RC Toulon: Moins de stars, plus d'espoirs... Mourad Boudjellal qui veut «franciser» son club, crédible ou pas?
RUGBY•Le patron du RC Toulon veut remporter le Brennus « avec 23 Français sur la feuille de match ». Il en est encore très loin…Jean Saint-Marc
L'essentiel
- Le RCT veut devenir un club formateur et mettre fin à sa stratégie historique : faire venir des stars étrangères en fin de carrière.
- Un projet crédible, mais qui prendra très longtemps, selon plusieurs observateurs du rugby français.
Colère noire et rêve bleu. Mourad Boudjellal a encore piqué une gueulante, cette semaine. Contre les supporters de Toulon, pas assez bouillants à son goût : « Je suis un vendeur de rêves mais si cela ne fait rêver personne, je remballe et je m’en vais ! » Le rêve qu’il essaye de leur refourguer cette année ? Celui d’une équipe « francisée », d’un RCT qui délaisse les stars pour laisser jouer les espoirs. Et qui se fixe un objectif fou : soulever le Brennus « avec 23 Français sur la feuille de match. »
A Pau, le week-end dernier, ils étaient neuf, majoritaires, donc, dans le quinze de départ. C’est déjà un net progrès : il n’y avait que six tricolores sur la pelouse du stade de France la dernière fois que le RC Toulon a remporté le Top 14 (c’était en 2014, merde, le temps file). Le choc des chiffres, le poids des mots : on a soumis le projet à l’ancien entraîneur toulonnais Aubin Hueber, désormais formateur à la FFR :
« Ça me paraît compliqué d’arriver à 100 % de Français, mais en trois-quatre ans… [Il s’arrête]. Enfin plutôt cinq ou six… Toulon peut développer de bons joueurs en formation. On s’aperçoit qu’on a en France une génération des moins de 20 ans très talentueuse. » »
Emmenés par l’ouvreur toulonnais Louis Carbonel, les U20 ont remporté en juin dernier la première Coupe du monde de leur histoire. Carbonel, qui est déjà une des figures importantes du nouveau RCT : à 19 ans, il se retrouve mis en avant dans les spots publicitaires du club… Et semble être un des hommes forts de Patrice Collazo. « Avec lui, mais aussi Belleau, Rebbadj, l’équipe s’est déjà bien francisée », apprécie Georges (aka Joe), supporter du RCT. « C’est un peu de la poudre aux yeux aussi, une façon de cacher que le club cherche à faire des économies, soupire Julien Perpere, président des Fils de Besagne, un groupe de supporters. Prendre des jeunes, c’est tout simplement ce qui coûte le moins cher ! »
« On sait que Mourad est fort en communication »
Ce n’est pas donné non plus : le RCT va investir plus de sept millions d’euros dans un nouveau centre de formation, qui pourra accueillir jusqu’à 60 jeunes. « Le RCT était plutôt en retard niveau infrastructures, rappelle le consultant Thomas Lombard. Je pense que Mourad Boudjellal n’a pas le choix : Toulon est moins attractif que par le passé… Les stars internationales venaient car elles savaient qu’elles allaient gagner des titres ! » Moins de ressources, moins de titres, moins de supporters à Mayol, aussi : un cercle vicieux se serait enclenché autour du RCT ?
« Former des jeunes, ça prend du temps, glisse Joe. Et la patience, c’est pas notre fort à Mayol : on est un peu des nantis, à force de gagner ! » Les supporters ont salué l’arrivée, cet été, des deux anciens All-Blacks Liam Messam et Julian Savea. Une petite entorse à la règle de la « francisation » ? « On sait que Mourad est fort en communication ! Il dit des choses, et après, il s’adapte », se marre Aubin Hueber. A son tour, Thomas Lombard esquisse un sourire en coin :
« Il ne peut pas rompre du jour au lendemain avec l’ADN de son club ! Il y a à Toulon un environnement – supporters, sponsors – qui réclame des paillettes ! Il a perdu Habana, Clerc et Ashton cet été, il ne peut pas les remplacer par trois minots de 20 ans. » »
Mais à plus long terme, le projet est crédible, nous assure Lombard, consultant Canal + (qui diffuse RCT-Castres, ce week-end). Son argument massue ? Il est géographique. « Toulon a la chance d’être un peu enclavé, d’être le seul club pro du Sud-Est. Dans la région de Toulouse, de nombreux clubs pros se disputent les joueurs… Là, il n’y a que Montpellier qui le concurrence, et c’est loin ! »