RUGBYSlimani est-il vraiment victime d’un complot arbitral avec les Bleus?

XV de France: «Il ne faut pas tomber dans la parano», Slimani est-il vraiment victime d’un complot arbitral en sélection?

RUGBYLe pilier clermontois, écarté avant d’être rappelé pour être placé sur le banc contre l’Afrique du Sud, fait débat pour sa position en mêlée…
Julien Laloye (avec NC)

Julien Laloye (avec NC)

L'essentiel

  • Rabah Slimani a l’habitude d’être dominant en championnat mais réprimandé au niveau international, où sa liaison est souvent sanctionnée par les arbitres.
  • Le pilier clermontois a été écarté des Bleus sur un autre motif (son manque de mobilité), avant d’être rappelé à cause du forfait d’Atonio.
  • Remplaçant contre l’Afrique du Sud, adversaire des Bleus samedi au Stade de France, Slimani a travaillé sur sa posture en club pour éviter les mauvaises interprétations.

La dernière incohérence en date du rugby français, qui n’en rate pas une. Laisser sur le banc notre meilleur pilier droit contre la mêlée la plus sanguinaire du monde​, celle des Boks. Estimons-nous heureux, au passage. Rabah Slimani n’était même pas dans la liste initiale dévoilée par le staff tricolore, fin octobre. La version du greffier du tribunal qui sera consultable pour les générations suivantes ? Un manque d’activité regrettable dans le jeu de mouvement désormais réclamé par le rugby moderne, quand les piliers à l’ancienne pouvaient se contenter de fourchetter tranquille le gars d’en face en mêlée avant d’attendre leur tour sous le tas, pendant que les arrières faisaient des papouilles au ballon.

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Sébastien Bruno, coach des avants tricolores :

« On connaît la force de Slimani sur les phases statiques. On voulait qu’il ait un peu plus de volume dans le jeu. Etre plus réactif, se remettre debout plus vite. On en a discuté avec ses entraîneurs à Clermont, ils étaient d’accord avec nous. Il y a cinq ou six joueurs potentiellement disponibles au poste de pilier droit, on fait avec eux. Rabah n’était pas pris au départ, mais ce n’était pas une punition. » »

Deux matchs qui ont suffi à créer le « problème » Slimani

Un peu quand même. Tous ceux qui s’intéressent vaguement aux intérêts du XV de France, s’il en reste, savent de quoi il en retourne sous le manteau. Mais chuuuuuuuut, des fois que World Rugby aurait planqué des micros dans les vestiaires de Marcoussis. On y vient : de nombreux suiveurs et observateurs considèrent que l’avant clermontois est victime d’une cabale arbitrale, décidée en haut lieu par la clique anglo-saxonne qui régit les grands principes de jeu selon des critères mouvants, pour rester agréables.

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L’Irlandais Alain Rolland, chef de la meute, s’en était même ouvert au staff tricolore avant la tournée d’automne 2017 : gaffe à la liaison de Slimani, accusé de faire plonger son adversaire direct lors des mêlées en lui agrippant le bras au lieu de poser sa main sous l’aisselle ou sur le torse du pilier opposé.

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Avertissement accompagné d’une démonstration pratique : trois pénalités et un jaune contre les Blacks, puis le même tarif contre les Anglais dans le tournoi, et un Slimani dépité dans les couloirs de Saint-Denis : « si ça continue comme ça, je ne vais plus être sélectionné ». Le garçon fait comme s’il avait oublié : « C’est deux matchs, et j’ai l’impression qu’on me juge sur deux matchs. Sur tous les autres, on ne m’a jamais cassé la tête par rapport aux liaisons alors que je n’ai absolument rien changé. On me parle d’arbitres anglo-saxons qui me ciblent en mêlée mais moi, je n’en connais pas beaucoup. »

Les Bleus refusent de s’associer à la thèse du complot

Discours louable d’un joueur qui ne veut pas donner du grain à moudre aux arbitres en faisant le Caliméro avant une probable entrée en jeu contre l’Afrique du Sud. Le débat est vieux comme la dernière victoire probante des Bleus contre une nation du Sud, les Français considérant en gros qu’ils se font couillonner à la moindre entourloupe par la grande mafia des Anglo-saxons, la-dite mafia imaginant de son côté que les froggies ne sont que des loubards nés avec le vice de la fourberie inoculé dans les vaisseaux sanguins. Une ligne de crête qui débouche de temps en temps sur une crise diplomatique convenue, laquelle se termine par la mise au ban d’un brave soldat de la nation pour l’exemple. Thomas Domingo hier, pour un positionnement jugé trop bas à l’impact, Rabah Slimani aujourd’hui.

« Ce n’est pas devenu une obsession, mais ça devient pénible à entendre à force, s’agace Didier Bès, entraîneur des avants clermontois. Tout est parti de la Nouvelle-Zélande, et derrière on en a parlé comme d’un problème récurrent. Mais il ne faut pas croire au complot. J’ai beaucoup travaillé avec Alain Rolland quand j’étais responsable de la mêlée géorgienne. On avait été prévenus que notre paquet d’avants était dans le viseur, comme celui de la France d’ailleurs. Mais les retours sur les matchs ont été très constructifs. On a travaillé pour être propres au Mondial-2015 et les arbitres nous ont permis d’utiliser notre puissance. Après, il y a toujours eu un lobbying puissant de l’hémisphère sud sur les questions d’arbitrage, c’est indéniable. » »

Ce fameux jeu de pouvoir en coulisses dans lequel la France a toujours du mal à peser, davantage encore depuis les départs de Bernard Lapasset, ancien président de l’IRB, et de Joël Jutge, prédécesseur de Rolland au poste de référent sur l’arbitrage international. La Fédération internationale nous a indiqué que ce dernier ne donnait pas d’interviews sur les cas particuliers, tandis que Serge Simon, vice-président de la FFF, n’a pas répondu à nos textos sur le sujet, rapport au fait, sans doute, qu’il vient d’être promu patron du rugby féminin au sein de World Rugby.

« Si Rabah prend une pénalité samedi, il ne faut pas qu’il le prenne personnellement, conseille Sébastien Bruno. Tu te fais prendre, tu passes à la suivante. Il ne faut pas tomber dans la paranoïa. » »

Conscient de marcher sur un fil après une tournée d’été à chauffer le banc, Slimani a accepté de courber l’échine. « Je lui ai expliqué que c’était important qu’il montre une "bonne" photo de sa posture aux arbitres lors de la construction de la mêlée, explique Didier Bès. Notamment la position du dos, un peu moins ronde, parce que ça pouvait faire penser qu’il était déjà prêt à plonger. Mais il ne faut pas croire que les arbitres de World Rugby ne savent pas ce qu’il se passe en Top 14. Il y a trop de joueurs qui ne jouent pas dans la règle et qu’on laisse faire en mêlée. Le championnat installe des mauvaises habitudes et ne prépare pas du tout au niveau international. »

Rabah Slimani, enviro, quatre secondes avant une pénalité pour l'Irlande.
Rabah Slimani, enviro, quatre secondes avant une pénalité pour l'Irlande.  - JEFFROY GUY/SIPA

Reproche lui aussi habituel : la différence culturelle entre la mêlée telle qu’on la conçoit en France, une véritable épreuve de force, et ailleurs, un ralentisseur de jeu rapide. « Ça fait quelques années que le problème se pose, clarifie encore Bruno. En Top 14, les arbitres sont moins exigeants sur la stabilité. Au niveau international, ils ne s’emmerdent pas, ils veulent des mêlées presque neutres où ça ne bouge pas pour lancer vite l’action. Rabah, lui, il aime imposer sa puissance, et parfois, ça peut être mal interprété comme un défaut de stabilité. »

Le Top 14, trop filou pour préparer au niveau international ?

« Je ne pense pas que ce soit parce que les arbitres jugent différemment, je pense qu’ils arbitrent le jeu qu’on leur offre, tout simplement », nuance Joël Dumé, DTN des arbitres tricolores. Lui n’a jamais rien eu à redire sur Slimani. « Les arbitres ne sont pas des robots, ils ont une sensibilité, un vécu, un ressenti. Probablement qu’à un moment ce qu’ils peuvent entendre influe, mais ils ne sont pas là pour stigmatiser un joueur. » Dumé préfère souligner la difficulté de la tâche : « Il y a vingt ans, c’était plus facile d’arbitrer la mêlée, parce qu’on repérait qui était l’équipe la plus faible qui subissait sur cette phase. Maintenant, avec le jeu des remplacements, on s’aperçoit que les rapports de force peuvent s’inverser très rapidement. Presque d’une mêlée à l’autre. »

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Historiquement dominatrice sur la durée, la mêlée française essaie de s’adapter. Elle a même reçu les compliments d’Alain Rolland au cours de l’été, lors d’une entrevue informelle avec Jacques Brunel. «Il a été satisfait de notre discipline en Nouvelle-Zélande, confirme Bruno. Je ne pense pas qu’on soit pointés du doigt cet automne. » La remarque vaut aussi pour Rabah Slimani, personnellement félicité par Nigel Owens lors d’un match de Coupe d’Europe à l’extérieur il y a peu, selon une confidence de son coach à Clermont. Le début du retour en grâce ?