US Open: «Le plus grand compétiteur de tous les temps», Nadal ou l’art de souffrir comme personne
TENNIS•L’Espagnol a déjà passé plus de 12 heures sur les courts à New-York…J.L.
Polemica de la quinzaine à Flushing-Meadows. Il fait une chaleur de bédouin sur le court Central de l’US Open depuis qu’on y a installé un toit rétractable pour donner du tennis au peuple jusqu’aux jours de typhon. Pas un pet d’air et un taux d’humidité caribéen. Federer y a perdu ses moyens l’autre jour contre Millman, et Djoko sue comme un goret dès qu’il y met les pieds avant de nous rejouer à l’infini le sketch du gars au bord du malaise cardiaque.
Entre les deux, Rafael Nadal. 12h31 à envoyer des parpaings depuis son premier tour, comme aux plus beaux jours. L’Espagnol vient de sortir d’un triptyque éreintant Khachanov-Basilashvili-Thiem qui lui a pris plus de temps que son dernier Roland en entier, où le numéro 1 mondial s’était senti obligé d’aller s’entraîner après avoir fessé on ne sait plus qui pour avoir sa dose de la journée. Lisez John Rambo dans une interview accordée au Parisien à la même période.
« J’aime ces matchs où tu es si fatigué que tu ne peux plus rien donner et, pourtant, tu continues : encore une balle, encore un jeu, encore un point. J’aime encore la sensation d’être mort de fatigue, mais je ne veux pas lâcher : je dois tenir, rester concentré. Je ne vais pas rater le point, l’autre va devoir me battre car je ne lui donnerai pas le match. J’aime cette souffrance, oui, car c’est une immense satisfaction personnelle de savoir que, vainqueur ou perdant, tu as été jusqu’à tes limites » »
Sa débauche physique n’en devient que plus fascinante avec l’âge (32 ans) et les ennuis physiques qui ont encombré sa deuxième partie de carrière. Le genou grince contre Khachanov ? Rafa enlève son bandage et retourne au combat, la raquette entre les dents. Nike lui imagine un gilet de glace personnalisé pour se rafraîchir pendant les changements de côté ? Rafa le pose gentiment sur la chaise. Pas besoin d’artifices pour les braves. L’hommage de Gunter Bresnik, coach de Dominik Thiem, qui n’a pas la réputation d’élever ses joueurs avec des papouilles :
« J’ai regardé beaucoup de sport dans ma vie, et je ne crois pas avoir vu un plus grand compétiteur que Nadal tous sports confondus. Il est capable de jouer avec une énorme intensité pendant un temps incroyable » »
A-t-on vu une seule fois l’Espagnol exploser physiquement, si l’on met de côté ces rares fois où une blessure trop importante l’a obligé à s’arrêter net sur le court, ce qui donne une idée de la souffrance que Nadal doit endurer quand il se résigne à abandonner ? Il a pourtant failli craquer une fois. C’est son oncle et ancien entraîneur Toni Nadal qui a raconté l’épisode à la presse ibérique à une ou deux reprises. Nous sommes en 2009, avant la finale de l’Open d’Australie contre Federer. Rafa a sué cinq heures la veille pour sortir Verdasco la veille lors d’une demi-finale homérique.
Une fois au point de rupture après Verdasco en 2009
« Quand on est allés s’échauffer, il était incroyablement fatigué. Il a eu un malaise dès les premières balles, il avait mal partout, l’épaule le gênait. Tout était un problème, alors à un moment je lui ai dit : "Arrête ça, parce que ce n’est pas une manière de préparer une finale de Grand Chelem". Il m’a répondu ce qu’il répond d’habitude quand je le houspille, quelque chose du genre "pour toi c’est facile de dire ça". Je me souviens avoir répondu : «Il reste 2h30 avant le match, tu ne te sentiras pas mieux d’ici là. A toi de voir si tu veux affronter tes problèmes ou pas ».
Le soir, Nadal aura remporté son sixième Grand Chelem après avoir essoré Rodgeur en un peu plus de quatre heures. Presque dix ans plus tard, rien n’a changé. Nadal est sans doute cuit bouilli, mais il y passera la nuit s’il le faut pour franchir l’obstacle Del Potro, le seul joueur du circuit qui peut prétendre avoir souffert d’avantage que l’Espagnol, sur et en dehors des courts.
Pas de folles pensées pour finir : Rafa sera évidemment d’attaque pour coller deux roustes à nos Bleus le week-end d’après à Lille. En 2011, il avait gagné l’US Open le lundi contre Djoko. Le mercredi, il était en Espagne. Le jeudi, il reprenait ses marques sur terre. Le vendredi, il pliait Richard en deux petites heures, avant de remettre ça le dimanche contre Tsonga. Sans souffrir une seconde, pour le coup.