TENNISDerrière la finale Nadal-Djoko, la baston pour le record de Grands Chelems

Roland-Garros : Derrière la finale Nadal-Djokovic, la bagarre pour le record de victoires en Grand Chelem

TENNISRafael Nadal peut égaler les 20 titres majeurs de Roger Federer en cas de victoire ce dimanche
Nicolas Camus

Nicolas Camus

L'essentiel

  • Rafael Nadal et Novak Djokovic se retrouvent en finale de Roland-Garros ce dimanche.
  • L’Espagnol peut égaler le record des 20 victoires en Grand Chelem de Roger Federer, et le Serbe revenir à seulement deux longueurs.
  • Cette course au record fait désormais partie intégrante du paysage, et pousse les trois joueurs à se surpasser constamment.

A Roland-Garros,

On ne sait pas où il se trouve exactement. Sûrement dans sa maison sur les bords du lac de Zurich, ou alors dans celle située sur les hauteurs du canton des Grisons. Mais on imagine que Roger Federer aura un œil attentif sur la finale de Roland-Garros, ce dimanche. Le Suisse, convalescent après une double opération du genou droit dans le premier trimestre de cette année, se soigne et se prépare pour revenir en 2021. En attendant, il va peut-être voir Rafael Nadal revenir à sa hauteur au Panthéon du tennis avec un 20e titre du Grand Chelem. Ou alors Novak Djokovic se rapprocher en empochant son 18e tournoi Majeur.

Cette course aux Grands Chelems fait désormais partie intégrante du paysage. Elle ajoute une tension supplémentaire à chaque début de quinzaine. Et alimente la motivation des trois monstres. « C’est génial de voir ça, pose Arnaud Di Pasquale. Ça les aide à rester au top, surtout à leur âge, Ils ont tous l’objectif de finir devant à la fin, c’est sûr. Ça restera un indicateur de leur rivalité. »

« Je veux devenir le plus grand joueur de tennis de l’histoire »

Ils semblent le vivre chacun à leur manière, en tout cas. Le plus intéressé est sans doute Novak Djokovic. Normal, c’est lui qui court après les deux autres. Question de personnalité, aussi. Le Serbe – contrairement à ses deux rivaux ? - ne cherche pas à cacher que détenir ce record un jour est ce qui le fait lever de son lit le matin.

« Je veux devenir le plus grand joueur de tennis de l’histoire. Mon ambition, mon désir et mon objectif sont de battre des records, comme celui qui a été le plus longtemps numéro 1 mondial, et aussi celui qui détient le plus grand nombre de tournois de Grand Chelem, disait-il au micro de Nova TV, en juin dernier, pendant le décrié Adria Tour. C’est l’Everest pour les joueurs de tennis en termes de réussite et d’accomplissement. Mais nous verrons si cela va se produire. »

Nadal qui fait marrer tout le monde devant Djoko, on l'avait pas vue venir celle-là.
Nadal qui fait marrer tout le monde devant Djoko, on l'avait pas vue venir celle-là.  - MATTHEW STOCKMAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

« Le dire, c’est aussi une manière pour lui d’exister, de se mettre en rivalité avec les deux autres, estime l’ancien DTN, consultant pour Eurosport sur ce Roland. Nadal et Federer en ont moins besoin. Ils ont une aura naturelle. » On touche là au petit complexe d’infériorité du Serbe vis-à-vis de ses rivaux. Il semble, malgré ses victoires, toujours courir après l’amour du grand public. D’où vient ce fossé que le Serbe ne parvient pas à combler ? Di Pasquale reprend :

« « On s’est habitués, au début, à des matchs stratosphériques entre Nadal et Federer, par exemple à Wimbledon [aaah, la finale 2008]. Ils font partie des marqueurs de l’histoire du tennis, on les a tous en tête. Ces deux-là ont amené le jeu dans une autre dimension, en plus avec des styles bien différents, faciles à lire pour le grand public. Djokovic, il est arrivé après, son jeu est plus fade, il a moins de couleur. Intrinsèquement, il est plus fort, plus complet, mais il faut être un bon connaisseur pour l’aimer. Donc difficile pour lui de faire sa place, et il ne vit pas bien que les deux autres soient plus appréciés, plus "stars" que lui. » »

Est-ce pour ça qu’il peut parfois se montrer à cran ? C’était la thèse de son ancien coach mental, Pepe Imaz, après son coup de sang lui ayant valu une disqualification à l’US Open. On en a déjà parlé dans un précédent papier. L’attitude de Djokovic sur le Central, ce dimanche, sera intéressante à observer. Même s’il se sait outsider face à un joueur qui évolue ici « dans sa maison », comme il l’a dit en français dans le texte après sa victoire contre Tsitsipas vendredi, il ne voudra certainement pas laisser passer l’occasion.

« Je ne m’inquiète pas de savoir si le gars à côté de moi a une plus grande maison »

En face, Rafael Nadal semble être le plus serein des trois par rapport à la situation. Pendant le confinement, il s’était confié lors d’un entretien vidéo à La Voz De Galicia. Voilà comment il résumait son état d’esprit (à partir de 12’10 sur la vidéo) :

« J’aimerais que ce soit moi [qui termine la course en tête], bien sûr. Mais cela ne m’obsède pas, ce n’est pas un problème pour moi. Je fais ma carrière et je ne m’inquiète pas de savoir si le gars à côté de moi a une plus grande maison, ou une plus belle voiture. Il faut être satisfait de ce que l’on fait, et je le suis, après tout ce que j’ai fait tout au long de ma carrière. Quand j’aurai fini, si Federer ou Djokovic ont plus de Grands Chelems que moi, je ne crois pas que dans dix ans je serai moins heureux. »



L’Espagnol prend ça avec philosophie. N’empêche, il aura sûrement ces éléments dans un coin de sa tête en entrant sur le Philippe-Chatrier. La possibilité d’égaler Federer, sur terre battue, et un autre Roland qui arrive (normalement) dans à peine huit mois… C’est un bout d’histoire qui va se jouer.

Federer fataliste ?

Et Rodgeur, dans tout ça ? A 39 ans, le Suisse sait bien que le temps ne joue pas pour lui. Lors d’une interview accordée à Associated Press tout début janvier, il reconnaissait avoir de fortes chances de se faire dépasser. « Ça va dans cette direction, manifestement. Leur saison 2019 montre qu’ils ont encore des victoires devant eux », disait-il.

Lui-même sait bien que les records sont faits pour être battus. Il n’avait pas caché son émotion, et un peu sa gêne aussi, quand il avait effacé les 14 titres de Pete Sampras en 2009. « À la fin, si quelqu’un te dépasse, je pense que c’est OK parce que c’est la nature du sport, ajoutait-il dans cette même interview. Tout est une question de statistiques et de records. Mais j’ai eu mon moment et j’ai toujours dit qu’après la 15e, les autres étaient des bonus. »

« Federer sera dépassé, et par les deux »

Sa Majesté ne compte pas non plus rendre la tâche facile à ses rivaux. Gagner un nouveau titre majeur à 39 ou 40 ans serait un exploit, mais c’est justement ce pour quoi il bosse d’arrache-pied en ce moment. « Je crois encore en moi », assénait-il après sa demi-finale à l’Open d’Australie.

Alors, qui sera devant au final ? « Je pense que Federer sera dépassé. Et par les deux », se mouille Di Pasquale. Mais encore ? Après quelques minutes de discussion, on sent bien que l’ancien DTN a un favori. « Djokovic, sur ce qu’il montre, il peut encore être à son top trois ans. Ça fait douze Grands Chelems, et sur les dix dernières années, c’est lui qui explose les compteurs. Et il est encore en train de progresser ! Ce qu’il a fait en Australie, et globalement cette saison, c’est monstrueux. »

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« Ce sera excitant de voir combien de temps ils vont continuer à jouer et combien de titres ils vont gagner. Ils pourraient connaître des années incroyables, complète Roger Federer à propos de ses acolytes. C’est ce que je suppose. C’est une époque en or pour le tennis en ce moment, je n’ai aucun doute là-dessus. »

C’est une évidence. On peut d’ailleurs se demander où en seraient les compteurs si ces trois-là n’étaient pas tombés les uns sur les autres. Est-ce que l’émulation les a aidés ? Est-ce que, s’il n’y avait eu qu’un joueur dominant, il serait déjà à 26 Grands Chelems ou est-ce qu’il aurait arrêté il y a longtemps faute de motivation ? En tout cas, on souhaite bon courage à ceux qui essaieront de monter au sommet de la montagne dans le futur.


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En attendant de savoir qui remportera la bataille, Di Pasquale soulève quand même un dernier point. Et pas le moins important. « Ça ne dira pas forcément qui est le plus grand des trois, observe le consultant. Michael Jordan n’est peut-être pas le meilleur joueur de basket de l’histoire, on peut en débattre, mais en tout cas, il a élevé son sport à un autre niveau. Roger Federer aura fait ça, quoi qu’il arrive. Sa place ne sera pas remise en cause si ce n’est pas lui qui en a le plus à la fin. »