L'essentiel
- Historiquement, Benoît Paire n'a jamais entretenu de super relations avec le public de Paris-Bercy.
- En 2013, son match contre Herbert avait même tourné au grand n'importe quoi entre le joueur et les fans parisiens.
- Mais cette année, tout semble bel et bien oublié. Depuis sa victoire contre Dzumhur, lundi au premier tour, Benoît Paire a fait la paix avec Bercy.
De notre envoyé spécial à Paris-Bercy,
C’est typiquement le genre de scénario qui devrait plaire à Guillaume Canet : deux personnages que tout oppose – sur le papier – et qui, des années plus tard, se retrouvent sur une terrasse du bord de mer (à Cabourg ou à La Baule de préférence) autour d’une bouteille de vin blanc et se rendent compte qu’ils ne sont pas si différents l’un de l’autre. Vive le happy end et par ici le box-office à peu de frais. C’est ce qu’on a vécu lundi lors du premier tour du Masters 1000 de Paris-Bercy avec, dans les rôles principaux, Benoît Paire et le public du POPB, à l’occasion de la victoire du Français contre Damir Dzumhur qui lui offre l’occasion de défier Gaël Monfils ce mercredi.
Car entre Paire et Bercy, l’histoire a souvent tourné au mieux à l'incompréhension, au pire à la détestation. Un « Paris je t’aime moi non plus » à la sauce tennis, en quelque sorte. « Pour moi, Bercy restera toujours un tournoi particulier. Mais je l’ai quitté à chaque fois dans des conditions difficiles. A un moment donné je me fais huer, un autre, ce sont les blessures », regrettait l’Avignonnais après sa victoire contre Dzumhur.
2013, à deux doigts de la générale
Le plus gros fight remonte à 2013. Cette année-là, Benoît Paire se présente face à Pierre-Hugues Herbert avec des douleurs de partout. Le Français traîne sa peine et montre ostensiblement qu'il préférerait encore être interrogé par un contrôleur fiscal dans la rue d'en face que sur le court de Bercy à jouer au tennis. Grave erreur. Le public se vexe, s'agaçe puis s'énerve, et l'affaire se termine sous une volées de huées version Colisée romain. Les pouces baissés et la mise à mort en moins.
aDéjà réputé pour dire les choses franco, ce soir-là Paire vide son sac : « Il n’y a pas grand monde qui comprend le tennis dans ce stade. Ils sifflent tout. Ce sont des abrutis ! Je suis top 26e mondial, j’aimerais bien voir combien ils sont classés. Mais à Paris, j’ai l’habitude. C’est tous les ans comme ça, ça ne me touche même plus. »
Faut dire que le public de Bercy est réputé pour être assez rock’n roll. « Dissipé », sourit Henri Leconte. Loin des CSP ++ et leurs chapeaux de paille immaculés qui hantent les travées de Roland-Garros à chaque début d'été. Un régal quand les fans sont derrières vous, un enfer quand il vous ont dans le nez. Henri Leconte est bien placé pour le savoir, lui qui a vécu « le pire moment de [sa] carrière » ici-même. C’était en 1988 face à John McEnroe. « Les jeux du cirque, comme il le racontait dans L’Equipe récemment. Dans les loges, j’entendais tous les noms d’oiseaux. Ce jour-là, je crois qu’il n’y a que l’arbitre et les ramasseurs de balle qui ne m’ont pas insulté. »
Bercy, c’est pas Roland, c’est pas Wimbledon
Le héros de la Coupe Davis 91 s'arrête un instant sur l’atmosphère électrique qui règne dans cette salle : « Bercy, c’est et ça restera d’abord une salle de concert plus que de sport. Et je trouve que d’une certaine manière, ça se ressent un peu. Ce n’est pas le même public qu’à Roland-Garros, il est moins habitué à voir du tennis donc forcément il est plus excité, plus démonstratif, mais plus ouvert aussi. Et puis la salle est fermée, ça résonne énormément, du coup si t’arrives là-dedans et que ça se passe mal avec le public, t’es pas bien hein (Rires) ! Mais ce sont des expériences qui font grandir… Quand on arrive à s’en relever. Benoît, lui, est en train de le faire ».
Le déclic ? Son joli parcours l’été dernier à Roland-Garros avec une élimination en huitièmes de finale contre Nishikori au terme d’un combat de quatre heures. Ainsi, en entrant lundi dans l’arène qui l’a tant détesté, Paire déboule « sans appréhension ». Il détaille : « Depuis Roland Garros, avec le public, cela a vraiment changé. Je sens que les gens viennent me voir, m’attendent et sont là pour me supporter et m’encourager, pour me montrer leur soutien. C’est ça qui me fait du bien. »
C’est d’ailleurs le joueur qui a fait le premier pas. « A Roland-Garros, j’ai vécu les plus belles émotions de ma vie et j’avais besoin d’enchaîner ici, avec le public. Je l’avais d’ailleurs demandé sur les réseaux sociaux, a-t-il confié après sa victoire. J’ai demandé au public d’essayer de venir me soutenir parce que je n’étais pas forcément dans une bonne période. »
« Ils ont compris que j’avais changé »
Pour Henri Leconte, les raisons de cette réconciliation sont doubles. D’une part, « il n’y a pas de secrets, les résultats changent complètement la manière qu’a le public de te percevoir. Or Benoît sort de la meilleure saison de sa carrière. A mon époque, on parlait beaucoup du côté teigne de McEnroe, mais il gagnait. Le public peut tolérer tes écarts, mais uniquement si tu gagnes. » Et puis, poursuit-il, « je trouve aussi que Benoît a pas mal évolué dans son comportement sur le court, dans sa manière d’être, même s’il est parfois encore un peu à la limite. Forcément le public l’a senti et l’a suivi. »
Le numéro 3 français a effectivement fini par comprendre les codes maison. « Ici on n’a pas le droit à l’erreur, résume-t-il. A partir du moment où on le sait, il faut faire attention. Mais quand on a besoin d’eux, je l’ai vu ce soir [lundi], ils sont là. Il faut juste prendre conscience que l’on n’a pas le droit de s’énerver. C’est un de mes problèmes. Dans le passé, cela a été compliqué mais ils ont compris que je faisais beaucoup d’efforts et que j’avais changé. Ils en prennent conscience et me soutiennent à fond du coup. »
Avec le temps, Henri Leconte a fini par donner raison à ce drôle de public, à la fois touchant et impitoyable. « Il n’y a pas de honte à l’admettre, sourit-il. Quand tu craches en l’air, il y a des chances que ça te retombe sur la gueule ! Pourquoi ils m’ont hué ? Parce que c’était à un moment où je me sentais intouchable, j’étais volontiers dans la provoc. » Alors, avant de quitter la salle de conférence de presse, Benoît Paire a pris exemple sur son aîné et admis qu'« en 2013, le public a été particulier c’est vrai, mais je méritais de me faire siffler. » Paire et Bercy, BFF pour la vie, comme à la fin d'une comédie française du samedi.