire. »