Montpellier: Le long chemin vers la reconnaissance du rugby féminin
DROITS DES FEMMES•A Montpellier, les rugbywomen bénéficient de facilités qui leur permettent d’allier vie sportive, sociale et familiale. Mais des cinq sports collectifs majeurs, elles sont les seules à ne pas bénéficier de statut pro (ou assimilé)…Jérôme Diesnis
L'essentiel
- Montpellier est sextuple champion de France de rugby féminin.
- Les joueuses, qui s’entraînent chaque jour et sont régulièrement appelées pour certaines en équipe de France, militent au minimum pour un statut semi-professionnel.
C’est l’une des grandes causes nationales. Plus particulièrement encore ce 8 mars, journée des droits des femmes. Mais dans le sport, le concept est abstrait. L’égalité salariale entre hommes et femmes est d’autant moins envisageable en 2018 que dans certaines disciplines, c’est le statut des joueuses qui n’a quasiment jamais évolué depuis des décennies.
Des cinq sports collectifs majeurs (foot, rugby, hand, basket, volley), le rugby est le seul à ne pas proposer de statut pro ou équivalent aux féminines. « Et pourtant, on s’entraîne quotidiennement. On a un rythme de joueuses professionnelles », expliquait il y a un an Gaëlle Mignot à 20 Minutes, alors capitaine de l’équipe de Montpellier championne de France. La talonneuse est partie depuis à Richmond, en Angleterre, où le rugby féminin a entamé sa mue vers la professionnalisation, à commencer par tout l’encadrement.
« Le rugby féminin est encore une anomalie »
Si Bernard Laporte en avait fait « une priorité du développement du rugby français », avant son élection, le chantier est immense. « Il n’est plus possible de voir des filles refuser l’équipe de France parce que leurs employeurs ne les libéraient pas, comme on l’a vu par le passé dans certains clubs. Le rugby féminin est encore une anomalie par rapport aux autres sports co, mais on avance étape par étape », évoque Pascal Mancuso, manager de la section féminine à Montpellier.
« Ici, on est des privilégiées par rapport à beaucoup d’autres clubs. Les efforts sont faits pour nous accompagner », précise Safi N’diaye, la capitaine du MRC (la section amateur du MHR, à laquelle appartiennent les féminines), secrétaire à Provale (le syndicat des rugbymen professionnels), qui milite pour un statut semi-pro « mais pas 100 % professionnel afin d’éviter certaines dérives ».
« On fonctionne à la carte »
« Lorsque j’ai pris mes fonctions, c’est la première question à laquelle j’ai tenté de répondre, reprend Pascal Mancuso. Pour être performantes, il faut pouvoir s’entraîner, mais être bien, également, dans sa vie professionnelle, sociale et familiale. Certaines filles perdaient de l’argent pour s’entraîner en faisant garder leur enfant. Le modèle en place s’essoufflait, ce n’était pas possible de continuer comme ça. »
Des mesures fortes sont mises en place : le développement de l'ensemble de la filière féminine qui comporte aujourd’hui 130 joueuses de tout âge, de nombreuses facilités (accès à la carte à la salle de musculation, kinés, etc.) ou encore la création d’une commission qui aide les filles à trouver du travail ou bénéficier d’études aménagées.
Le manager a surtout bouleversé l’approche des entraînements : « On a essayé de les bloquer au minimum en soirée. Deux séances hebdomadaires sont obligatoires le soir. Le reste du temps est à la carte, en fonction des disponibilités de chacune. On a essayé de trouver les meilleures solutions. C’est nous qui allons devant les filles ». Et ça fonctionne : leaders du championnat élite de Top 8, les Coccinelles en sont les tenantes du titre.