Coupe Davis: Blessé toute la saison et en manque de rythme, Tsonga peut-il créer l'exploit contre Cilic en finale?
TENNIS•Jo-Wilfried Tsonga a été choisi par Noah pour affronter Marin Cilic en finale de Coupe Davis vendredi…Aymeric Le Gall
L'essentiel
- La France affontre la Croatie à Lille en finale de Coupe Davis ce week-end.
- Blessé presque toute la saison et opéré du genou, Jo-Wilfried Tsonga a bossé dur pour être sur pied à l'occasion de cette finale.
- Malgré ses déboires physiques, tous les signaux sont au vert pour Jo-Wil' avant d'affronter Marin Cilic vendredi.
Placer la majorité de nos espoirs de victoire en Coupe Davis sur un homme classé 259e mondial et qui a disputé à peu près autant de matchs que Yannick Noah cette saison, c’est la vie que les supporters de l’équipe de France de tennis ont choisie. Après une saison quasi blanche due à des blessures à répétition et une opération du genou, Jo-Wilfried Tsonga a été nommé par le capitaine des Bleus pour affronter Marin Cilic, vendredi, au stade Pierre-Mauroy de Lille.
Et en même temps, au moment où les parieurs préféreraient presque miser leur bas de laine sur une victoire monégasque que sur celle de nos tennismen, c’est bien le style des tricolores (et de Jo) de nous claquer un week-end de feu afin de garder le saladier d’argent bien au chaud à la maison.
Tous les signaux sont au vert
Mais la capacité de nos joueurs à se transcender en Coupe Davis peut-elle, dans le cas de Tsonga, défier toutes les lois de la raison ? Possible. Car la bête blessée ne l’est plus. Ou plus vraiment. Jo nous a fait une petite frayeur en quittant prématurément l’entraînement mardi, mais rien de bien grave puisque Noah l’a jugé bon pour le service. Ce qui a fait la différence dans l’esprit du capitaine, en plus d’un physique en état de marche, ça va de soi, c’est la grosse motivation de l’ex-grand blessé. Déjà à Bercy, alors qu’il venait de se faire sortir dès le premier tour – sous les honneurs – par Milos Raonic, Tsonga avait annoncé la couleur : pour le drapeau, pour la dernière vraie coupe Davis de l’histoire, il fera tout pour être sélectionné. Des mots forts qu’il a répétés à l’occasion de son point presse réalisé à Villeneuve d’Ascq. En trois actes.
>> Pragmatique, d’abord : « Je me sens vraiment bien. On a fait une bonne préparation, on a fait tout ce qu’il fallait pour être là aujourd’hui. Si Yann m’a appelé, c’est que je suis prêt. Mon seul objectif pendant la préparation c’était d’être bien vendredi. C’est un réel honneur que de faire partie de cette équipe, je suis très heureux que Yannick m’ait fait confiance. Ça a été un long chemin pour revenir sur les courts. Je me sens bien, je suis content d’être là et j’ai le sentiment d’avoir ma place. »
>> Nostalgique, ensuite : « Je sais que je suis en train d’écrire les derniers chapitres de ma carrière. La finale est en France, on a vraiment envie de profiter, on a envie de vivre quelque chose d’unique avec le public. »
>> Revanchard, enfin : « Il y a une chose qui est sûre c’est que tous ces événements ont fait monter en moi une envie encore supérieure. Quand on passe une année comme ça, on se sent sur la touche, comme délaissé. Le classement, c’est une chose. Quand on parle du numéro 1 ou du numéro 2 français, on ne parle plus de toi (rires). Tu te dis "je suis blessé, c’est tout". T’as envie de revenir sur le terrain pour défendre tes chances. Tout ça compte dans ma motivation, dans l’envie de revenir et de prouver que je suis encore là. »
« Avec si peu de temps de jeu, c’est fort »
De son côté, Yannick Noah n’a pas douté un seul instant que son poulain était prêt pour le combat face à Cilic, n°7 mondial. Pourquoi ? Parce que Jo le veut, c’est aussi simple que ça. Conscient de ce que représente la Coupe Davis pour la France, le joueur ne prendrait pas le risque de se jeter dans l’arène s’il avait le moindre doute. « Quand arrive le moment de faire une sélection, une pré-selection, je me demande d’abord qui veut gagner, a expliqué Noah en conférence de presse cette semaine. Et en fonction de ça, je prends l’équipe. Jo peut le faire. Il n’a pas beaucoup joué, quasiment pas du tout mais j’ai déjà vécu ça. Je connais ses qualités morales. Jo est un champion dans la tête. Ce n’est pas un petit joueur que je vais essayer de faire grandir. Il connaît, il sait de quoi on parle. »
Avant le grand retour de Jo en bleu, on a voulu prendre le pouls en passant un petit coup de fil à son coach. « C’est vrai que je suis impressionné par ce qu’il est capable de proposer depuis son retour à la compétition en septembre. Avec si peu de temps de jeu, c’est fort, prévient Thierry Ascione. Il sort de deux belles semaines de prépa sur terre battue et je trouve que c’est allé très, très vite en termes de sensation. Comme la terre battue, encore plus en indoor, est peut-être la surface sur laquelle il est le meilleur, je le sens bien. Il a vraiment hâte d’y être. » Quid de cette petite alerte à l’entraînement ? « Pour son épaule, c’était du buzz, rien de plus, balaie Ascione. C’est un faux évènement, ce sont des choses normales qui arrivent quand on s’est beaucoup entraîné. Mais la réalité, c’est qu’il est fin prêt pour affronter Cilic. »
Joue-la comme Riton
Visiblement, Thierry Ascione n’est pas le seul à avoir été bluffé par son joueur. Quand on a demandé en conf' à Yannick Noah si la titularisation de Tsonga n’avait pas un petit côté saut dans l’inconnu, le capitaine a été catégorique : « Franchement, pas du tout. Je le vois jouer tous les jours depuis dix jours. Oui il y a des joueurs qui ont fait de très bons matchs en janvier ou février… Mais là on est dans le présent, dans l’action, on essaie d’être concentré sur le présent. Jo m’a vraiment surpris. » Sur le papier, tous les signaux sont au vert, donc. Ajoutons à cela que Tsonga entretient une relation particulière avec la Coupe Davis, qui l’a historiquement cabossé. « La Coupe Davis et Jo, c’est une histoire compliquée. Elle lui a toujours coûté cher sur le plan physique. En 2013, quand il se blesse, c’est après une rencontre en Coupe Davis. En 2014, c’est carrément pendant un match de Coupe Davis. Là, en février dernier, rebelote. »
Et quitte à faire appel à l’histoire, souvenons-nous d’Henri Leconte lors de la finale remportée par la France en 1991 face aux Etats-Unis. Arrivé à court de compétition à cause d’un dos en vrac toute la saison, Riton, alors 159e mondial, s’était fait opérer en août avant de revenir de justesse pour la finale et de taper le maître Sampras en simple et de remporter le double avec Forget. « C’est fort ce qu’il avait fait. Très fort ! », lâchait Tsonga, admiratif, lors du tournoi de Bercy. A l’époque, les mots du capitaine des Bleus, un certain Yannick Noah, avaient transcendé Leconte. C'est qui déjà sur le banc des Bleus cette année ?