Jeux paralympiques 2024 : « C’est génial ! »… Comment les Français sont tombés raides dingues du rugby fauteuil
LOVE STORY•Après seulement deux jours de compétitions du côté de l’Arena Champ-de-Mars, le rugby fauteuil a déjà conquis le cœur de milliers de FrançaisAymeric Le Gall
L'essentiel
- Annoncé comme l’un des sports les plus spectaculaires de ces Jeux paralympiques, le rugby fauteuil s’est montré à la hauteur de sa réputation.
- L’Arena Champ-de-Mars fait salle comble à chaque fois que l’équipe de France s’y produit, et l’ambiance est absolument dingue.
- Les spectateurs ont en effet adhéré en masse à ce sport de zinzin qui fait la part belle au spectacle.
De notre envoyé spécial dans le monde magique du rugby fauteuil,
Que celui ou celle qui ose nous dire les yeux dans les yeux qu’il n’aime pas le rugby fauteuil, après avoir vu un match à l’Arena Champ-de-Mars, parle maintenant ou se taise à jamais. De toute façon, on ne les croira pas. Annoncé comme le sport frisson de ces Jeux paralympiques, le « RF » comme on le surnomme sur la West Coast (absolument pas) est effectivement fidèle à sa réputation de sport de zinzin.
A peine entré dans la salle, à la bourre - pas merci Brigitte Macron d’avoir monopolisé Alexandre Léauté après sa médaille d’or en cyclisme sur piste - pour le début du troisième quart-temps entre l’équipe de France et l’Australie championne du monde en 2022, il ne nous a pas fallu plus de deux minutes pour lâcher notre casse-dalle et rester bouche bée, comme hypnotisé par ces fous du fauteuil qui s’envoie des sacs monstrueux comme à la belle époque des autos tamponneuses.
Les chocs et leur puissance, voilà ce qui frappe d’entrée. En cela, le nom de rugby n’est clairement pas usurpé. Munis de fauteuils renforcés (et plutôt design), les athlètes semblent prendre un pied monstrueux à dégommer tout ce qui se présente, comme s’ils étaient dans leur salon à jouer à GTA. « C’est rentre-dedans, c’est hyper physique, c’est du vrai rugby en fait », constate David, fan de l’ovalie mais aussi du rugby fauteuil depuis un petit moment déjà. Comment est-il tombé dedans ? « Je le suis un peu quand c’est retransmis à la télé », explique-t-il.
Un public conquis et qui en redemande
Un ange passe et les questions se bousculent dans notre tête. Mais on est tellement désarçonné par cette phrase insensée qu’on n’a même pas pensé à lui demander MAIS OU EST-CE QUE C’EST RETRANSMIS A LA TELE ??? Qu’importe, ce n’est pas le sujet. Par contre on peut espérer (voire exiger) que le rugby fauteuil gagne en exposition médiatique après la fin des Jeux paralympiques. Car il y aura des gens pour le regarder. Parmi eux, Cécile prend son rond de serviette direct.
« J’ai été impressionnée par leur physique, je ne pensais pas que ça serait aussi intense. Je vais rarement voir du sport au stade ou en salle et là j’ai été à fond pendant tout le match, confie la compagne de Serge le mytho. Ça m’a fait pareil pour le beach-volley, avec la même ambiance, la musique, les speakers qui chauffent la salle. Ça m’a même donné envie d’essayer. Et un autre truc génial, c’est le côté mixte. Je ne vais jamais voir les matchs de rugby avec mon mari mais quand j’ai vu ça, j’ai dit on y va ! C’est bluffant, génial, il n’y a pas d’autres mots. » N’en jetez plus !
L’enthousiasme est le même chez Paul, venu avec femme et enfants depuis les Côtes-d’Armor pour vivre la magie des Paras. Son premier match de rugby fauteuil au stade aura été une révélation. « On a pas mal suivi les JO à la télé mais on voulait profiter des Paralympiques sur place et on hésitait entre ça et le basket fauteuil. Au final on a regardé quelques extraits de matchs en vidéo et on a trouvé ça pas mal, relate-t-il. Et en fait c’est génial. L’ambiance est dingue. Ça donne envie de suivre. Demain, c’est sûr, on sera devant la télé ! Il y a un vrai engouement, quand ils arrivent à percer le mur adverse, on sent une vraie effervescence dans la salle, c’est incroyable. »
Une vraie esthétique du mouvement
Il est vrai que l’ambiance de Bombonera de l’Arena Champ-de-Mars rajoute un petit truc en plus à ce sport de fou. Mais le principal intérêt reste tout de même le terrain. L’aisance avec laquelle les joueurs se meuvent, tout en glisse, en feinte et en dribbles, a quelque chose de profondément esthétique. Mention spécial vendredi soir à Batt Ryley, que Bob Vanaker, le coach de l’équipe de France, n’hésitait à qualifier récemment de « Michael Jordan du rugby fauteuil », et qui a fait des misères à la défense tricolore, parvenant sur plusieurs séquences à se faufiler entre tous les adversaires pour aller mettre le ballon dans l’en-but.
On s’endormira sûrement en rêvant de cette action assez dingue, toujours signée du « MJ » du « RF » : feinte à gauche, feinte à droite suivie d’une marche arrière de derrière les fagots pour aller marquer le but. Les tricolores n’ont pas été en reste non plus dans le côté show man, quoiqu’un brin plus bourrin. Chacun son style, après tout. Le public s’est particulièrement enthousiasmé en voyant Jonathan Hivernat jouer les bulldozers et réussir à passer dans l’en-but malgré trois hommes en fauteuil pour lui faire barrage. Tut tut, poussez-vous, Johnny est dans la place.
En revanche, on admet volontiers que certaines subtilités nous ont parfois échappé. Mais bordel pourquoi Hivernat, encore lui, a-t-il temporisé alors qu’il avait le boulevard Haussmann devant lui pour mettre le point du retour à -1 ? On aurait aimé lui poser la question en zone mixte mais les joueurs avaient levé le camp aussi vite que les joueurs du PSG après un match au Parc. Attention à ne pas trop prendre le melon, messieurs. On plaisante, bien sûr.
La part belle aux attaques
Compliqué, enfin, de ne pas aimer la dénomination d’une exclusion temporaire. Au rugby fauteuil, on n’est pas exclu, on va en prison. C’est mignon et ça nous rappelle les souvenirs de balle aux prisonniers dans la cour de récré. Au-delà du côté spectaculaire et jouissif, le rugby fauteuil n’en reste pas moins un sport hyper tactique, où la qualité des écrans (comme au basket) joue un rôle central dans le bon déroulement des attaques. Sans parler de la gestion du chrono, chaque équipe ayant 40 secondes pour essayer de marquer à partir du moment où elle a récupéré le ballon.
Ainsi, en fonction du score, l’équipe en tête aura tendance à jouer la montre avant d’aller inscrire son but, même si celui-ci est grand ouvert. A ce petit jeu, le numéro 10 australien, un certain Bond, Chris Bond, a rendu fou le public français en tournant à de nombreuses reprises autour du pot avant de conclure. Si l’on devait trouver un bémol, un seul, ce serait la difficulté pour les défenses d’enrayer les attaques de l’adversaire.
Les matchs se résument souvent ainsi : attaque, but, attaque, but, etc. On a demandé à David, le grand consommateur de rugby fauteuil à la télé, ce qu’il en pensait. Il valide : « La moindre erreur en attaque se paie cash, ça fait tout de suite + 1 ou + 2 pour l’autre équipe, et derrière c’est très dur à rattraper. C’est pour ça que c’est très tactique et que les équipes jouent pas mal avec le chrono. » Et avec nos émotions, que la défaite très honorable des Bleus (53-55) n'aura pas terni. D’ailleurs, c’est décidé, à la rentrée, on prend une licence.
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