Le rugby en crise? Il «reste un sport éducatif exemplaire, voire unique», selon le président de la Ligue Occitanie
INTERVIEW•Alain Doucet, président de la Ligue Occitanie, évoque les défis que doit affronter le rugby, notamment la baisse des licenciés…Propos recueillis par Nicolas Stival
L'essentiel
- Alain Doucet est à la tête depuis juin 2017 de la plus grande ligue régionale « avec environ 75.000 licenciés ».
- Le dirigeant propose des pistes pour répondre aux inquiétudes que peuvent nourrir les pratiquants et les parents.
Alain Doucet est un homme occupé. Président depuis décembre de la toute jeune Ligue Occitanie de rugby , le Bigourdan et son équipe travaillent au lancement de la première saison après la fusion des comités Midi-Pyrénées, Armagnac-Bigorre, Languedoc et Pays catalan.
« Nous sommes la plus grande ligue de France, avec environ 75.000 licenciés dans 410 clubs », détaille l’ancien secrétaire général de la Fédération française, qui s'était présenté à la présidence de la FFR en 2016.
Cette puissance démographique ne vaccine pas contre les problèmes. Le rugby doit notamment faire face aux polémiques liées à la violence des contacts en Top 14 et Pro D2, qui ont pris un tournant dramatique après la mort le 10 août du jeune Aurillacois Louis Fajfrowski. Alain Doucet veut partir en reconquête, alors que le nombre de licenciés a diminué significativement ces dernières années en France.
Comment se présente cette saison ?
Avec beaucoup de curiosité. Il y a de nombreuses interrogations dans les clubs, les premiers concernés. Il existe des différences de culture, entre rugby gersois et catalan par exemple. Nous avons réussi à mettre en place une harmonisation après beaucoup de travail, de consultation des clubs. Certains, trop haut classés, voulaient redescendre.
La problématique des équipes réserves se pose : les clubs d’Armagnac-Bigorre et Midi-Pyrénées en ont toujours eu. C’est loin d’être le cas dans le Gard, le Languedoc et surtout le pays catalan.
Sur le plan des licenciés, la tendance est à la diminution, en Occitanie comme ailleurs…
Oui, nous avons une baisse de l’ordre de 15 % dans les écoles de rugby sur les trois ou quatre dernières années, comme au niveau national. Le comité directeur de la FFR et la Ligue Occitanie veulent rassurer les gens, dire que notre rugby éducatif n’est pas le Top 14. Le rugby reste un sport éducatif exemplaire, voire unique. Il nous appartient de légiférer au mieux pour que nos pratiquants puissent jouer en toute sécurité.
Y a-t-il d’autres raisons à cette baisse ?
On doit aussi faire face au football, surtout après la Coupe du monde gagnée par les Bleus, et au handball qui est le roi du sport scolaire. Sans oublier la progression du sport loisir, avec des gens qui ne veulent pas forcément s’engager sur toute une saison dans une discipline, mais faire, par exemple, une course de temps en temps.
La démographie entre en compte également. Nous avons des terrains en Ariège, dans le Gers ou dans le Lot mais peut-être un manque de licenciés potentiels. A l’inverse, dans les métropoles comme Montpellier ou Toulouse, il y a la population mais on manque peut-être de terrains.
N’est-ce pas étrange de dire que le Top 14 est quasiment un autre sport, alors que c’est censé être la vitrine du rugby ?
Le Top 14, ce sont des garçons hyperpréparés, qui font de la musculation tous les jours, des joueurs de plus en plus grands et qui vont de plus en plus vite. On est en train de travailler pour que la collision ne soit plus du tout le maître mot dans les écoles de rugby.
Il y a des adaptations, comme le « toucher deux secondes » : le joueur doit lâcher le ballon deux secondes après avoir été touché par un adversaire. Cependant, interdire le plaquage serait contre-productif. Cette phase fait partie du jeu. Si on ne l’apprend pas à huit ou dix ans, il faudra l’apprendre à 14 ans. Mais il faut connaître les techniques, revenir à des exercices basiques. Je me souviens avoir travaillé le plaquage à genoux, avoir appris à placer les bras, les genoux, le regard…
Je vais ainsi essayer de proscrire les boucliers, qui encouragent la percussion. Je préfère qu’on travaille les deux contre un, les trois contre deux, pour retrouver un côté ludique.
Nous sommes aussi en train de travailler sur un petit film qui contient des extraits de la Coupe du monde U20 (remportée par l'équipe de France en juin), où l’on a vu de beaux essais et de grands matchs, à destination des parents et des enfants. Il faut contre-attaquer, être présent sur le terrain médiatique, ne pas laisser dire que le rugby est un sport plus dangereux qu’un autre.
Sentez-vous une inquiétude chez les parents ?
Lundi matin, j’ai eu quelques remontées d’écoles de rugby, qui indiquaient qu’il n’y avait pas de chute (de licenciés par rapport à la saison dernière). J’ai beaucoup parlé avec le président de Saint-Jean-de-Védas, où avait débuté le jeune Louis Fajfrowski.
Il m’a dit qu’il y avait eu beaucoup de discussions avec les parents et quasiment les mêmes effectifs que l’an dernier. Il faut que les éducateurs, les responsables d’écoles de rugby prennent le taureau par les cornes et donnent des explications.
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