La crise à la FFR peut-elle plomber le XV de France à la Coupe du monde ?

Coupe du monde de rugby : La crise à la FFR peut-elle plomber le XV de France ?

ElectionsLe nouveau président de la Fédération sera connu mercredi. Les listes du « Laportiste » Patrick Buisson et de Florian Grill s’opposent frontalement
Nicolas Stival

Nicolas Stival

Des résultats probants, des joueurs de qualité supérieure, des postes doublés voire triplés… Jamais un XV de France ne s’est avancé vers une Coupe du monde avec autant de certitudes, à moins de trois mois du début de l’événement, le 8 septembre lors d'un énorme choc contre les All Blacks à Saint-Denis. Pourtant, si sur scène le duo Fabien Galthié (sélectionneur) – Raphaël Ibanez (manager) évolue dans une ambiance aussi sereine qu’un stage de yoga dans le Donezan, en coulisses, le rugby français a des airs de « Fight Club ».

L’existence de la FFR a certes été pavée de crises et de trahisons, mais la situation actuelle est inédite. Mercredi, après un vote électronique de deux jours, le rugby national connaîtra son nouveau président, jusqu’à l’automne 2024 : Patrick Buisson, candidat de la majorité, ou Florian Grill, chef de file d’Ovale Ensemble.


Florian Grill, tête de liste d'Ovale Ensemble.
Florian Grill, tête de liste d'Ovale Ensemble. - Joël Saget / AFP

En ébullition depuis le 27 janvier et le départ de l’hyperactif Bernard Laporte, en proie à des soucis judiciaires, la FFR pourrait vivre sa première cohabitation si Grill l’emportait. Un scénario tout sauf inimaginable au vu de la dynamique actuelle : fin mai, onze des douze sièges vacants (sur 40 au total) après la crise de janvier au comité directeur ont été remportés par Ovale Ensemble, qui reste toutefois minoritaire.

Le feuilleton n’est pas forcément captivant pour le profane, mais une question domine la mêlée : ces joutes picrocholines peuvent-elles avoir un impact sur les Bleus ? Autrement formulé : est-ce que le sport aux valeurs autoproclamées va réussir à saboter son navire amiral qui n’a jamais été aussi rutilant, juste avant « notre » Mondial ?

Buisson fait équipe avec Guirado

En difficulté, la majorité sortante s’appuie forcément sur cet argument : selon Patrick Buisson, un succès de Florian Grill ferait passer les dix plaies d’Egypte pour une simple piqûre de moustique sur l’armure d’un rhinocéros à côté du changement de direction. L’actuel vice-président ne veut pas entendre parler de cohabitation, évoque un risque de « blocage » et indique que la victoire d’Ovale Ensemble ce mercredi nuirait forcément aux coéquipiers d’Antoine Dupont. Ce n’est pas un hasard s’il a baptisé sa liste « Tous unis derrière le XV de France » et a choisi comme bras droit Guilhem Guirado, jeune retraité et ancien capitaine des Bleus pendant la triste décennie précédente.


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Dès son entrée en campagne, fin avril, Buisson avait lancé le message, qu’il n’a cessé de marteler depuis : « Je me présente pour nous rassembler derrière le XV de France car c’est ensemble que nous gagnerons : la division n’a pas de place dans notre Fédération, surtout à quelques mois de la Coupe du monde. » Le représentant de la majorité ne compte pas saisir la main tendue de Grill, qui a émis l’idée de laisser la gestion de la Coupe du monde aux « Laportistes », même en cas de succès de son camp.

Fin janvier, Buisson, proposé comme président délégué par un Bernard Laporte qui abattait ses dernières cartes avant de démissionner, avait été désavoué par un référendum électronique auprès des clubs (déjà). Dans la foulée, Grill assurait dans 20 Minutes que s’il finissait par devenir président, rien ne changerait pour la sélection : « Les Bleus sont dans leur bulle, Fabien Galthié est habité par sa mission », expliquait le patron de la Ligue Ile-de-France, pourtant loin d’être le favori du mentor des Bleus.

Galthié botte désormais en touche

Lors de l’élection d’octobre 2020, Galthié avait laissé entendre que la question de son avenir pourrait se poser si son vieil ami Laporte était battu par Grill. Finalement, l’ancien secrétaire d’État aux sports avait été reconduit. « Il a mentionné sa fidélité il y a deux ans, relativisait la tête de liste d’Ovale Ensemble en janvier. Cette année, il s’est abstenu de commenter. Il n’est pas question de changer quoi que ce soit dans un staff qui réussit autant. Il faut surtout le laisser faire, le préserver. »

Grill n’a pas changé de ligne ces derniers mois. Quant à Galthié, il a pris garde cette fois de ne pas prendre parti en public avant les élections en cours. Interrogé sur le sujet la semaine dernière en conférence de presse, il avait tapé un joli 50-22 : « Aujourd'hui, nous sommes uniquement sur le terrain de jeu. ». Son binôme Ibanez n’avait pas dit autre chose : « Il y a le temps politique que vous connaissez tous. Et il y a le temps sportif, celui dans lequel nous mettons toute notre énergie. »



Début avril, une folle rumeur avait ému le monde du rugby français : selon Le Parisien, Bernard Laporte pourrait intégrer le staff du XV de France en vue du Mondial, après être déjà venu faire quelques « coucous » aux Bleus en marge du Tournoi des VI Nations. « Bernie » lui-même avait éteint le feu, en démentant ces bruits sur son compte Twitter. Mais voir l’ancien patron du rugby français rendre une nouvelle visite inopinée à l’encadrement et aux joueurs cet été ne surprendrait pas grand monde, quelle que soit l’identité de son successeur à la tête de la Fédé.

De là à imaginer la bande à Alldritt déstabilisée avant le plus grand rendez-vous de sa carrière… Lors de la Coupe du monde 1991, les Bleus avaient chuté dès les quarts de finale face à l’Angleterre, sur fond de « guerre civile » au sommet d’une FFR qui vivait les derniers soubresauts de la longue ère Ferrasse. Pour reprendre l’une des expressions favorites d’Ugo Mola, le manager du Stade Toulousain, on a « la faiblesse de penser » qui si le XV de France est éliminé au même stade cet automne, ce sera davantage à cause de la qualité de l’adversaire (sans doute l’Afrique du Sud ou l’Irlande) que du pedigree du président de la Fédération.