Ski freestyle : En lice aux X Games, Antoine Adelisse a pris une éclatante « revanche » sur les blessures et les galères
PORTRAIT•A 24 ans, le skieur freestyle de la Plagne va concourir en big air, dans la nuit de samedi à dimanche, aux prestigieux X Games qu’il a remportés la saison passéeJérémy Laugier
L'essentiel
- A 24 ans, Antoine Adelisse a déjà tout connu dans le monde du ski freestyle professionnel, à commencer par trois graves blessures.
- Le skieur de La Plagne, inattendu vainqueur des X Games la saison passée en Norvège, va tenter de rafler l’édition américaine dans la nuit de samedi à dimanche (à 2 heures).
- L’emblématique membre de l’équipe de France de ski slopestyle et de big air revient pour 20 Minutes sur son incroyable saison 2019-2020.
«Je suis le seul Nantais de toute la fédération de ski », sourit Antoine Adelisse. « Presque né casse-cou », le skieur freestyle, qui va disputer dans la nuit de samedi à dimanche (à 2 h, heure française) les X Games d’Aspen (Etats-Unis) en big air, a profité du déménagement de ses parents pour s’inscrire au Club des sports de La Plagne ( Savoie) à 7 ans. Quatre années plus tard, il y obtient l’étoile d’or et intègre l’équipe de ski freestyle. « Ça a toujours été clair pour moi, je ne voulais pas enchaîner portes bleues et portes rouges, confie l’athlète de 24 ans. Mon souhait était d’avoir la tête en l’air et d’être créatif. Je m’y suis lancé à fond, surtout que quand on est gamins, on fait plein de conneries et on n’a pas vraiment conscience du danger. »
Cette prise de conscience va être brutale pour celui qui a intégré dès l’âge de 16 ans la sélection tricolore, en ski slopestyle et en big air. Antoine Adelisse se rompt les ligaments croisés du genou droit en 2016, se fracture la clavicule en 2017 puis une nouvelle fois se blesse au genou, cette fois les croisés du gauche, après une chute lors des qualifications de slopestyle aux JO 2018 de Pyeongchang. « J’ai connu quatre saisons vraiment dures à encaisser, reconnaît l’intéressé. Les blessures engendrent des doutes et des peurs mais aujourd’hui, elles m’ont aidé à être beaucoup plus pro. »
Pas loin du burn-out et endetté avec le ski
Après cette lose tenace, Antoine Adelisse retrouve sa « culture de la gagne » en décembre 2019 à Atlanta. « Avec l’enchaînement des blessures, je n’étais pas loin du burn-out à cette époque-là, explique le Plagnard. J’étais endetté avec le ski mais je ne sais pas pourquoi, je sentais bien cette course, donc j’ai pris mon billet d’avion la veille du départ, sans même réserver une chambre d’hôtel. »
Deuxième de cette étape de Coupe du monde de big air, le skieur tricolore l’emporte deux mois plus tard à Destne (République tchèque), pour la première fois de sa carrière sur une Coupe du monde. Sur le podium, il répète à plusieurs reprises, et avec rage, l’expression « la revanche ». Un cri du cœur dans une saison « pleine d’imprévus » qui va aussi devenir la plus belle de sa vie, grâce à un drôle de bouquet final le 7 mars 2020. Arrivé dans la peau d’un remplaçant à l’édition norvégienne des « mythiques » X Games, il remplace au pied levé un athlète blessé.
« On se sent toujours délaissés par la fédération »
« Ce contexte m’a permis de prendre le truc à la rigolade et de tenter un ultime saut de 1.600 degrés que je n’avais essayé qu’en présaison, sans réussir la réception. Là, je l’ai masterisé à la perfection, c’était la soirée de ma vie ! » Antoine Adelisse se met alors à « chialer comme un gamin » aux côtés de Greg Guenet, son coach avec qui tout a commencé, en 2007 à La Plagne. A 24 ans, avec un statut de pionnier de cette jeune discipline, l’ex-champion de France juniors en half-pipe tient à alerter sur les délicates conditions des skieurs freestyle tricolores.
« J’essaie d’être un porte-voix car les aides qu’on a aujourd’hui sont insuffisantes. Elles ne prennent en charge que les salaires des coachs et certains de nos déplacements. Nous avons beau représenter trois médailles olympiques et six titres de champions du monde, on se sent toujours délaissés par la fédération, qui ne nous attribue même pas 1 % du budget des alpins. Ça me rend triste pour les générations à venir car le ski freestyle devient horriblement élitiste sur le plan financier. » »
Dans une nouvelle saison raccourcie en raison de la crise sanitaire du Covid-19, le skieur de La Plagne compte bien aller chercher l’or à nouveau, samedi à Aspen, où il sera le seul Français engagé. Car après tout, Adelisse ça glisse au pays des X Games. Et même s’il constate qu’il est aujourd’hui « quasiment le plus vieux » en équipe de France, il se garde bien de « s’imposer une deadline » dans une carrière faite de hauts et de bas. Surtout qu’au-dessus des X Games, il lui reste un rêve ultime à décrocher : une première médaille olympique en 2022 à Pékin. La « revanche » sur les blessures et les galères en serait encore plus éclatante.