Roland-Garros: Adios les scénarios apocalyptiques pour nos Français, ils vont cartonner (enfin, on croit)
TENNIS•On a envie d'y croire. Enfin au moins de faire semblant...William Pereira
Peur sur la ville. Le tournoi de Roland-Garros commence dimanche et les Français (orphelins de Tsonga, de retour de blessure) du tableau masculin offrent encore moins de garanties que d’habitude (oui, c’est possible). Conséquences, les prévisions apocalyptiques fusent autant que les torpilles anticipatoires d’ Henri Leconte. « On n’a pas quelqu’un de vraiment préparé et déterminé à faire quelque chose à Roland », ne s’est ainsi pas privé de déclarer le finaliste de l’édition 1988.
Trente piges. Trois décennies qu’un Français n’a plus atteint ce stade de la compétition dans le XVIe arrondissement parisien, et rien du côté des bookmakers ne permet de penser à une interruption de cette sombre série en 2018 (la victoire finale de Lucas Pouille est cotée à 45). Pour ne rien arranger à nos histoires, le tirage au sort a fait des siennes :
- Gasquet peut croiser Rafa au 3e tour
- Pouille se farcira Wawrinka au même stade de la compétition et s’il franchit l’obstacle, pourrait croiser les Thiem, Zverev et autres Djoko plus tard.
- Monfils croiserait la route de Goffin au 3e tour également
Bref, tout le monde fait la gueule et il est hors de question pour nous autres, spécialistes du contre-pied journalistique, de faire comme tout le monde. Armés jusqu’aux dents d’optimisme et de mauvaise foi, on vous explique donc pourquoi il reste quand même des motifs d’espoir pour la France du tennis masculin à Roland-Garros cette année. Avec l’aide précieuse d’Arnaud Di Pasquale, ancien DTN, lequel s’est prêté au jeu malgré une crainte, celle de passer pour « celui qui défend coûte que coûte les joueurs français », et un peu de Grégoire Barrère, détenteur d’une wild-card pour la deuxième levée du grand-chelem.
>> Gaël Monfils arrive dans les meilleures dispositions
On ne s’est pas gouré sur le titre, inutile de lustrer vos lunettes comme ça, posez ce chiffon et lisez plutôt. Certes, le Parisien s’est fait sortir sans gloire au premier tour à Lyon par l’obscur Marterer, certes, il a dit que ce serait dur de gagner un match à la porte d’Auteuil mais… On la connaît bien, la Monf’. Et que je fais n’importe quoi les semaines précédant Roland, que je prétexte une petite blessure, que je me fais oublier et hop ! Une fois venue l’heure de chauffer le central, l’ami des produits laitiers se met sur son 31 et file en deuxième semaine.
L’avis de Di Pasquale : « Monfils est capable d’être brillant du jour au lendemain à Roland-Garros sans avoir obtenu de résultats sur terre battue au préalable. La magie peut opérer avec lui, il a cette étincelle. S’il a travaillé dans son coin, ça peut le faire, car physiquement, il est gaillard. S’il passe un ou deux tours pour lancer la machine, on ne sait jamais. »
>> Lucas Pouille travaille pour les grands rendez-vous
Une seule victoire, trois si on compte la Coupe Davis, sur ocre avant d’aborder Roland, pas top non plus, le bilan de notre meilleur tricolore avant d’aborder la quinzaine. Mais la Pouille se « sent bien à l’entraînement » où il gagne beaucoup de sets, et ne doute pas de sa capacité à enfin réussir à importer ces bonnes vibes en match. « A Rome c’était mieux même si je suis tombé sur un très bon Kyle Edmund », nous confiait-il, jeudi. Faites-lui confiance.
L’avis de Di Pasquale : « On attend beaucoup de lui et moi j’ai envie d’être bienveillant à son égard. Pour le coup c’est une posture que je tiens vraiment, même si le but de l’article n’était pas d’être optimiste, j’aurais dit la même chose. Il manque de régularité mais je suis convaincu que quel que soit le résultat du jour, il travaille pour aller chercher un grand-chelem. Il y a peut-être un décalage entre ses résultats et ses ambitions mais il avance quand même. Ça passe par des étapes compliquées, mais au moins il a un projet. Il n’est pas "court-termiste", pas uniquement sur le calcul des points ATP, et il n’a pas peur de l’échec. Ça finira par payer, et pourquoi pas sur cette quinzaine ? »
>> Gasquet parce que #Richard2018, bien sûr
Ne jamais enterrer un génie (sauf Bouchard) avant l’heure. On pourra dire ce qu’on veut, que notre Richard national vieillit, qu’il n’a rien fait de beau sur ocre à part une semaine prometteuse à Monte-Carlo – où il a presque battu Sascha Zverev -, qu’il se farcira Rafa Nadal au troisième tour et n’a aucune chance de le battre… D’ailleurs, attardons-nous sur ce dernier point : le Biterrois n’est plus la serpillière du taureau, puisqu’il l’a dompté au début de l’année à Kooyong, et en deux manches s’il vous plaît (6-4, 7-5). Et puis le Rafa, il verra tout flou quand Guy Forget va pousser pour que le match se joue sur le Lenglen, le temple de Richard et la bête noire de l’Espagnol, habitué à l’immense superficie du Philippe Chatrier. Ça peut passer, vraiment.
L’avis de Di Pasquale : « Gasquet a l’expérience, il sait aussi que le temps passe, que c’est peut-être un de ses derniers Roland-Garros. Ça peut lui permettre de retrouver un certain niveau de détermination, de plaisir. C’est un joueur extrêmement talentueux, on le sait, et il est aussi capable de se sublimer à sa manière sur ce genre d’événement. »
>> Parce que le tableau masculin n’est pas si ouf que ça
Federer au repos, Murray out, Wawrinka hors de forme, Djokovic en potentielle surprise, Nadal en épouvantail, Thiem en outsider et Zverev en promesse encore non-tenue sur cinq sets gagnants… On vit sur une planète où Kevin Anderson est septième mondial et tête de série numéro six à Paris, autrement dit, dans un monde ouvert. Nos Français ont rarement donné aussi peu de garanties avant le deuxième GC de la saison ? Pareil pour le circuit ATP, qui, hors Nadal-Federer, a le cul entre l’ancien et le nouveau monde. Entre les deux, il y a une brèche dans laquelle s’immiscer.
L’avis de Di Pasquale : « En dehors de Nadal qui me semble indestructible, tous les autres restent clairement jouables et les Français dont on a parlé, en ajoutant Benoît Paire même s’il doit apprendre à tenir ses émotions, sont capables d’aller battre des Dimitrov, Del Potro et pourquoi pas Thiem et Zverev sur un exploit. Ça ne veut pas dire qu’ils sont intrinsèquement meilleurs, non, mais qu’ils peuvent réaliser ce genre de performances.
>> Les Français ont peu joué et seront frais
Osons pousser le curseur de la mauvaise foi à son maximum. Jouer sur terre battue fatigue. Enchaîner les matchs sur cette surface, encore plus. Et combien de matchs ont disputé nos frenchies avant la quinzaine ? Vous avez bien compté : pas beaucoup. Autant dire qu’ils arriveront à Roland au top de la fraîcheur physique là où les Zverev, Thiem et Nadal auront couru comme des chevaux de course. A nous les victoires en cinq sets. »
L’avis de Grégoire Barrere : « Les Français ne seront pas fatigués, ils sont bien préparés physiquement et on sait qu’il y a toujours des bonnes surprises françaises à Roland. Ils peuvent bien figurer, jouer avec le public, la famille présente en tribunes, etc. C’est toujours des conditions spéciales, ici. »