Wimbledon: Tenues colgate blancheur, fesses en acier et restos italiens, petit manuel de survie sur gazon
TENNIS•Chic, on va chasser des renards sur les belles pelouses du vénérable « All England Lawn Tennis and Croquet Club »…J.L.
L'essentiel
- Le tournoi londonien a des règles sans équivalent dans le monde
- Les surprises sont beaucoup plus nombreuses qu'à Roland-Garros
- Le jeu sur herbe demande de la patience
Les souvenirs de Roland-Garros sont encore tout frais qu’il faut déjà chasser la terre battue de notre imagination pour faire un peu de place au gazon londonien, dernière éclaircie tennistique avant un long tunnel estival qui nous mènera péniblement jusqu’à l’US Open et ses matchs à trois plombes du mat’ sans intérêt. Les vrais amateurs de tennis ne nous contrediront pas : toute franchouillardise mise à part, le Grand Chelem britannique est de loin le plus excitant de l’année, avec ses codes, ses règles absurdes, ses surprises, son public, et même ses Français qui vont loin. Kenny De Schepper, ancien 8e de finaliste éliminé cette année en qualifs, joue le rôle du guide éclairé pour nous.
Règle number one >> On fait bien gaffe à emporter ses tenues blanches dans le sac de voyage
Hormis un relâchement coupable dans les années 90 qui aurait fait se pâmer de plaisir la communauté Desigual, Wimbledon continue de s’arc-bouter sur certaines traditions victoriennes, tel le fameux White clothing and equipment rule qui s’assure de la blancheur immaculée des tenues des joueurs, toujours plus strict.
a« L’avis de KDS : « L’équipementier est censé avoir pris le temps de connaître le règlement de l’organisation, puis de fournir les tenues en temps et en heure aux joueurs, avec juste le logo visible en couleur. En général, j’emmène avec moi cinq shorts et cinq tee-shirts pour être tranquille, et je les enfile juste avant d’entrer sur le court, comme ça, il ne peut rien leur arriver, même pas une tâche (rires) ». »
Règle number two >> On fait un peu de pilate pour se muscler les fesses en amont
Suivant un principe simple, à savoir un rebond plus bas que sur les autres surfaces et la nécessité de plier les jambes un maximum pour ramener des balles fusantes, on avait toujours pensé que sur gazon, les genoux morflaient avant tout. C’est en tout cas ce qu’avance souvent le clan Nadalpour expliquer les galères de l’Espagnol à Wimbledon depuis quelques saisons. Il s’avère que c’est un peu plus compliqué que ça.
« L’avis de KDS : « Les genoux sont très sollicités, c’est vrai, mais ça dépend des sensibilités des joueurs, moi j’ai pas plus mal aux genoux sur le gazon qu’ailleurs. Non, la partie du corps qui fait mal, c’est les fesses. Sur herbe, on se retient sans cesse pour ne pas perdre les appuis, il faut faire des petits pas pour se dégager, c’est très fatigant pour le bassin et jusqu’au bas du dos. Après un match bien dur, je ne vous raconte pas les contractures aux fesses ! » »
Règle number three >> On garde sa frustration à l’intérieur
Si, sur tous les autres tournois majeurs du circuit, on a le droit de se lâcher de temps en temps tant qu’on n’insulte pas nommément l’arbitre ou la copine de son adversaire à portée des micros du diffuseur, Wimbledon est un cas à part, où le moindre écart de comportement est vertement réprimandé par une foule très respectueuse du jeu et des joueurs.
« L’avis de KDS : « A Londres, ce sont les connaisseurs qui viennent voir les matchs, surtout sur les courts annexes, et l’ambiance est très zen. Ça invite à la retenue. Mais le truc à ne surtout pas faire, c’est balancer sa raquette par terre par frustration. Ils détestent ça parce que ça détruit le gazon que les organisateurs passent un an à bichonner pour la quinzaine. Là, c’est avertissement direct et des spectateurs qui vous en veulent. Il faut savoir qu’à Wimb, on n’a pas le droit de s’entraîner sur les courts du tournoi pour préserver la pelouse, c’est dire comme ils y tiennent ». »
Règle number four >> On apprend la patience
A quoi peut ressembler l’enfer pour un joueur de tennis dans les quinze prochains jours ? Par exemple, se coltiner un Karlovic ou un John Isner (= tu touches pas la balle au retour, tu prends 15 aces par set et tu perds en trois tie-breaks sans t’en rendre compte) un jour de mauvais temps (= tu joues une heure, tu t’arrêtes, tu attends, tu rejoues une demi-heure, puis finalement on te dit de revenir le lendemain, pour perdre le 3e tie-break, justement). En résumé, un scénario à faire douter Zarathoustra du triomphe de la justice sur terre.
« L’avis de KDS : « C’est l’Angleterre, on sait qu’il va pleuvoir presque tous les jours. Le pire souvenir que j’ai en la matière à Wimbledon, c’est un match contre Bolelli. On avait commencé le mercredi et on avait fini le vendredi soir en cinq sets. Le premier jour, ils nous avaient fait rentrer le temps de jouer cinq jeux. Le second, je crois qu’on a attendu toute la journée dans les vestiaires. Toutes les heures, on entendait « Les matchs ne reprendront pas avant 14h. Puis 15h, puis 16h, puis 17h, au bout d’un moment on finit par comprendre et on va s’entraîner sur dur en salle. C’est sûr qu’il faut être patient ». »
Règle number five >> On respecte tous ses adversaires (même ceux qu’on ne connaît pas)
Wimbledon tient aussi son intérêt particulier à l’incertitude des tout premiers jours, quand des joueurs de seconde zone profitent d’un gazon impeccable avant détérioration pour surprendre les meilleurs. Au-delà des exploits improbables ailleurs qu’à Londres (Nadal sorti par Rosol ou Brown, Federer éliminé par Stakhovsky ou mené deux manches à rien par Benneteau et Falla), le tournoi accouche chaque année d’une surprise un peu folle. En 2016, c’était la qualification pour le 2e tour de Marcus Willis, prof de tennis et 772e mondial dans le civil.
« L’avis de KDS : « L’herbe demande une certaine capacité d’adaptation, même si on peut jouer trois semaines d’affilée sur gazon comme moi cette année et paumer au premier tour des qualifs (rires). C’est pour ça que les premiers jours sont riches en surprises. C’est encore pire en qualifs où vous voyez débarquer des joueurs que vous n’avez jamais vu nulle part et qui font services-volées tout le long. Il y a deux ans, je me retrouve contre un certain Saketh Myneni, un Indien dans les 400e mondial. Impossible de le breaker, je dois m’en sortir 9-7 dans la manche décisive ». »
REGLE BONUS
>> On repère un bon restau autour du stade et on s’y tient
Pas besoin de vous écrire une thèsesur la qualité de la bouffe anglaise, tout le monde sait à quoi s’en tenir. Une préoccupation qui touche aussi les joueurs du tournoi londonien. « J’ai mes petites habitudes alimentaires et c’est sûr qu’à Wimbledon c’est un petit peu plus compliqué, rigole De Schepper. J’ai le souvenir de petits-déjeuners vraiment pas terribles dans certains hôtels. Le bon plan, c’est de trouver un restau italien dans le quartier et d’en faire son repère, ça limite les risques ». On y pensera quand 20 minutes nous paiera le voyage (Pour la pétition, c’est par ici >>>).