Roland-Garros: Mais qui est ce Marco Cecchinato qui s'invite en quart de finale contre Djokovic?
TENNIS•On a essayé de chercher des infos sur la surprise (et l'inconnu) de ce Roland-Garros 2018... Le pire c'est qu'on en a trouvées...Aymeric Le Gall
De notre envoyé spécial à Roland-Garros,
Le plus dur quand vous écrivez un article sur un sombre inconnu comme l’Italien Marco Cecchinato (prononcer "Tchékinato"), c’est que justement c’est un sombre inconnu. Tout juste sait-on qu’il est 72e mondial et qu’il est qualifié surprise pour les quarts de finale de Roland-Garros contre Djokovic après sa victoire contre Goffin au tour précédent. Du coup, pour trouver des personnes prêtes à nous dérouler sa vie, son œuvre, il faut se lever tôt. Ou, plutôt, tomber par hasard au restaurant de Roland-Garros sur un journaliste italien qui parle français et connaît un peu le joueur.
C’est le cas d’Ubaldo Scanagatta, journaliste sportif et créateur du site de tennis ubitennis.com. Le monsieur affiche 43 Roland-Garros au compteur. Respect. Très pressé car il doit se rendre sur le Central pour suivre le match du n°1 italien Fabio Fognini, c’est en dégustant son steak tartare à la va vite que le signore a accepté de nous en dire un peu plus sur cet inconnu désormais en pleine lumière.
>> Pas prophète en son pays : « Il n’était pas trop connu en Italie avant Roland-Garros non plus. Avant de venir à Paris, il était 109e mondial et n’avait jamais gagné le moindre match en Grand Chelem. Les journalistes italiens non plus ne le connaissaient pas plus que ça. On est tous surpris de le voir en quart de finale à Roland. Après sa belle victoire en cinq sets contre Copil (94e), personne ne s’attendait à ce qu’il aille beaucoup plus loin et encore moins qu’il batte deux anciens tops 10 (Carreno Busta et Goffin). »
>> Un gamin déter', des parents pépères : « Son histoire est un peu différente de celles des autres joueurs italiens parce qu’il est Sicilien et très jeune, à 16 ans, il a décidé de partir pour le Tyrol du Sud [Nord-Est de l’Italie] pour s’entraîner avec Andrea Seppi et son coach Massimo Sartori. Et quand on vient de Sicile et qu’on a son âge, il faut du caractère et être très déterminé pour décider d’aller dans ce qu’on pourrait qualifier un pays étranger (car tout le monde parle Allemand). Il faut aussi avoir des parents qui peuvent se permettre de financer cette aventure. C’était son cas puisque son père est directeur d’une institution de santé publique nationale à Palerme, il a donc une bonne situation. »
>> Du caractère, de la confiance : « Dimanche, quand je lui ai demandé s’il pensait avoir un peu le même revers que Wawrinka ou Kuerten, il a dit "je ressemble à Cecchinato". J’espère qu’il n’est pas déjà en train de prendre la grosse tête mais ce qui est sûr c’est qu’il a confiance en ses forces. A Paris, il a compris qu’il pouvait battre des tops joueurs et en plus il est ambitieux, voire même un peu présomptueux. Mais dans le sport, c’est une qualité qui peut lui servir. »
>> Une vraie progression : « Avant il était surtout fort au service et en coup droit, mais maintenant il a aussi un bon revers. C’était surtout un joueur de défense mais il progresse et il est capable aujourd’hui d’attaquer. Il est habile parce qu’il peut faire des amorties aussi bien en coups droits qu’en revers. »
>> Une belle année 2018 : « Dans sa carrière il a gagné cinq Futurs et quatre Challengers. Cette année il a bien commencé en se qualifiant pour Monte-Carlo où il a battu Dzumhur, numéro 29 mondial. A Rome aussi il a passé un premier tour. Ensuite il a remporté le tournoi de Budapest où il a battu des joueurs moyens, pas du calibre de ceux présents à Roland-Garros, mais tout de même. »
>> Souviens-toi Guga 1er : « Je disais tout à l’heure que son revers me faisait penser à celui de Guga Kuerten. Et quand Kuerten remporte son premier Roland-Garros en 1997, il était 64e mondial (Marco est 72e), il avait gagné plusieurs matchs en cinq sets contre des favoris (comme Marco) et chaque fois on disait "bon, c’est le numéro 64 mondial, il n’a jamais gagné de tournoi de sa vie, il n’ira pas au bout". Cecchinato, lui, a déjà remporté un tournoi (rires). »
>> Quelle chance contre Djoko ? : « Les espoirs sont minimes. Après, on ne parle pas aujourd’hui du Djokovic de 2011 ou de 2015. Ce n’est pas le même Djoko qu’avant, même si on sent qu’il revient bien. Mais, contrairement à un autre joueur inexpérimenté à ce stade de la compétition face à un adversaire comme Djokovic, il a déjà joué contre lui puisqu’ils se sont déjà entraînés ensemble. Il n’a rien à perdre. »
>> Une suspension pour match truqué : Là, avant de laisser la parole à notre confrère italien, il fait contextualiser. En 2016, Marco Cecchinato a été suspendu 18 mois par l’ITF et condamné à une amende de 40.000 euros pour avoir truqué un match de Challenger à Mohammedia, au Maroc. Depuis, en raison d’un vice de forme, il a été relaxé. Relaxé, pas disculpé. Ubaldo Scanagatta nous en dit un peu plus.
« « C’est une histoire qu’il préfère oublier ou qu’on lui a conseillé de ne pas aborder. En tout cas il n’a pas voulu en parler à Roland-Garros. Au Maroc, Cecchinato a envoyé un SMS à un ami qui pariait souvent sur les matchs, pour lui dire quelque chose comme "je ne me sens pas bien, je ne pense pas que je puisse gagner demain. C’est mieux que tu ne paries pas sur moi". En plus d’être interdit, c’est bête, c’est stupide d’avoir fait ça. On peut voir ça comme une erreur de jeunesse, il avait 22 ans. » »
Contre Djokovic, mardi, Marco Cecchinato sera le premier italien à atteindre le stade des quarts depuis Fabio Fognini en 2011. Et si l’affaire ne s’annonce pas simple, il n’a strictement rien à perdre vu le parcours déjà impressionnant qu’il a réalisé Porte d’Auteuil. Et c’est peut-être ça qui le rend plus dangereux encore.