Tournoi des Six Nations: Pourquoi le XV de France est devenu chiant à voir jouer?
RUGBY•Face à l’Ecosse, les spectateurs ont assisté à une belle purge…B.V.
Si l’on excepte la victoire face à l’Australie en novembre dernier, les matchs du XV de France ont une fâcheuse tendance à être ces derniers temps, comment dire… chiants comme la mort. La timide victoire face à l’Ecosse (15-8, sans essai français) samedi en ouverture du Tournoi des VI Nations fut à lui seul un climax d’ennui. Avec l’ancien international et consultant Canal+ Jean-Pierre Elissalde, 20 Minutes essaie de comprendre pourquoi les Bleus n’arrivent plus à enflammer leurs rencontres.
Parce que le Top14 lui-même est chiant? «Notre championnat est mortifère»
Sur le papier, le Top14 est sans doute le championnat le plus relevé du monde sur le papier. Mais en termes de volume de jeu, il n’arrive pas à la cheville de celui d’Angleterre. Moins d’essais (3,9 contre 4,3 de moyenne par match), moins de spectacle, un jeu plus fermé et tactique. Une différence visible en Coupe d’Europe: quant Bath est allé gagner à Toulouse en janvier, ils ont enchaîné les relances de leurs propres 22 pour inscrire quatre essais.
L’avis de Jean-Pierre Elissalde: «Tout à fait, notre championnat est mortifère pour le jeu. Il y a quelque chose à jouer à tous les échelons, qu’on soit dans les deux premiers, les quatre, les six, le septième ou le maintien. En Angleterre, il n’y a qu’un seul relégué et on savait déjà qui c’était après cinq journées (Les London Welsh sont totalement à la ramasse). Le Top14 a beaucoup trop d’enjeu. C’est un vieux dicton mais l’enjeu tue le jeu, et les joueurs avec. Avant on acceptait de perdre, de se faire éliminer. Aujourd’hui, tout le monde veut gagner et vite, sinon les problèmes financiers arrivent. Ca pousse au pragmatisme.»
Parce que Philippe Saint-André ne prône pas un jeu assez ambitieux? «C’est regarder par le petit bout de la lorgnette»
Du jeu à une passe, des combinaisons téléphonées, peu de variété, un maximum de pied, aucun grain de folie. Les griefs faits à l’équipe de France de Philippe Saint-André sont nombreux. De là à dire que c’est par la faute d’un coach trop prudent ou pas assez imaginatif, il n’y qu’un pas.
L’avis de JPE: «Ce sont ses possibilités de jeu qui sont trop restrictives. Un jour, PSA avait dit qu’il fallait que les joueurs partent en vacances avec un ballon de rugby dans le coffre. Sous entendu, ils n’ont pas la technique individuel. Mais ça fait un moment que ça dure, Laporte était aussi pragmatique. Tout le monde a envie de jouer, de faire du spectacle. Mais il est obligé de s’adapter aux joueurs qu’il a. C’est une question de manque de potentiel: La boite à idée n’est pas assez riche, les joueurs ne sont pas habitués à s’adapter, à jouer les coups. Le faire, ce serait du suicide. Se focaliser sur le manque d’ambition des joueurs ou du staff, c’est regarder par le petit bout de la lorgnette.»
Parce que cette génération manque de talent? «Si on met Slimani, Maestri au Papé au milieu de terrain, ils vont être emprunté»
Ce qui nous emmène donc à la question suivante. Si PSA fait avec les moyens du bord et que le jeu ne suit pas, c’est que ce qu’il y a à bord n’a rien d’extraordinaire. Et si c’était un problème de talent? A part Fofana à Twickenham, ou Thomas contre l’Australie sur des actions personnelles, aucun Bleu n’éructe régulièrement de classe.
L’avis de JPE: «Si tu cherches des étoiles, c’est que tu es dans la nuit. C’est le collectif qui éclaire, pas les exploits personnels. La Nouvelle-Zélande joue assez large-large, mais quand un pilier vient au milieu des centres, il sait tout faire: passer les bras, donner après contact, etc. Si Slimani, Maestri ou Papé se retrouvent au milieu de terrain, ils seront empruntés. Nous ne sommes tout simplement pas sur le même registre. Aujourd’hui, on apprend aux gamins à plaquer, à gratter au sol, à pousser en mêlée, à sauter en touche, et on a plus le temps pour le reste, la technique de base. Si l’on veut donner des libertés, il faut la donner à nos enfants. C’est l’éducation qui est à revoir.»
Parce que cette équipe manque de charisme? «On croit que chanter la Marseillaise va faire de nous des guerriers»
«Tu ne vois pas de caractère dans cette équipe. Quand le match ne se déroule pas très bien, j’ai pas l’impression qu’il y ait un leader qui amène l’équipe. Tout le monde se cache derrière tout le monde.» Pas tendre, le constat de l’ancien troisième ligne du XV de France Sébastien Chabal, sur RMC. Mais force est de constater que cette équipe semble manquer d’un peu d’âme. Personne pour réveiller un coéquipier un peu endormi, gueuler sur l’arbitre quand il siffle à l’envers ou distribuer un petit marron bien placé.
L’avis de JPE: «Bien sûr qu’il n'y a plus de Jean-Pierre Rives ou de Jo-Maso, mais y a plus de Gainsbourg non plus. Ce n’est plus l’époque. Aujourd’hui, si tu veux durer, c’est rentre dans le moule et ferme ta gueule. C’est l’environnement qui les rend lisses et c’est ce qu’on recherche. On a mis capitaine Dusautoir, le gendre idéal, et pas Papé. On s’est séparé de Parra, et tout le monde dit que c’est à cause de son caractère. Alors oui, peut-être qu’on manque un peu de charisme par rapport aux anglais, à des gars comme Haskell ou Robshaw. Aujourd’hui, on croit que chanter la Marseillaise va faire de nous des guerriers. Mais c’est pas l’hymne qui te fait gagner, sinon ça ferait longtemps que les Ecossais seraient champions du monde.»