Top 14 : Le championnat peut-il aller au bout avec ce protocole sanitaire ?
RUGBY•Les reports de matchs se multiplient et les acteurs du monde du rugby dénoncent de plus en plus des mesures trop strictesClément Carpentier
L'essentiel
- Cinq matchs de Top 14 ont déjà été reportés en seulement quatre journées de championnat.
- Certains dirigeants veulent revenir sur le report systématique des matchs à partir de trois cas positifs et pointent les dangers des rencontres en semaine.
- Pour l’instant, la commission médicale ne compte pas revenir sur ce chiffre et rappelle que la viralité est beaucoup plus forte au rugby qu’au football.
Un de plus. Mardi, la Ligue National de rugby a annoncé le report du match entre Oyonnax et Biarritz comptant pour la 6e journée de ProD2 en raison de cas de Covid-19 chez les joueurs de l’Ain. Un énième report. En Top 14, on en est cinq en quatre journées. Seule la 2e journée du championnat a pu se jouer dans son intégralité jusqu’à maintenant. Inquiétant.
Alors depuis quelques jours, la petite musique autour d’un protocole sanitaire qui serait « trop stricte » se fait de plus en plus entendre, à coups de déclarations de présidents, d’entraîneurs ou de consultants. En fer de lance, on retrouve Laurent Marti dans Sud Ouest. Le président de l’Union Bordeaux-Bègles vient de voir son match contre l’ASM reporté après celui de la 1ère journée face au Stade Français : « Le protocole sanitaire n’est pas adapté. Il est trop sévère. Il faut arrêter de tester systématiquement les joueurs en bonne santé. Il ne faut tester que ceux qui présentent des symptômes. Nos joueurs passent des tests PCR une à deux fois par semaine et subissent en plus un test sérologique une fois par mois. Il faut alléger le protocole. On n’écoute que les médecins et ils ouvrent le parapluie de manière exagérée. »
Au soutien, il peut compter sur un renfort de choix et de poids. Sébastien Chabal, consultant pour le Canal Rugby Club aujourd’hui : « Les clubs ont montré qu’ils étaient responsables. Il faut leur laisser un peu de liberté. C’est bien de protéger la santé des joueurs et c’est plutôt bien fait, et c’est parce que c’est bien fait qu’il faut l’assouplir. » Si le déblayage n’est pas assez propre, le président bordelais peut aussi compter sur Thomas Lombard. Pour le directeur général du Stade Français, « c’est très difficile d’envisager la suite avec sérénité » alors que pourtant « tous les acteurs du Top 14 et de la Pro D2 ont la volonté farouche de jouer le maximum de matchs. »
Les matchs en semaine, un autre danger ?
Une règle les énerve particulièrement. S’ils comprennent plus ou moins que leurs joueurs soient testés régulièrement notamment le lundi en cas de Covid-19 détecté(s) avant un match le week-end précédent. S’ils peuvent passer sur le fait de s’entraîner par petits groupes de dix personnes, encadrement technique inclus, pendant sept jours en cas de personnes positives dans le groupe professionnel. Ils remettent fortement en cause le report systématique des matchs à partir de trois cas de Covid-19. « C’est à partir de ce seuil que le virus est réputé circulant activement », rappelle Bernard Dusfour, le président de la commission médicale de la LNR.
Ce seuil, ils souhaiteraient qu’il soit augmenté. Jean François Fonteneau, le président d’Agen, émet la possibilité de monter à cinq. Derrière cette volonté d’assouplir le protocole, il y a surtout la question du calendrier. Et le revers de la médaille pointé par Sébastien Chabal : « C’est un protocole pour protéger la santé des joueurs, mais quand les clubs vont avoir trois, quatre ou cinq matchs à jouer en retard et qu’il faudra jouer plusieurs matchs par semaine, la santé des joueurs ne sera plus protégée. » A l’instant T, il n’y a que deux dates totalement libres sur la saison (les week-ends du 1er novembre et 1er mai). Après il faudra ajouter des doublons sur les dates du XV de France cet automne ou lors du prochain tournoi des VI Nations en 2021. Autre solution, ne pas jouer la Coupe d’Europe pour libérer des dates ou donc jouer en semaine. Mais la LNR n’en est pas encore là.
Pour l’instant, pas d’assouplissement sur la règle des trois cas positifs
Cette grogne, la commission médicale de la ligue l’a bien entendue. Elle n’est pas sourde d’oreille rappelle son président Bernard Dusfour à 20 Minutes : « Je ne suis pas là pour polémiquer et je les comprends. Je ne leur en veux pas. Je comprends leur angoisse. » Mais pour autant, pas question de bouger : « A chaque fois qu’on a eu trois cas, il y en a eu systématiquement d’autres derrière. L’équilibre est très instable. Nous ne voulons pas avoir un deuxième Stade français (un cluster de 25 personnes survenu au mois d’août). » Depuis la commission médicale a tout de même dû gérer un demi-Stade Français à Castres (15 cas de Covid-19).
Les assouplissements se font jusqu’à maintenant à la marge. Par exemple, Bernard Dusfour et ses collègues ont décidé cette semaine qu’un joueur positif mais asymptomatique pourrait reprendre l’entraînement collectif au bout de dix jours et non plus 14 comme depuis le début de la saison. Mais pour le médecin toulousain, il sera impossible de se rapprocher des mesures prises au football (il suffit d’avoir 20 joueurs négatifs pour jouer) tant que l’épidémie sera là. « Il faut bien comprendre que nous ne sommes pas dans le même sport : au foot, ils ne font pas de mêlée et ne s’entassent pas les uns sur les autres, que je sache ! » Pas faux.