Roland-Garros: Bon, ça a donné quoi cette première semaine du tandem Djokovic-Agassi?
TENNIS•Le Serbe a pour la première travaillé avec l’ancien n°1 mondial, une collaboration qui est amenée à durer dans le temps…Julien Laloye
De notre envoyé spécial,
André Agassi a quitté Paris et on va enfin pouvoir parler d’autre chose. Aucune malice de notre part, c’est juste qu’il faut imaginer à quel point Dédé a monopolisé les conversations cette semaine dans les allées de Roland-Garros. Chaque joueur qui compte a eu droit à sa question sur le chauve le plus célèbre de l’endroit. Le plus drôle, comme presque toujours, a été Murray, à propos d’un dîner à Vegas quelques années auparavant. Les deux se retrouvent devant une porte immense, cintrée d’une poignée de haut en bas. Et là, l’Américain se met à genou pour l’ouvrir en saisissant la poignée tout en bas. Rire étonné de Murray : « Mais tu fais quoi ? » La réponse : « ici, personne ne s’est risqué à la toucher ». « Il doit avoir la phobie des microbes ou quelque chose comme ça, c’était assez étrange ».
Djokovic, lui, a carrément été harcelé. Et qu’est-ce qu’il t’apporte, et comment ça s’est passé la première fois, et raconte-nous par le menu vos discussions… Le bombardement a même inspiré une plaisanterie au Serbe : « Ce que je vous propose, c’est que la prochaine fois ce soit André qui vienne à ma place en conférence de presse pour vous répondre, ça vous va ? ». On aurait bien aimé. Impossible d’arracher une syllabe à l’ancien vainqueur de toute la semaine. On s’est quand même cogné deux entraînements du « Nole » avec son nouveau chaperon pour se faire une idée. Nos observations ?
- Agassi marche toujours comme un robot désincarné
- Agassi a toujours des mollets de moineau
- Agassi porte toujours des bermudas de surfeurs pas raisonnables pour son âge
- Agassi aurait aussi pu faire un très bon ramasseur de balle
- Agassi est peut-être devenu muet
Si on l’a vu échanger trois mots avec Djoko sur deux séances de 45 minutes, c’est bien le bout du monde. « J’ai besoin d’apprendre de lui. Vous ne changez pas le rythme d’un joueur, surtout dans un tournoi important comme celui-ci, il dicte les choses et je regarde, j’observe » a fini par expliquer le Kid de Vegas samedi dans les colonnes de l’Equipe. Une interview intéressante, surtout le titre : « Si j’aide ce gars dans son jeu et en tant qu’homme, j’en ressortirai grandi moi aussi ».
Ça respire la rencontre entre deux âmes sœurs du jeu, les qualités tennistiques de Djokovic aujourd’hui maximisant en quelque sorte celles de son aîné à son époque. D’ailleurs, Agassi fait ça pour rien, il n’a pas demandé un kopeck à Djoko pour ses conseils de vieux sages, lesquels seront comptés. Il faut dire : Le mari de Steffi n’entend pas passer son temps dans le box du Serbe, hormis pour les grandes occasions.
aC’est marrant quand on repense à leur première rencontre. Back in 2005, Dédé est sur la fin à Wimbledon et il partage une voiture de l’orga avec un jeune qui-n’en-veut nommé Novak, 19 berges. Le dernier ne se démonte pas et explique à un type qui a gagné 8 Grands Chelems comment il doit s’y prendre pour battre son prochain adversaire, un certain Rafael Nadal. « J’ai compris que mon temps était passé », sourit le vieillard.
On en vient au fait : à quoi sert Agassi ? Pas ce à quoi il doit servir, ça on sait : redonner le goût de la victoire à Djokovic qui semble avoir perdu la foi depuis qu’il a enfin claquer les quatre Grands Chelems à 30 ans. Non, plutôt à quoi il a servi là, à Roland ? Becker, qui est venu saluer son successeur poliment devant les photographes, nous glisse à l’oreille que pour avoir un effet réel, leur collaboration aurait dû commencer plus tôt : « Je pense que ça peut être une combinaison gagnante, mais ils auraient dû commencer leur relation ensemble à Monte-Carlo pour apprendre à se connaître avant Roland-Garros. Hélas, ça n’a pas été possible ».
Jusqu’au match contre Schwartzman, on avait envie d’y croire un peu : Djokovic tapait bien et il était plus détendu que jamais en conf’, à nous demander de prendre la pose pour une photo avec un crocodile en plastique pour nourrir son compte Instagram ou pour faire plaisir à son nouveau sponsor Lacoste, on ne sait pas trop.Et puis sont arrivés ces trois premiers sets affreux contre un petit Argentin de rien du tout qui n’aurait pas tenu une heure les années d’avant. Agassi était censé ne pas être là, mais il s’est débrouillé pour apparaître au deuxième set, sans rien changer au scénario. Commentaire d’un ancien gros joueur français au player’s lounge avant que Schwartzman ne rentre au garage faute de carburant : « Agassi doit se dire qu’il y a du boulot quand il voit ça ».
D’autant qu’il doit cohabiter avec le clan de Pepe Imaz, le gourou émotionnel du Serbe, et que ça ne l’enchante pas particulièrement : « Je suis là pour travailler avec Novak, pas avec Pepe Imaz » (l’Equipe). Pour l’instant, il prend sur lui, si l’on en croit le résumé que Djokovic a fait de leur dernière conversation avant son départ. « C’est quelqu’un de très optimiste, très positif, à la fois pour le tennis et pour la vie. Je lui suis extraordinairement reconnaissant d’avoir pris cette place dans ma vie. C’est un vrai honneur de travailler avec lui ». Il en arrive même à nous dire que ça lui a fait plaisir de jouer cinq sets pour rentrer dans le tournoi bien comme il faut, jusqu’à ce que le vernis craque.
Question d’un journaliste italien, posée un peu près en ces termes :
- « Vous dites que vous êtes contents d’avoir eu un match dur, mais vous préfériez pas être Nadal et plier vos matchs en deux heures ? ».
Le regard de « Nole » qui se noircit d’un coup
- « Je ne comprends pas du tout cette question »
Le journaliste en rigolant
- « Il faut que je demande à Agassi ? »
Djokovic, toujours ferme
- « Non, tu aurais dû demander à Nadal mais tu es à la bourre, il était là il y a quatre heures »
On comprend quoi ? Que Djokovic est tendu comme un string et qu’il n’avance pas masqué : il n’a rien de mieux à proposer que ce qu’il montre ces derniers mois, un coup oui, un coup non. On verra bien dimanche contre Albert Ramos. Agassi a vraiment du boulot.